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ORDINATIONS ANGLICANES. DEFAUT D’INTENTION


Et pour qu’il ne reste aucun doute, la « rubrique noire », insérée au Prayer Book de 1552 par Edouard VI, supprimée en 1661, puis rétablie avec quelques modifications, explique, pour qu’on n’y voie pas un acte d’adoration, le maintien de la coutume de recevoir la communion à genoux : Hic declaraiur nullam per eam vel intendi vel faciendam esse adorationem aut sacramentalis Panis et Vini ibi corporaliler acceptorum aut corporalis cujusquam prsesentiæ Garnis et Sanguinis naturalium Christi. Sacramentalis enim Panis et Vinum in suie proprietate naturæ vel substantise permanent, ideoque ea adorare non licet : id enim idolatria esset, ab omnibus fidelibus christianis abominanda. On peut discuter, cf. Dalbus, op. cit., p. 23-24, sur la signification de certains termes, sur la substitution des mots « présence corporelle » à « présence réelle », mais il est impossible de donner à cette formule un sens orthodoxe ; le refus d’adoration implique la négation de la présence réelle.

On a objecté que la « rubrique noire » ne faisait pas partie du texte liturgique, qu’elle avait été ajoutée par Edouard VI. Mais le roi était le chef de l'Église ; on acceptait son intervention dans les questions doctrinales et liturgiques, aussi bien qu’en matière disciplinaire.

On retrouve d’ailleurs cette même doctrine sur le sacrifice et la présence réelle dans les Trente-neuf articles, issus de l’assemblée du clergé de 1563, résumés des Quarante-deux articles d’Edouard VI : ils constituent le credo officiel de l'Église anglicane. Le xxxi° article rejette le sacrifice : « L’offrande du Christ offerte une seule fois est la parfaite rédemption, la propitiation et la satisfaction pour tous les péchés du monde entier, originel aussi bien qu’actuels ; il n’y a en dehors de celle-là aucune satisfaction pour le péché. C’est pourquoi les sacrifices des messes où, disait-on communément, le prêtre offrait le Christ pour les vivants et pour les morts, n'étaient que fables impies et illusions dangereuses. » Le xviir 3 article nie la transsubstantiation : « La transsubstantiation ne peut être prouvée par la Sainte Écriture ; elle est contraire aux textes clairs de la Bible ; elle détruit l’essence du sacrement et a donné lieu à de nombreuses superstitions. — Dans la cène, le corps du Christ est donné, reçu, mangé, mais seulement d’une manière divine et spirituelle, et le moyen par lequel le corps du Christ est reçu et mangé dans la cène est la foi. D’après l’institution du Christ on ne conservait pas, on ne portait pas, on n'élevait pas, on n’adorait pas le sacrement de l’eucharistie. »

On a cherché à voir dans cette doctrine de l'Église anglicane sur le sacrifice le simple rejet d’une opinion fausse, communément admise, concernant la nature du sacrifice eucharistique. Dalbus, op. cit., p. 26 sq. ; Haddan, Apostolical succession, p. 269-274. Le regret de certains anglicans, « qu’on ait pu mutiler les anciens livres liturgiques jusqu’au point de permettre le doute sur la réalité du sacrilice, » ne fait rien à la chose. Il est certain que beaucoup rejettent les erreurs du passé et veulent donner un sens acceptable, plus conforme à la tradition, à la doctrine officielle de leur Église. Mais la question n’est pas de savoir ce que croit actuellement certaine fraction de l'Église anglicane. Pour déterminer la valeur du nouveau rite usité pour conférer le sacerdoce, pour préciser le sens de la formule qui y est adoptée, c’est aux idées des réformateurs eux-mêmes et aux doctrines officielles qu’il faut recourir. Or, il ne subsiste aucun doute : l’Ordinal, le Livre de la prière commune et le Credo officiel excluent toute idée de sacrifice ; le sacerdoce n’est plus un sacrement. On voit par là quel est le sens du rite d’ordination : c’est une signification nouvelle qui a été donnée aux termes de prêtres

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

et d'évêques ; on a voulu établir des ministres ne possédant aucune des prérogatives essentielles du sacerdoce et de l'épiscopat catholiques ; et pour atteindre ce but on a modifié intentionnellement l’ancien Pontifical. A supposer donc, ce qui n’est pas, que le degré de la hiérarchie soit suffisamment indiqué dans la forme même de l’ordre conféré, le rite serait encore en lui-même frappé d’inefficacité, signifiant tout autre chose que ce que Jésus-Christ, l’auteur des sacrements, et l'Église, interprète infaillible de la volonté du Christ, ont voulu qu’il représente et réalise.

Il n’y a pas que des catholiques pour soutenir cette conclusion : « On peut raisonnablement se demander, écrit le ritualiste Lee, si, à l’exception des évêques catholiques, il y avait un seul écrivain anglican, évêque, prêtre ou diacre, qui maintînt nettement la réalité du sacerdoce chrétien et d’un sacrifice véritable de l’Agneau de Dieu dans la sainte eucharistie. » King Edward the sixth Suprême Head, p. 88, n. 1. Cf. Jewell, A treatise of sacrements, Works, t. ii, p. 129 ; Withaker, Besponsio ad decem rationes Edmundi Campian jesuitæ, resp. ad rat. 8 et 9. Et il ne manque pas, de nos jours, d’anglicans pour affirmer que leur Église n’a ni réel sacrifice, ni tribu sacerdotale pour s’interposer entre Dieu et l’homme ; cf. Farrar, Sacerdotalism, dans la Contemporanj Beview, juillet 1892 ; du même, Undoing the work oj Beform, id., juillet 1893 ; Ryle, dans le Tablet, 10 novembre 1894, p. 739.

C’est encore l’opinion d’un grand nombre de Russes et de Grecs schismatiques, bien que le patriarche de Constantinople, Mélétios IV Métaxakis, ait reconnu, dans une lettre encyclique de 1922, la validité des ordres anglicans. Texte dans la Documentation catholique, t. xiv, 1925, col. 1012-1023. Cf. M. Jugie, Theologia dogmatica christianorum orientalium, t. iii, Paris, 1930, p. 438-440.

m. l’intention du ministre. — L’intention est la volonté délibérée de conférer un sacrement, de réaliser ce qu’a institué Jésus-Christ. Le décret d’Eugène IV pour les Arméniens donne l’intention comme l’un des trois éléments constitutifs des sacrements : Hœc omnia sacramenta tribus perftciuntur, videlicet rébus tanquam materia. verbis tanquam forma, et persona minislri conferentis sacramentum cum intentione jaciendi quod facit Ecclesia : quorum si aliquod desit non perftcitur sacramentum, DenzingerBannwart, n. 695. Le concile de Trente a défini : Si quis dixerit in ministris dum sacramenta conficiunt et conferunt non requiri intentionem saltem jaciendi quod facit Ecclesia, a. s., sess. vii, de sacr. in gen., can. 11. L’intention doit être véritable et intérieure, il suffit qu’elle soit virtuelle et implicite ; il n’est pas nécessaire qu’elle porte sur les etïets, sur la grâce produits par le sacrement : exprimitur generalis inlentio in verbo baptizandi (ego te baptizo), et illa expressio sufficit ad intentionem Ecclesiee, scil. ad fcciendum quod facit Ecclesia, licet non credat hoc aliquid valere. Albert le Grand, In IV uni, dist. VI, a. 11 ; Franzelin, De sacramentis in génère, p. 207-208. L’intention n’est donc pas radicalement viciée par l’erreur du ministre. Enfin, il n’est pas non plus requis que le ministre veuille faire ce que fait l'Église catholique, il est suffisant qu’il ait l’intention d’accomplir ce que fait l'Église en général, la véritable Église, ou ce que Jésus-Christ a institué : Si absolule velit facere quod Christus institua sed ex errore non putet hoc esse id quod romana Ecclesia facit, ex altéra tamen parte adhibeal materiam et formam, confteitur sacramentum. C. Pesch, Pnvlect. dogm., t. vi, 4e éd., p. 131.

Forts de ces principes théologiques, les anglicans affirment avoir vraiment l’intention de faire ce que fait l'Église. Ils raisonnent ainsi : l’Ordinal anglican

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