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OSÉE. LES ENSEIGNEMENTS


qui n’est rien qu’idolâtrique l’offrande des sacrifices humains ? Oui, diront certains, à cause de xiii, 2, où il est parlé de « sacrificateurs d’hommes », et de ix, 13, où Éphraïm est accusé de « mener ses enfants à regorgement ». Il est peu probable que, si réellement Osée avait voulu condamner un abus aussi grave, il se soit contenté d’une simple allusion, glissée dans le reproche au sujet des baisers aux idoles, xiii, 2 ; il n’est pas question davantage du sacrifice des enfants dans ix. 13, dont nulle mention d’ailleurs n’est faite dans Amos, ni dans Isaïe ; il s’agit, ici comme dans v, 1, 2 ; ii, 4, 5 ; iv, 15, de l’entraînement des enfants d’Israël à la prostitution, c’est-à-dire au culte des idoles.

Les manifestations d’un tel culte ne sauraient, on le conçoit. être agréables à Jahvé, d’autant plus qu’elles ne procèdent point d’un coeur sincère et désintéressé ; offrandes, victimes, sacrifices ne se multiplient que pour obtenir la fécondité du sol : « Ils se tourmentent au sujet du froment et du vin nouveau. » vii, 14. « Avec leurs brebis et leurs bœufs ils cherchent Jahvé, mais ils ne le trouveront point ; il s’est séparé d’eux. » v, (i. Par ses sacrifices Israël a mis le comble à ses transgressions, v, 2 : « Qu’ils immolent leurs offrandes de viande et s’en repaissent, je n’y prends point plaisir. » viii, 13.

A quoi donc Jahvé prendra-t-il plaisir ? « Ce que je désire, dit-il, c’est la piété et non le sacrifice, la connaissance de Dieu plus que les holocaustes. » vi, 6. Parole riche de doctrine, mais souvent mal interprétée. Ce n’est pas la condamnation de toute religion extérieure et cultuelle, comme l’entend volontiers l’exégèse protestante, depuis Luther, qui disait à son sujet : abrogat uno verbo omnes cserimonias, mais la condamnation seulement de ce culte formaliste, satisfait de l’accomplissement de pratiques rituelles, sans souci des dispositions de l'âme non plus que des devoirs fondés sur les exigences de la nature divine. Le rappel de la nécessité d’une religion intérieure, procédant de la justice, de l’amour pour Dieu et le prochain, est fréquent dans la prédication prophétique des viie et vme siècles, préoccupée de mettre Israël en garde contre les illusions d’un culte vain et formaliste. Cf. Am., v, 21-25 ; Is., i, 10-17 ; Mich., vi, 0-8 ; Jer., vii, 22-23 ; I Reg., xv, 22.

Cette religion intérieure devra être faite de piété, et de connaissance de Dieu. Qu’est-ce à dire ? Le terme hébreu héséd, traduit ordinairement par piété, désigne non pas l’amour, pour lequel Osée a un mot spécial mais plutôt la bonté, la miséricorde envers ses semblables, envisagée et pratiquée du point de vue religieux, selon que l’exige la volonté divine, iv, 1 ; x, 12 ; xii, 7. C’est ainsi que les Septante l’ont traduit par D.soç et que l’a compris le premier évangile. Matth., ix, 13 ; xii, 7. Si Osée insiste sur ce devoir de l’amour du prochain en exécution d’un préc epte divin, c’est qu’il sait son intime connexion avec la vraie piété envers Dieu qui est tout amour pour les hommes ; une piété sincère pour Dieu ne saurait aller sans l’amour du prochain, car toute piété qui ne s'épanouit pas dans l’ordre moral par cet amour, ne tient pas plus que la rosée et la nuée du matin, vi, 4. Cf. Gluck, Das Wort hesed in alttestamentlichen Sprachgebrauche…, Giessen, 1927.

Quant à la connaissance de Dieu ou de Jahvé, il résulte des passages où se rencontre l’expression, ii, 20 ; iv, 1, 6 ; vi, 3, 6 ; viii, 2 ; xiii, 4, qu’elle est synonyme de fidélité, d’amour, de dévouement ; dans le livre d’Osée, comme partout ailleurs dans l’Ancien Testament, la connaissance de Dieu n’est pas chose théorique et abstraite, c’est un don du cœur d’où procèdent piété et fidélité, c’est la source en un mot de toute vie religieuse et morale, iv, 6. Pour y atteindre, il faut d’abord écarter les obstacles : une vie déré glée, un sacerdoce et des prophètes qui ont failli à leur mission de faire connaître Jahvé ; il faudra ensuite évoquer le souvenir des manifestations de Jahvé dans le passé et plus spécialement des bienfaits dont il a comblé son peuple, ii, 8, sans oublier la loi qu’il lui a donnée pour son enseignement ; il faudra enfin, tant est profonde l’ingratitude, la menace et le châtiment.

b) Morale. — Plus vivement encore que ne l’avait fait Amos, Osée signale pour les flétrir les désordres dans la vie morale : mensonges, vols, meurtres, tous

. sans distinction s’en rendent coupables, iv, 2 ; les filles se livrent à la prostitution, les jeunes épouses à l’adultère, iv, 13. L’exemple vient de haut : les chefs méconnaissent la justice et le droit, v, 10, 11 ; les prêtres, par leur cupidité, encouragent l’immoralité, « ils se repaissent des péchés du peuple et ne désirent que ses iniquités », iv, 8, prenant part eux-mêmes au vol et à l’assassinat, vi, 9. Par contre, de l’oppression des pauvres par les riches, du luxe et de la vie facile, de l’injustice des juges, de ces thèmes favoris d’Amos, d’Isaïe ou de Michée, Osée parle à peine ; c’est qu’alors les funestes effets de l’oubli de la loi divine s’avéraient plus sensibles dans d’autres domaines, celui de la vie. politique par exemple.

c) Politique. — L'établissement de la royauté, du moins de la royauté schismatique, viii, 4, sans l'élection divine, est une de ces fautes capitales que le prophète dénonce sans trêve, parce qu’elle est à l’origine d’innombrables défaillances ; culte des idoles d’or et d’argent, consécration officielle de la taurolâtrie dans le royaume du Nord remontent en fait à Jéroboam, l’auteur du schisme politique. La dynastie de Jéhu ne vaut pas mieux ; dès le début de sa prédication, Osée en annonce la chute ; quant aux rois et aux princes qui suivirent la mort de Jéroboam II, ce ne sont qu’usurpateurs, fauteurs de désordres et d’anarchie. On pourfait croire parfois, et certains l’admettent, que cettecondamnation des chefs du peuple est la condamnation même de l’institution monarchique qui, dès ses origines, avec l'élection de Saùl, s’est montrée comme l’ennemie de Jahvé, toujours en révolte contre lui. vu, 7 ; viii, 9, 10 ; ix, 15 ; x, 3. Osée en jugerait comme Samuel. Cf. I Reg., viii, 4-9. Il ne voit pas de quelle utilité elle a jamais été pour le peuple et de quel secours dans les heures critiques surtout, où vainement il se tournait vers le roi et la cour : « Où est donc ton roi, où est-il pour qu’il te sauve dans toutes tes villes ? » xiii, 10. N’est-ce pas dans sa colère que Jahvé a donné un roi à Israël ? xiii, 11.

Un autre méfait de la royauté, ce sont les alliances étrangères. Oubliant que, dans le danger, le seul véritable secours ne peut venir que de Jahvé, les rois s’en vont le solliciter de l’Egypte ou de l’Assyrie. Du simple point de vue politique, Osée n’a pas de peine à montrer le néant et le péril de telles alliances dont il dénonce le projet, v, 13 ; vii, 9 ; x, 6 ; mais ce n’est pas à ce point de vue qu’il se place pour condamner une politique aussi désastreuse ; la vraie raison de sa polémique est une raison religieuse, car, dans l’antiquité, toute alliance politique comporte des conséquences religieuses, xii, 2 ; Is., xxx, 1 ; allié aux étrangers, Israël leur ressemblera ; mêlé aux nations, il deviendra comme une chose vile, vii, 8 ; viii, 8 ; c’est une déchéance irrémédiable, Jahvé abandonne qui l’oublie et le méprise.

3. Jugement.

Partout apparaît à l’origine du mal, dans quelque domaine que ce soit, la même infidélité envers Jahvé. De cette infidélité, Israël ne prend pas conscience, leurré par l’illusion qu’il a servi son Dieu, et que, précisément parce qu’il est son Dieu, il ne saurait châtier trop durement, à plus forte raison anéantir son peuple. C’est à dissiper ces erreurs et ces illu-