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ORDINATIONS ANGLICANES. INSUFFISANCE DU RITE


On ne peut pas, avec les auteurs de la Responsio, Lacey, op. cit., p. 392-395, opposer à cette décision du 17 avril 1704, une autre prétendue décision du Saint-Office, du 10 avril de la même année, reconnaissant valides les ordinations presbytérales des Abyssins, faites par imposition des mains, avec les paroles : Accipe Spirilum Sanction. Cette décision n’est qu’un l’otum du consulteur Jean Damascène, qui fut rejeté deux fois, le 14 février et le 10 avril 1704. Cf. P. Gaspard, op. cit., t. ii, n. 1057-1058 ; A. Boudinhon, Le cas de Gordon et les ordinations coptes, dans le Canoniste contemporain, 1897, p. 372-380 : F. Tournebize, La réponse des archevêques anglicans à Léon XIII, dans les Éludes, t. lxxii, p. 315-316.

II. le rite.

C’est l’argument le plus solide contre la validité des ordinations anglicanes, celui sur lequel s’est fondée la pratique de l'Église de réordonner, non pas seulement sub eonditione, mais absolutc, ceux qui avaient reçu les ordres suivant l’Ordinal d’Edouard VI. l’our montrer l’insuffisance de ce rite, il faut d’abord déterminer ce qui est essentiel dans le sacrement de l’ordre ; d’après l’enseignement des théologiens et l'étude de la forme des différents rites catholiques, et ensuite comparer ces éléments essentiels avec ce qui en tient lieu dans l’Ordinal anglican, comparaison qui imposera la conclusion de l’insuffisance de ce dernier.

Les éléments essentiels du sacrement de l’ordre.


1. D’après les théologiens.

« Dans le rite qui concerne la confection et l’administration de tout sacrement, on distingue avec raison la partie cérémonielle et la partie essentielle qui a coutume d'être appelée la matière et la forme ; chacun sait que les sacrements de la nouvelle Loi étant les signes sensibles et efficaces d’une grâce invisible, doivent signifier la grâce qu’ils produisent et produire la grâce qu’ils signifient. Cette signification, quoiqu’elle doive se retrouver dans le rite essentiel, à savoir dans la matière et la forme, appartient toutefois principalement à la forme ; car la matière est la partie indéterminée par elle-même, qui est déterminée par l’autre. » Bulle Aposlolicæ cura>.

A la suite du cardinal van Rossum, De essentia sacramenti ordinis disquisitio historico-theologica, le P. Hugon relève, parmi les théologiens, six opinions différentes relatives à la matière et à la forme du sacrement de l’ordre : 1. Le seul rite essentiel à l’ordination sacerdotale est la porrection des instruments, accompagnée de la formule : Accipe potestatem offerre sacrificium Deo missasque celebrare lam pro vivis quam pro defunclis, in nomine Domini : opinion la plus commune du xme au xve siècle, encore acceptée au xviii' et abandonnée au xixe. 2. Deux rites sont essentiels : la porrection des instruments, donnant pouvoir sur le vrai corps du Christ, et la dernière imposition des mains, avec la formule : Accipe S. S. ; quorum remiseris peccata… : opinion de Scot et de quelques théologiens, abandonnée au xviiie siècle. 3. Deux rites nécessaires et essentiels : la première imposition des mains avec la prière ou invocation du S. E., et la tradition des instruments avec la formule : accipe potestatem… : opinion soutenue par les théologiens des xviiie et xixe siècles, et aujourd’hui par Tanquerey, Billot, Noldin. 4. L’un ou l’autre de ces tr.ois rites : porrection des instruments, première ou dernière imposition des mains, avec les prières qui les accompagnent : opinion de Lugo, Gotti, et aujourd’hui d’Eggeret Dalponte. 5. L’essence du sacrement de l’ordre repose soit dans le rite de l’imposition des mains, soit dans celui de la porrection des instruments, en sorte que l’ordination est valide soit avec l’un, soit avec l’autre : Diana au xviie siècle, et, au xviiie, Jean Clericat et Jérôme de Saint-Augustin. 6. Le seul rite essentiel est la première imposition des mains

accompagnée de la prière consécratoire ou préface. La porrection des instruments et la seconde imposition des mains ne sont que des cérémonies accidentelles : opinion presque universelle au xixe siècle et donnée par le P. Pesch et le cardinal van Rossum comme moralement certaine. Cf. E. Hugon, De sacramentis in communi et in speciali, 5e éd., 1927, p. 700701.

S’appuyant sur le décret d’Eugène IV, qu’il considère comme un acte conciliaire dogmatique, sur le droit que possède l'Église d’apporter des changements à la matière spécifique des sacrements et sur le fait que l'Église a voulu imposer la tradition des instruments comme la seule matière essentielle du sacrement de l’ordre, le P. Hugon reprend la première opinion et la présente comme seule acceptable. Op. cit., p. 701-707. Nous n’avons pas à discuter ici cette opinion qui reprend, ou croit reprendre la position des théologiens scolastiques du Moyen Age. Il est certain que, si elle était exacte, la question des ordinations anglicanes serait très claire ; depuis 1552, ils ont supprimé ce rite : leurs ordres seraient donc invalides, sans aucune discussion possible.

Mais, quelle que soit l’autorité du P. Hugon, elle ne suffit pas à s’imposer contre celle de l’ensemble des théologiens modernes, plaçant dans l’imposition des mains et la prière consécratoire l’essentiel du sacrement de l’ordre. C’est d’ailleurs l’opinion que Léon XIII a suivie dans l’examen du rituel anglican : « C’est ce qui se manifeste clairement dans le sacrement de l’ordre, dont l'élément essentiel, en tant que nous avons à le considérer maintenant, est l’imposition des mains. »

Or cet élément matériel, l’imposition des mains, est par lui-même indéterminé ; il s’applique aux trois ordres supérieurs et peut convenir à d’autres sacrements. Il faut donc qu’il soit précisé et déterminé par la forme. Puisque les sacrements doivent signifier ce qu’ils produisent, la précision de la forme doit être d’autant plus grande que la matière sera par elle-même plus vague et indéterminée. Tous les théologiens sont d’accord sur ce point ; ils conviennent que les termes de la forme du sacrement, pour les ordres en question, doivent « toujours représenter, et d’une manière non équivoque, l’objet principal dont ils restent le signe sacré et qu’ils réalisent autant que le comporte leur nature d’instrument. » F. Tournebize, La réponse des archevêques anglicans, dans les Études, t. lxxii, p. 487. Les effets du sacrement de l’ordre sont la grâce et le caractère. La grâce est produite par tout sacrement : son expression, à elle seule, ne sera donc pas suffisante pour suppléer à l’indétermination de la matière. La forme devra donc exprimer le caractère du sacrement, c’est-à-dire « la puissance sacrée, le pouvoir d’ordre, ou plutôt une agrégation de pouvoirs s’unissant ou se coordonnant pour constituer un certain degré de la hiérarchie. » S. Harent, la forme sacramentelle dans les ordinations anglicanes, dans les Éludes, t. lxviii, p. 180. Il faudra donc, avant toute chose, que l’ordre conféré soit nettement mentionné dans la forme. Mais sera-ce suffisant ? Une détermination plus précise des pouvoirs et des fonctions de diacre, de prêtre et d'évêque n’est-elle pas requise ? Parmi ces pouvoirs n’y en a-t-il pas qui doivent être nécessairement exprimés, comme caractéristiques essentielles du sacerdoce ou de l'épiscopat, tels que le pouvoir de consacrer le corps du Christ et de perpétuer le sacerdoce ?

Le P. Tournebize affirme qu’au moins le ministère le plus sacré du prêtre, celui de sacrifier, doit être mentionné dans la forme. « Tous les anciens rituels expriment dans la transmission des ordres sacrés, outre la grâce intérieure et le caractère ineffaçable du