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    1. ORIGENISME##


ORIGENISME. LR CONCILE DE MENAS

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Nouvelle-Laure, peuplée de moines dissidents de la Grande-Laure, fondée par saint Sabas, non loin de Jérusalem. Mais, « sous le couvert de la foi chrétienne, ils adhéraient aux doctrines impies des Hellènes, des juifs et des manichéens, tout particulièrement aux mythes d’Origène, d'Évagre et de Didyme sur la préexistence des âmes. » Vita Sabæ, p. 274. Il ressort de ce renseignement que c'était avant tout la doctrine de la préexistence des âmes qui caractérisait l’origénisme de cette époque. Chassés peu de temps après, à cause de leurs opinions origénistes, ils errèrent autour de Jérusalem en faisant de la propagande pour leur doctrine. En 520, l’abbé de la Nouvelle-Laure étant mort, son successeur, Mammas, permit à Nonnus et à ses compagnons de rentrer au couvent ; toutefois, par crainte de saint Sabas, qui de la Grande-Laure avait l'œil sur eux, ils mirent une sourdine à leur origénisme. Vita Sabæ, p. 274 sq.

En 531, quand Sabas alla à Constantinople, un des compagnons de Nonnus, Léonce de Byzance, réussit à se faufiler dans sa suite. Sur l’identité de ce personnage, voir Léonce de Byzance, t. vi, col. 400 sq. Arrivé dans la capitale, il prit part aux discussions qui eurent lieu avec les monophysites ; mais, sous le couvert de la défense de l’orthodoxie chalcédonienne, il propageait ouvertement l’origénisme. Dès que Sabas s’en fut rendu compte, il se sépara de lui, ainsi que d’un certain nombre de ses moines qui s'étaient montrés partisans de Théodore de Mopsueste. Vita Sabæ, p. 344.

Après la mort de Sabas, 5 décembre 532, les origénistespalestiniens, se sentant les coudées plus franches, réussirent à gagner dés adhérents même dans la Grande-Laure. Leurs chefs étaient Domitien, higoumène de l’ermitage de Martyrius, et Théodore Askidas, diacre à la Nouvelle-Laure, qui devait jouer un rôle important dans l’affaire des Trois-Chapitres. Tous deux assistèrent, en 536, à Constantinople, au concile qui déposa le patriarche Anthime : leurs signatures au bas des Actes de ce synode le démontrent. A cette occasion, ils montrèrent tant de zèle pour le concile de Chalcédoine, qu’au bout de peu de temps, Domitien devint évoque d’Ancyre, et Théodore évoque de Césarée de Cappadoce. Diekamp, op. cit., p. 37. Les origénistes de Palestine, se sentant épaulés par les détenteurs de deux sièges épiscopaux très importants, eurent un regain d’audace. Gélase, le second successeur de Sabas à la Grande-Laure, essaya d’enrayer leur propagande en faisant lire à ses moines le livre qu’Antipater de Bostra avait écrit contre Origène au siècle précédent. Ensuite, voyant qu’il n’arrivait pas à ses fins par la persuasion, il usa de rigueur en renvoyant de la Grande-Laure quarante moines origénistes. Mal lui en prit, car, sous la conduite de Léonce de Byzance, Jes moines origénistes revinrent en force et ils auraient pris la Grande-Laure d’assaut, si un orage miraculeux ne les en avait empêchés. Vita Sabse, p. 362. Quoi qu’il en soit de ce miracle, il ressort du récit de Cyrille de Scythopolis qu’en 542 les couvents palestiniens étaient fortement travaillés par l’origénisme. Pour la fixation de cette date, voir Diekamp, op. cit., p. 34.

Libératus raconte que Pelage, l’apocrisiaire du Saint-Siège à Constantinople. passant en Palestine pour assister au concile de Gaza, qui déposa le patriarche d’Alexandrie Paul, reçut de moines palestiniens des extraits des livres d’Origène, que ces derniers voulaient faire condamner. Pelage aurait abondé dans le sens des moines, espérant qu’une condamnation d’Origène ruinerait le crédit de Théodore Askidas auprès de l’empereur, et il aurait obtenu de l’empereur Juslinien la fameuse lettre à Menas, qui rangeait le grand Alexandrin parmi les hérétiques les plus

pernicieux. Libératus, Breviarium, c. xxiii, P. L., t. lxviii, col. 1040.

Le récit de Cyrille de Scythopolis donne plus de détails. Selon lui, le trésorier de Sainte-Sophie de Constantinople, Eusèbe, de passage à Jérusalem pour aller au concile de Gaza, aurait pesé sur l’abbé de la Grande-Laure pour obtenir la réintégration des origénistes expulsés par celui-ci. L’abbé n’obtempéra pas à la suggestion d’Eusèbe, mais, pour lui donner une certaine satisfaction, il renvoya de la Grande-Laure les antiorigénistes notoires. Ceux-ci allèrent se plaindre à Antioche, au patriarche et, pour montrer le bien-fondé de leur réclamation, déposèrent entre les mains dudit patriarche le livre antiorigéniste d’Antipater de Bostra. « Ayant pris connaissance des blasphèmes d’Origène par la lecture de ce livre », le patriarche d’Antioche n’hésita pas et anathématisa les dogmes d’Origène en un concile réuni par ses soins. Pour se venger, les origénistes palestiniens forcèrent l'évêque de Jérusalem à rayer des dyptiques de son Église le nom de son collègue d’Antioche. Mais, sous main, l'évêque de Jérusalem se fit remettre par l’abbé de la Grande-Laure un mémoire contre les agissements des origénistes ; il l’envoya à l’empereur en y ajoutant une lettre dans laquelle il dénonçait lui-même les « nouveautés » origénistes. Ces deux mémoires auraient décidé Justinien à agir. Vita Sabæ, p. 364 sq.

Diekamp donne la préférence au récit de Cyrille de Scythopolis, fixe la date du synode de Gaza au temps de Pâques 542, celle du synode d’Antioche à l'été de la même année, l’envoi des. mémoires antiorigénistes à Constantinople à l’automne de la même année, enfin la lettre de Justinien à Menas, au mois de janvier 543. Op. cit., p. 42-45. Quoi qu’il en soit de cette question, les deux récits sont d’accord pour affirmer que la condamnation d’Origène par Justinien a été provoquée par des mémoires envoyés de Palestine à l’empereur. Nous verrons encore l’importance de ce fait.

2. La lettre de Justinien au patriarche Menas.

Au reçu de cette plainte des moines palestiniens, Justinien écrivit au patriarche de Constantinople, Menas, la longue lettre dont le texte se trouve dans Mansi, Concil., t. ix, col. 488-533.

L’empereur débute en disant qu’ayant toujours considéré la protection et la conservation de la foi comme son principal devoir, il ne croit pas pouvoir rester inactif devant la propagande faite par certaines personnes pour les enseignements d’Origène, qu’on ne peut appeler chrétiens, parce qu’ils sont païens, manichéens et ariens. Cet homme, continuet-il, a osé blasphémer la Trinité en enseignant que le Père est plus grand que le Fils, que le Fils est plus grand que le Saint-Esprit, que le Saint-Esprit est plus grand que les autres esprits. Il prétend que le Fils ne peut voir le Père et qu’il est lui-même invisible au Saint-Esprit ; que le Fils et le Saint-Esprit sont des créatures ; que nous sommes par rapport au Fils ce que le Fils est par rapport au Père. Selon lui, la puissance divine est limitée et tous les genres et espèces sont éternels comme Dieu. Il prétend qu’un certain nombre d'êtres spirituels sont tombés dans le péché et, en punition de leur péché, ont été bannis dans des corps ; selon la mesure de leurs fautes, ces êtres spirituels pourraient même, à son avis, être enfermés une seconde et une troisième fois dans un corps pour retourner, après purification complète de leurs péchés, à leur état primitif de sainteté et d’incorporéité. Il affirme aussi l’existence successive de plusieurs mondes, dont plusieurs ont déjà existé tandis que d’autres doivent encore parvenir à l’existence.

Après cet exposé des erreurs d’Origène, l’empereur s’indigne qu’un seul homme ait pu professer tant de