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    1. ORTGÈNE##


ORTGÈNE. LA RÉDEMPTION

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le savoir, revenir aux exposés théologiques du De principiis. car ce qui nous intéresse d’abord ici, c’est la doctrine du théologien. Tout le chapitre vi du second livre est consacré à l’incarnation, et c’est là surtout que nous trouverons la synthèse de l’enseignement origéniste.

Comme tous les autres esprits, l'âme du Christ a été créée dès le principe : mais seule, parmi tant d’autres, elle est restée absolument fidèle à Dieu. Comme le dit ici la traduction de saint Jérôme, nulla alia anima, quæ ad corpus descendit humanum, puram et germanam similUudinem signi in se prioris expressil nisi illa, de qua Salvator loquitur : Nemo lollit animam meam a me, sed ego ponam a meipso. Epist., cxxiv, 6, P. L., t. xxii, col. 1064-1065.

Pour nous sauver, le Verbe s’unit plus intimement à cette âme, et, par son intermédiaire, à un corps parfait et beau, puisque chaque âme a le corps qu’elle a mérité et qui convient au rôle qu’elle doit remplir. Contra Cels., VI, 75-77. Jésus naît d’une vierge, sa naissance est réelle, comme le sont aussi ses inquié tudes, ses troubles, ses infirmités, ses souffrances. Les récits évangéliques doivent être pris au sens historique, et, même lorsque Origène leur découvre une signification allégorique, il n’entend pas pour autant mettre en doute la réalité des faits qu’ils racontent. Le docétisme par contre demeure une hérésie qu’Origène condamne avec force, bien qu’on puisse trouver encore chez lui, comme naguère chez Clément, quelques formules susceptibles d’une interprétation docète. Contra Cels., VI, 77 : II, 64-65. C’est surtout dans son apologie Contre Celse, qu’Origène se trouve amené à prendre la défense de l’histoire du Sauveur : aux objections du philosophe païen contre la véracité des évangiles, il répond en homme qui connaît tous les détails de l'Écriture et qui, pour avoir longuement vécu dans le pays de Jésus, est mieux que quiconque à même de comprendre la vie du Maître.

Jésus-Christ est donc véritablement un homme ; d’autre part, le Verbe qui est en lui ne perd rien de ce qu’il était dès le commencement : rjj oùoia [iivcov Xôyoç. Contra Cels., IV, 15 ; cf. In Joan., xxviii, 14, GP., t. xiv, col. 720. Par suite, il y a deux natures dans le Sauveur, car il est à la fois Dieu et homme : Alia est in Christo deitalis ejus natura, quod est unigenitus fllius Palris, et alia humana natura, quam in novissimis lemporibus, pro dispensatione suscepil. De princ, I, ii, 1. Cf. In Joan., xix, 2 : ôti ô ctorJ]p ôts ptèv Tcepi sauTOÛ wç Trepl àv0pw7rou SiaXéysTai, ôrè 8s wç Trspl Œtoxépaç <pôascoç xal Tjvwjjtévrçç -r/j <£ysvy ; t<jl> toû 7vxxpo< ; çûasi. Contra Cels., III, 28 ; VII, 17.

S’il y a dans le Christ deux natures, il n’y a pourtant qu’un seul être. Le Verbe de Dieu, après la dispensât ion, est devenu un avec l'âme et le corps de Jésus. Jésus est otjv6st6v ti ^p^oc. Contra Cels., II, 9. Pour se faire mieux entendre, Origène use d’une comparaison : « Le fer est un métal susceptible de froid et de chaleur. Supposez donc qu’une masse de fer reste continuellement dans le feu, de sorte qu’elle reçoive la chaleur par tous ses pores et par toutes ses veines ; elle deviendra tout feu. Direz-vous qu’elle peut se refroidir aussi longtemps qu’elle restera dans le feu ? Certes non. Au contraire, vous voyez par ce qui se passe dans les fournaises qu’elle n’est plus autre chose que le feu ; et si vous essayez de la toucher, c’est la force du feu que vous ressentez et non celle du fer. Ainsi en est-il de cette âme qui, semblable à du fer placé dans le feu, est toujours dans le Verbe, toujours dans la Sagesse, toujours en Dieu : tout ce qu’elle fait, tout ce qu’elle pense est Dieu ; voilà pourquoi elle n’est point sujette au changement, car elle participe à l’immutabilité du Verbe de Dieu, auquel elle reste unie dans le feu de l’amour. Nous admettons bien qu’une certaine chaleur du Verbe parvienne à tous les saints, mais, quant à cette âme, le feu divin y repose substantiellement. » De princ, II, vi, 6. Le corps et l'âme ne sont pas seulement associés au Verbe, ils lui sont joints par une union et par un mélange, êvwCTei xal àvaxpàaei, qui les a rendus participants de la divinité et les a transformés en Dieu, cîç 0sov (i.£Ta6e67)xsvoct.. Contra Cels., III, 41. Comme l'écrit J. Tixeront, La théologie anlénicéenne, p. 315, ce sont des « expressions trop fortes évidemment, et qui doivent se corriger par ce qui est dit plus haut, mais qui montrent l’idée que l’auteur se fait et qu’il essaie de traduire de l’unité de Jésus-Christ. Il la traduit encore par la communication des idiomes, dont il n’use pas seulement, mais dont il a été le premier à formuler la loi et à montrer, dans l’union hypostatique, la raison d'être. « Les formules qu’il emploie ici sont à rappeler : Unde et merilo pro eo quod vel lola essel (anima illa) in Filio Dei vel tolum in se caperet Filium Dei, etiam ipsa cum ea quam assumpseral carne Dei Filius et Dei virlus, Christus et Dei sapientia appellatur ; et rursum Dei Filius, per quem omnia creata sunt, Jésus Christus et Filius hominis nominatur. Nam et Filius Dei morluus esse dicitur pro ea scilicel natura, qute mortem utique recipere polerat ; et Filius hominis appellatur, qui venturus in Dei Palris gloria cum sanctis angelis prædicatur. Et hac de causa per omnem Scripluram tam divina natura humanis vocabulis appellatur, quam humana natura divinæ nuncupationis insignibus decoratur. De princ, II, vi, 3, cf. IV, iv, 31.

Inutile d’insister ici sur le détail de l'œuvre terrestre du Christ. Origène, dans ses commentaires sur saint Matthieu etsaint Jean, dans seshomélies sur saint Luc, dans son apologie contre Celse, il faudrait dire plus exactement dans tous ses ouvrages, trouve sans cesse l’occasion de parler du Sauveur. Il le fait avec un accent profondément chrétien ; et ceux-là se tromperaient qui croiraient voir dans l'œuvre d’Origène un système philosophique, où le Christ fait figure d’accessoire.

La rédemption.


Le Verbe de Dieu, nous l’avons déjà dit, s’est incarné en vue du salut de l’humanité. Qu’est-ce donc que le salut ?

Origène le conçoit d’abord comme une illumination. Il reprend sur ce point la doctrine de Clément, de Justin et de bien d’autres encore. Il n’y a, pour l’humanité, qu’un seul maître de vérité, le Verbe. C’est lui qui, déjà, a parlé aux hommes pieux qui ont précédé les patriarches ; c’est lui qui s’est manifesté aux ancêtres de la race élue, Abraham, Isaac et Jacob, lui qui a dicté les lois de Moïse et les oracles sacrés des prophètes. « Mais, imparfaites et obscures en partie parce qu’elles s’appropriaient à l'état spirituel des hommes, et parce que, d’un autre côté, elles n'étaient que les figures des mystères futurs de la vie du Christ, comme de son Église, ces révélations partielles ne s’adressaient qu'à un seul peuple. Le Verbe enfin, en se faisant homme, quand les temps furent venus, acheva ce qui était incomplet, éclaircit ce qui était obscur, et appela à lui tous les hommes de bonne volonté, à quelque race, à quelque nation qu’ils appartinssent. En outre cette dernière et parfaite révélation se distingue des précédentes en ce qu’elle nous apprend à reconnaître Dieu comme un Père, tandis que, jusqu’alors, il avait été annoncé surtout comme un maître. In Joan., xix, 1. Elle fait succéder la loi d’amour à la loi de crainte. C’est dans l’Homme-Dieu, dans le Verbe fait chair, que se consomme toute l'économie de l'éducation de l’humanité et même de toutes les substances raisonnables. » J. Denis. De la philosophie d’Origène, p. 287.

Mais le salut est autre chose qu’une illumination.