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ORDINATIONS ANGLICANES. INSUFFISANCE DU RITE

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constatation avait amené Mgr Boudinhon à conclure : « on peut donc soutenir que l’oraison Almighty God employée par l’Ordinal pour la consécration des évêques remplit les conditions que l'étude comparée des textes catholiques nous a démontrées comme nécessaires et suffisantes ; par conséquent elle serait valable pour produire les effets sacramentels de la consécration épiscopale. » Op. cit., p. 56. Il ne lui apas échappé cependantque la prière ne désignait pas l’ordre conféré ; qu’aucune fonctionproprement épiscopale n'était mentionnée et qu'à considérer cette formule isolément on pourrait l’entendre aussi bien du presbytérat ou d’un autre ordre ; mais il lui a paru que l’ensemble des cérémonies de l’ordination en fixaient suffisamment le sens et la détermination.

Nous avons, en effet, admis que les pouvoirs propres à chaque ordre ne devraient pas nécessairement être mentionnés de façon explicite dans le canon consécratoire ; mais qu’ils devaient être précisés soit par les rites secondaires, soit par la croyance et l’interprétation de l'Église. En particulier, il faut que la forme soit telle qu’elle puisse être capable de faire de véritables prêtres, au sens propre du terme, des prêtres sacrificateurs, puisque c’est là le propre du sacerdoce ; cf. Conc. Trid.. sess. xxiii, can. 1, et de véritables évêques possédant le sacerdoce suprême et ayant pouvoir de perpétuer la hiérarchie. On ne peut pas dire que la forme de l'épiscopat chez les anglicans soit ainsi précisée : l’ensemble de l’Ordinal et la doctrine officielle de l'Église anglicane démontrent le contraire.

3. L’ensemble de l’Ordinal et la doctrine de l'Église anglicane sur le sacerdoce et l'épiscopat. — L'étude des cérémonies secondaires et de la doctrine de l'Église anglicane démontre l’inefficacité de la forme de l'épiscopat et confirme l’affirmation précédente de l’insuffisance de la forme du sacerdoce.

a) Suppression des véritables pouvoirs du prêtre et de l'évêque dans l’Ordinal. — Le véritable auteur de l’Ordinal est Cranmer. Cf. Denny et Lacey, op. cit., p. 69. Il a subi l’influence du protestant Bucer. Ce dernier, dans le but d’affirmer l'égalité des trois ordres, avait proposé une formule unique pour chacun des trois degrés de la hiérarchie. Cranmer ne l’a pas suivi jusque-là. La préface qui précède l’Ordinal rappelle même l’institution par les apôtres des trois degrés de la hiérarchie et la volonté de l'Église d’Angleterre de les conserver. « Depuis le temps des apôtres, il y a eu dans l'Église du Christ ces trois ordres de ministres, les évêques, les prêtres et les diacres.. Et c’est pourquoi, afin que ces ordres soient perpétués et respectueusement employés et estimés dans l'Église d’Angleterre, nul homme ne sera compté ou considéré légitime évêque, prêtre ou diacre, si ce n’est qu’il ait été éprouvé, examiné et accepté pour cela d’après la formule qui suit ci-dessous. » Trad. S. Smith, DM. apol., t. iii, col. 1185.

Au début de l’ordination l’archidiacre mentionne l’ordre qui va être conféré ; également la première oraison « Dieu Tout-Puissant. » Ces termes de prêtre, priest, et d'évêque, bishop, qui sont conservés dans l’Ordinal, suffisent-ils pour préciser la forme ? Le sacrement de l’ordre a pour but d'établir un sacerdoce dont la principale fonction est d’offrir un sacrifice, de consacrer le corps du Christ. Or, il est évident que les modifications apportées par Cranmer au rite alors en usage en Angleterre étaient destinées à supprimer toute idée de sacrifice et de sacerdoce.

Les anciens rituels anglais, Salisbury, Exeter, Winchester, Bangor, employaient, comme le rituel romain, les termes ofjerre, sacramenta confleere, pour désigner les fonctions du prêtre ; on présentait à l’ordinand le calice et la patène : tout cela a été sup primé. Cette dernière cérémonie, que l’on avait encore conservée en 1550, en changeant toutefois la formule, accipe potestatem ofjerre sacrifteium, en cette autre, accipe potestatem prædicandi… et administrandi sancta sacramenta, fut abolie en 1552, comme superstitieuse. Les changements sont sensibles dans la prière consécratoire ; malgré son antiquité et sa présence dans tous les rituels d’Angleterre, à l'époque du schisme, on y retranche tout ce qui rappelait un sacerdoce chargé d’offrir le sacrifice de l’autel : la mention des prèti’es sacrificateurs de l’ancienne Loi, figure du sacerdoce nouveau, a disparu ; le mot même de sacerdoce est supprimé, avec tous les attributs sacerdotaux. Alors que dans les rituels de Sarum et d’Exeter le consécrateur disait : sacerdolem oportet ofjerre, benedicere, prxesse, prxdicare, confteere et baptizare, le nouvel Ordinal lui fait dire : Domini eritis nuntii speculatores, pastores et dispensatores. Vestrum erit familiam Domini docere, monere, pascere, curare…. Enfin la bénédiction finale, Benedictio Dei omnipotentis descendat super vos ; ut sitis benedicti in ordine sacerdidali, et offeratis placabiles hostias pro peccatis atque ofjensionibus populi, devient : Ut omni justitia induantur, et verbum tuum per ipsorum ora prædicalum tam bene succédât, ut nunquam frustra proferatur. Probst, Die allesten ramischen Sacrarnentarien und Ordines, Munster, 1892, p. 53 et 199 ; W. Maskell, Monumenta ritualia anglicanes Ecclesix, 2e éd., Oxford, 1882, t. ii, p. 165-297 ; Estcourt, op. cit., p. 260. Ces changements sont significatifs : l’Ordinal anglican a modifié la forme du sacrement, dans le dessein d’enlever au mot priest le sens de prêtre sacrificateur, qu’on doit trouver et qu’on trouve dans tous les rites d’ordination, soit dans la forme ellemême, soit dans les cérémonies secondaires. C’est en vain que Denny et Lacey, op. cit., p. 136, objectent que le terme vague priest est précisé dans la traduction latine du Prayer Book de 1560, où il est rendu par sacerdos. Il n’est pas certain que cette traduction ait jamais été reconnue officiellement et, d’ailleurs, quel sens aurait-il dans un Ordinal d’où toute idée de sacrifice est exclue ? On ne saurait non plus sérieusement prétendre que l’on a voulu, en modifiant l’Ordinal, revenir à la simplicité des institutions apostoliques. Quelle est l'Église protestante qui n'émet lias une pareille prétention ? Cf. Dalbus, Les ordinations anglicanes, p. 30. On a conservé les termes en usage à l'époque des apôtres, mais en les dépouillant des erreurs papistes et en les revêtant d’une autre signification.

La forme de l'épiscopat, aussi ambiguë que celle de la prêtrise, n’est pas mieux précisée par l’ensemble des prières de l’Ordinal ; il n’y a rien qui suppose le sacerdoce suprême. Les prières de l’Ordinal ont été modifiées dans le même sens que celles de la prêtrise : suppression de tout ce qui rappelle le sacrifice eucharistique et le pouvoir de consacrer. Il ne sert donc de rien que le terme d'évêque ait été conservé, puisqu’il peut être pris dans un double sens : dans sa signification étymologique de surveillant, permettant de n’y voir avec les protestants qu’un surintendant, un administrateur ecclésiastique, ou dans sa signification véritable et traditionnelle de ministre du Christ, revêtu du sacerdoce suprême. Les modifications apportées à l’Ordinal s’opposent à ce qu’on l’entende dans ce dernier sens.

D’ailleurs, sans le presbytérat antérieurement conféré, peut-il y avoir un véritable épiscopat ? La question a pu être discutée ; cf. De Augustinis, De re sacramentaria, 2e éd., t. ii, p. 541 sq. Quoi qu’il en soit de cette controverse, il est certain que l'épiscopat ainsi conféré per saltum ne pourrait être valide que dans le cas où le rite employé donnerait de véritables