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OSÉE. LES ENSEIGNEMENTS


cœur du prophète, s’adresse au peuple, pour lui apprendre, ou plutôt lui rappeler la vraie notion de la divinité et du culte à lui rendre.

Israël, en effet, qui se prétend le peuple de Jahvé et en est fier, viii, 2 ; ix, 1, méconnaît sa véritable nature ; sous te nom de Jahvé, c’est en réalité une divinité de tous points semblable aux Baals qu’il honore, dans l’espoir d’un bonheur matériel et terrestre ; de là, une infidélité générale dont les manifestations multiples dans la vie morale, politique et religieuse sont un outrage permanent à Jahvé, qui, lassé de tant d’ingratitude, veut répudier le peuple infidèle comme l'époux chasse l'épouse adultère. Et pourtant, parce qu’il n’est pas un homme, parce qu’il est saint, il n’anéantira pas le coupable ; un jour, à l’infidèle repentant et converti il accordera pardon et salut.

C’est ainsi que le prophète, sans faire évidemment un exposé doctrinal systématique, est amené à exposer sur Dieu, Israël et leurs relations mutuelles, un ensemble de vérités, dont il importe de retenir les principales pour mieux saisir le rôle et l’influence d’Osée dans l’histoire religieuse d’Israël et dans la préparation lointaine de la révélation évangélique.

1. Dieu.

Le Dieu d’Osée, comme celui d’Amos,

est le Dieu unique. Maintes fois il le rappelle, d’abord aux adorateurs des divinités cananéennes, dont la réforme d'Élie n’avait sans doute pas complètement extirpé la race, et ensuite à ceux qui, sans refuser leurs hommages à Jahvé, lui rendent un culte qui le ravale au rang des Baals ; pour le jahvéiste ardent et intransigeant qu'était Osée, ce monothéime dégénéré n’est pas moins criminel qu’un polythéisme avoué, car sous le nom de Jahvé, ce n’est qu’un Baal qu’on honore, au mépris de l’authentique notion de la divinité, viii, 4-6 ; x, 5-8 ; xiii, 2. Aux uns et aux autres, le prophète affirme que Jahvé est le seul maitre de la nature ; que c’est lui, et non les Baals, qui donne la fécondité au sol et dispense l’or et l’argent, ii, 8 ; ix, 2 ; qu’il est également le maitre souverain des peuples, soumis à ses ordres pour l’exécution de ses desseins sur Israël, vu, 12 ; viii, 3, 10 ; x, 5-6 ; xi, 5 ; xiv, 2-9 ; qu’il est enfin le seul Dieu vivant, i, 10 ; iv, 15, car il est le vainqueur de la mort, vi, 2-3 ; xiii, 14. Que les Baals rentrent dans leur néant et que leur nom même ne soit plus prononcé : « Je supprimerai, dit Jahvé, le nom des Baals de sa bouche et ils ne seront plus mentionnés par leurs noms. » ii, 19.

Dieu unique et transcendant, Dieu des armées, xii, 6, Jahvé est aussi le Dieu d’Israël et, pour caractériser leurs rapports mutuels, Osée les compare à ceux de l'époux avec son épouse, i, ou mieux encore à ceux d’un père avec son enfant, xi, 1 ; par là, il entend en marquer l’intimité et le sentiment qui doit les dominer : l’amour. Aussi le prophète, parmi les attributs divins, retient-il surtout l’amour et c’est là une des caractéristiques essentielles de sa doctrine.

Ce n’est pas que, à l’exemple de son prédécesseur Amos, il n’en appelle à la justice divine contre les iniquités d’Israël, iv, 1, 2 ; vii, 1 ; x, 4, sans ménagement pour les prêtres et les chefs du peuple, iv, 6, 8, 9, 14 ; vi, 9… ; iv, 18 ; v, 10 ; vii, 3-7 ; mais l’idée fondamentale qu’il se fait de Jahvé et qu’il veut inculquer à Israël c’est que Jahvé est un Dieu d’amour, iii, 1. Dès les premiers temps de la vie du peuple hébreu, cet amour ne s’est-il pas affirmé tout comme au cours des siècles de son histoire où pourtant il a été mis à rude épreuve ? Et maintenant, faudra-t-il que les liens de cet amour se brisent et que s’accomplisse la menace incluse dans le nom symbolique du troisième enfant d’Osée : « Vous n'êtes plus mon peuple, dit Jahvé, et moi, je ne suis plus votre Dieu ? » i, 9. Malgré les menaces et leur commencement d’exécution, exigé par la justice, l’amour ne peut se résoudre aux rigueurs

sans espoir ; la ruine imminente hésite : « Comment t’abandonnerai-je, ô Éphraïm, te livrerai-je, ô Israël… mon cœur se retourne en moi et ma pitié s'émeut. » xi, 8. Finalement c’est l’amour qui l’emporte ; le pardon et le salut viendront et non l’anéantissement. C’est parce qu’il est Dieu et parce qu’il est saint, que Jahvé se devait de réaliser ses immuables desseins de miséricorde envers son peuple, xi, 9.

Cet amour magnanime et indéfectible se pare d’une exquise tendresse ; ce n’est pas l’amour distant d’un Dieu très haut pour d’infimes créatures, c’est l’amour d’un époux pour son épouse, mieux d’une mère pour son enfant. « L’amour des époux l’un pour l’autre traduit bien l’ardeur des sentiments de Yàhvé, mais il n’en rend pas assez la générosité, car il comporte une réciprocité qui rétablit au profit de chacun l'équivalence de ce qu’il donne et de ce qu’il reçoit. Osée cherche un amour plus désintéressé, où la passion de se donner l’emporte sur le désir d'être payé de retour ; il le trouve dans le dévouement maternel. Comme la mère dont les soins pour son enfant devancent l'éveil chez celui-ci de la reconnaissance. Yahvé s’est attaché à Israël quand il naissait à la vie nationale ; il l’a appelé d’Egypte, peuplade faible et sans organisation, et tout de suite il l’a choyé avec une tendresse de mère… La première comparaison a plus de force, la seconde est plus touchante ; à elles deux, elles nous font saisir toute la pensée d’Osée et ce qu’il mettait à la fois de passionné et d’inquiet, d’austère et de caressant, de pressant et de réservé dans l’amour que Yahvé portait à Israël. » Desnoyers, loc. cit., p. 154155.

2. Religion.

Fidélité et amour ne pouvaient, semble-t-il, et ne devaient que répondre à un tel amour ; l’alliance, base des relations entre Jahvé et son peuple, et l’union conjugale qui en était le symbole, indiquaient bien la nature des sentiments qui s’imposaient à Israël. Violation de la loi, trangression de l’alliance, méconnaissance de l’amour divin, telle fut au contraire la réponse d’Israël ; Osée, par sa prédication, va s’efforcer de faire comprendre à ses contemporains les exigences d’une religion digne de ce nom, aussi bien dans la pratique du culte que dans la vie morale et dans la vie politique elle-même.

a) Culte. — Même quand il s’adresse à Jahvé, le culte lui est trop souvent un outrage, car, sous son nom, c’est l’antique Baal, qui renaît dans ces sanctuaires locaux où s’empresse la foule pour l’offrande des sacrifices et les réjouissances populaires, ii, 7, 10 ; ix, 10 ; xi, 2 ; xiii, 1. Là, malgré les antiques prescriptions contre les représentations de la divinité, elle se prosterne devant des veaux d’or ou d’argent dont elle s’enorgueillit ; aussi avec quelle cinglante ironie le prophète stigmatise le culte insensé des images : « De leur argent ils font des idoles… ils baisent des veaux. xiii, 2. Cette polémique souvent engagée contre les images est une des caractéristiques de la prédication d’Osée, d’autant plus significative que ses prédécesseurs, Élie, Elisée, Amos, gardent le silence à ce sujet. Pour lui, le culte du veau d’or n’est qu’une forme de la survivance du culte des dieux étrangers et procède d’une fausse notion de l’amour dû à Jahvé.

Non moins condamnables sont les sacrifices avec leurs orgies licencieuses, iv, 13 ; ix, 1, la superstition populaire, iii, 1, la consultation des oracles, iv, 12, les éclats d’une joie bruyante, les lamentations ou même de cruelles mutilations ; tout cela a fait des lieux de culte, où les autels se sont multipliés, des lieux de péché qui provoquent le jugement divin. iv, 15, 19 ; v, 1-2 ; viii, 11 ; x, 1, 2, 8 ; xii, 12. « Toute leur malice est à Galgal (sanctuaire), c’est là que je les ai pris en haine, » dit Jahvé, ix, 15.

Faut-il ajouter à toutes ces pratiques d’un culte