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ORZECHOWSKI


Après une quinzaine d’années consacrées aux études à l'étranger et ayant en 1543 reçu, à son corps défendant mais sous la vigoureuse pression de son père, l’ordination sacerdotale, il obtint simultanément deux paroisses en plus de sa stalle canoniale. Il entre du coup en conflit pour cumul de bénéfices avec son évêque Stanislas Tarlo (1537-1544) et manifeste déjà à cette occasion un esprit de révolte signalé. Ses relations avec l’autorité ecclésiastique devinrent plus tendues encore sous le successeur de l'évêque Tarlo, Jean Dziaduski (1545-1559) lorsque Orzechowski qui, avec son tempérament débordant et fougueux, ressentait de sérieuses difficultés à satisfaire aux obligations de la continence sacerdotale, se fut mis en campagne pour l’abolition du célibat ecclésiastique. Cette lutte, il y préluda par son attitude au synode diocésain de Przemysl (1546) et il continua à la soutenir l’année d’après en publiant, sous la forme alors reçue d’une harangue aux Pères de Trente, qui venaient tout juste de se réunir, une brochure latine intitulée : De lege cœlibatus contra Siricium in concilio habita oratio. Dans cet écrit, de même que dans plusieurs autres qui le suivirent, il combat la loi du célibat ecclésiastique pour son incompatibilité supposée avec les exigences de la nature et parce qu’inconnue, dit-il, de l’antiquité chrétienne et de la discipline en vigueur dans l'Église orientale. Cité devant le tribunal épiscopal, Orzechowski commença par se soumettre tout d’abord à la légère pénitence qui lui avait été imposée, mais, bien vite, il revint à la charge, se sentant en crédit auprès de ses contemporains, grâce à l'éclatant succès de ses écrits et de ses discours politiques et principalement de l’oraison funèbre, qu’il avait écrite à propos de la mort du roi de Pologne Sigismond I er en 1548. L’Ordinaire le menaça alors des peines et censures ecclésiastiques. Orzechowski ne s’en soucia pas. Il remua en sa faveur l’opinion et, à la Diète (Sejm) générale, réunie à Piotrkôw en 1550, il sut donner à sa querelle personnelle une portée plus étendue, en la présentant comme une défense des droits et privilèges de la noblesse contre les « empiétements tyranniques » de l'Église. Le parti protestant, qui était déjà fort nombreux et suffisamment puissant en Pologne, prit tout naturellement, fait et cause pour Orzechowski. Peu après ces débats parlementaires, Orzechowski s’enhardit jusqu'à donner la bénédiction nuptiale, dans son église paroissiale de Zorawica, à l’un de ses confrères Martin Krowicki, curé de Sadowa Wisznia près de Przemysl ; puis en 1551, il contracta lui aussi mariage avec Madeleine Chelmska appartenant elle-même à la noblesse, après s'être démis des bénéfices ecclésiastiques qu’il possédait. Chose hautement caractéristique de la situation religieuse de la Pologne d’alors, cette incartade trouva l’approbation générale, même en des milieux qui, par ailleurs, se croyaient strictement catholiques. Soutenu par cet état de choses, Orzechowski ne reconnut pas le verdict porté contre lui par -son évêque Dziaduski qui l’avait cité derechef à son tribunal et l’avait condamné ; il en appela de la sentence au synode provincial et même au souverain pontife. Cf. l’impudent opuscule intitulé, Stanislai Orechovii ad Julium Tertium pontif. maximum supplicatio de approbando matrimonio a se inilo, publié à Bâle en 1551. Mais, par un singulier contraste, Orzechowski trompa en même temps les grandes espérances que les protestants de Pologne se mirent alors à fonder sur lui, en se jetant dans la mêlée de la polémique antiprotestante, en soulignant hardiment son orthodoxie en matière de foi et en prenant violemment position contre son confrère Krowicki lequel, après son mariage, était devenu ouvertement hérétique. Voilà pourquoi les évêques polonais avec

le primat de Pologne, l’archevêque de Gniezno, Nicolas Dzierzgowski (1546-1559) en tête, décidèrent dans leur réunion tenue à Piotrkôw en 1552, de composer avec cet apologiste imprévu, si populaire dans la noblesse, et de traiter le plus doucement possible ce prêtre révolté. Ils le délièrent donc des censures ecclésiastiques et lui intimèrent l’ordre de se faire absoudre à Rome dans le courant de l’année. Sur ce, Orzechowski entama des démarches, qui devaient demeurer infructueuses, afin d’obtenir du Saint-Siège la validation de son union. L’affaire resta cependant en suspens jusqu’au synode de Lowicz (1556) où, sur l’intervention du nonce apostolique Louis Lipomano, l’on cassa pour cause d’illégitimité canonique la décision de Piotrkôw qui le libérait de l’excommunication.

Nouvelle révolte de l’infatigable et tumulteux Orzechowski, qui compose alors un libelle absolument inqualifiable et franchement schismatique contre le Saint-Siège et le clergé, intitulé : Repudium Romæ. Ce libelle néanmoins ne vit pas le jour, car son auteur, changeant d’attitude, le fit retirer de l’imprimerie. Et pourtant, il ne se tint pas pour battu, car, après la mort du sévère et indomptable Paul IV († 1554) il revint à la charge auprès du nouveau pontife Pie IV, demandant à être relevé de son excommunication et se remettant à la polémique antiprotestante pour mieux se faire apprécier de l'Église. Au synode de Varsovie (1561), il signe une profession de foi, condamne, d’une manière fort réservée, il est vrai, son malencontreux mariage et en appelle à la grâce du pape. De cette période de sa vie, nous avons aussi des écrits antiprotestants, dirigés en particulier contre le prédicant Stancar (1502-1574), un italien qui était alors l’un des principaux chefs de la Réforme en Pologne. Également à la même époque (1564), parut le très célèbre traité politique d’Orzechowski intitulé le Quincunx, où le turbulent auteur, ayant changé d’avis, soutient la théocratie et la suprématie de l'Église, voire même dans la vie sociale. Il y gagna peu cependant, car il perdit de la sorte la chaude sympathie du camp laïque qui le patronnait jusqu’alors et il ne s’acquit point la bienveillance du clergé, parce que, nonobstant toutes ses avances, il ne se sépara point de sa femme jusqu'à la mort de celle-ci, survenue en 1566. Peu après il mourut lui-même dans l’indifférence générale, vers le nouvel an 1567.

Orzechowski fut un tempérament de frondeur et de partisan qui, pour son avantage personnel ou par lubie, était toujours prêt à tout sacrifier, principes et bien général compris. Évidemment c'était un esprit capable, instruit, de large culture, excellent orateur, mais ce ne fut pas un esprit profond. Sa production littéraire, plus de cinquante titres, qui d’ailleurs lui a valu une place fort marquante dans' les lettres polonaises du xvie siècle et dans l’histoire des mœurs, offre plutôt le caractère d'écrits de circonstance du genre journaliste, pleins de verve et de traits acérés, que celui d’une activité scientifique soutenue. Pour la plupart ce ne sont guère que des opuscules. Pour l’histoire de la théologie en Pologne voici les ouvrages qui, dans son héritage littéraire, offrent quelque importance, le reste étant surtout politique ou nettement personnel : 1° Baptismus Ruthenorum, Cracovie, 1544, où Orzechowski reprend à son compte une vieille querelle qui avait occupé autrefois, à la fin du xvie siècle, les théologiens polonais, à savoir si le baptême des Ruthènes, par conséquent le baptême du rit oriental, doit être, oui ou non, tenu pour valide. Mû peut-être par son sentiment d’appartenance à la race ruthène, Orzechowski défend en tout état de cause la validité de ce baptême, ce en quoi il a raison. Ce n’est d’ailleurs qu’une brochure. —