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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. DIEU, LA TRINITÉ

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nations, niais pour les élus, Juifs et Hellènes, le Christ vertu de Dieu et sagesse de Dieu. » Contra Cels., I, 13, P. G., t. xi, col. 680.

Cette distinction pourrait être bien entendue : n’est-il pas vrai en effet que tous les croyants ne sont pas obligés d’approfondir l’enseignement que leur communique l'Église ? La plupart d’entre eux se contentent de croire, d’une manière générale. Quelques-uns seulement étudient, et la théologie est une science réservée, du moins en fait, à une élite. Mais il semble qu’Origène ait voulu signifier autre chose, de moins simple et de plus contestable.

En certains passages de ses commentaires et de ses homélies, Origène représente les chrétiens vulgaires comme pouvant tout au plus avancer un peu vers la gnose ou même ne rien rechercher en dehors de la vie pratique et se contenter de l’enseignement préparatoire et de quelques œuvres pauvres. Selecta in Ezech., vi, 6, P. G., t. xiii, col. 785. Par contre les parfaits sont admis à contempler des vérités supérieures ; si l’on ne peut prêcher aux charnels que Jésus-Christ crucifié, à ceux qui sont épris de la sagesse divine on enseigne le "Verbe qui est auprès du Père. Au premier rang, ceux qui participent au Verbe qui était dans le principe ; au second rang, ceux qui ne savent rien que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié, estimant que le Verbe incarné est le tout du Verbe et ne connaissant rien sinon le Christ selon la chair. In Joan., ii, 3, 27-31, P. G., t. xiv, col. 113. D’une part, les Corinthiens, qui ne peuvent supporter que le lait des enfants ; d’autre part, les Éphésiens, capables de recevoir la nourriture des forts. In Ezech., hom. vu, 10, P. G., t. xiii, col. 726-727.

La foi des simples s’appuie sur les miracles, celle des parfaits sur la contemplation de Dieu : « Il est vraisemblable que les Juifs croyaient en Jésus quant aux choses visibles, à cause des miracles, mais ils ne croyaient pas aux choses plus profondes qu’il disait… et on retrouverait les mêmes dispositions chez beaucoup de gens, ils admirent Jésus quand ils considèrent son histoire, mais ils ne croient plus quand on leur présente un discours qui est trop profond et trop haut pour leur portée ; ils le tiennent pour mensonger. » In Joan., xx, 30, 274-275, P. G., t. xiv, col. 644.

De la sorte, c’est parce qu’ils voient en quelque sorte Dieu, parce qu’ils sont illuminés par le Verbe, que les parfaits connaissent les réalités spirituelles : « Le Verbe, pour ceux qui en sont encore à l’enseignement préparatoire, a la forme d’esclave, de sorte qu’ils peuvent dire : Nous l’avons vu et il n’avait ni forme ni beauté ; et pour les parfaits, il vient dans la gloire de son Père, et ils peuvent dire : Nous avons vu sa gloire, gloire comme un fils unique en reçoit de son père, plein de grâce et de vérité. » In Matlh., xii, 30, P. G., t. xiii, col. 1049.

On pourrait multiplier les textes de cette nature ; et il est certain que, lorsqu’on les lit d’enfilée, on éprouve un sentiment assez pénible. Le P. Lebreton qui a consacré une remarquable étude aux Degrés de la connaissance religieuse d’après Origène, conclut ainsi : « Si l’on considère l'élite, le petit groupe des privilégiés que l’on convie à ces initiations, quelle tentation de leur représenter la perfection comme les classant à part dans l'Église : ils sont les vrais chrétiens, chrétiens cachés que la foule ignore ; ils condescendent à sa faiblesse, ils s’accommodent à ses rites ; ils semblent perdus dans son sein ; mais ils ont conscience d'être les dépositaires des secrets de Dieu, chargés de les communiquer aux quelques âmes d'élite qu’ils peuvent distinguer autour d’eux. Les autres sont les serviteurs de Dieu, eux sont ses amis ; les autres sont des enfants qui doivent être gardés par des anges, eux sont les égaux des anges ; aux autres, la folie de

la croix, à eux la sagesse de Dieu. Et quant à la foule, au peuple des simples, que lui donne-t-on ? Incapable de contempler les mystères, il doit se former laborieusement et imparfaitement par la pratique de la vie, par l’accomplissement des préceptes ; jamais ses regards ne pénétreront l’arche sainte, mais ses épaules en sentiront le poids ; à lui les rites, les symboles, la lettre de l'Écriture ; aux autres les significations mystiques, les révélations de l’Esprit. Les vérités élémentaires qu’on lui enseigne sont-elles du moins strictement et toujours des vérités ? Origène le dit le plus souvent, et par là, il s’oppose aux gnostiques ; mais on trouvera aussi chez lui telle page inquiétante où l’enseignement élémentaire apparaîtra comme un mensonge salutaire : Dieu trompe l'âme pour la former. » Recherches de science religieuse, 1922, t.xii, p. 294-295.

Avouons pourtant ici nos hésitations. Autant il est assuré qu’Origène insiste sur la distinction entre les simples croyants et les parfaits, ceux-là n'étant menés que par la foi, ceux-ci se laissant conduire par la gnose, autant il nous semble difficile de penser qu’il fait de ces dernier les seuls privilégiés de la vérité. Le sens littéral de l'Écriture n’est pas faux : il est incomplet. La folie de la croix n’est pas une erreur : elle n’est pas le tout du Verbe incarné. La présence réelle du Christ dans l’eucharistie n’est pas une tromperie : elle est le sacrement de son action spirituelle. Origène croit trop au charisme de l’intelligence et au rôle des didascales : soit ; mais il se garde de mépriser les faibles et les petits. Il exprime d’ailleurs ses idées en fonction des passages scripturaires qu’il doit interpréter, et dont il s’efforce de pénétrer tout fe sens : on doit expliquer par là bien des obscurités ou des confusions. Lorsque, par exemple, il lit dans Jérémie la phrase : « Tu m’as trompé, Jahvé, et j’ai été trompé », Jer., xx, 7, il est obligé de fournir une exégèse qui tienne compte de ce mot : tromper. Est-il légitime de lui attribuer à lui-même une théorie complète du mensonge pédagogique ? et ne retrouverait-on pas chez d’autres Pères, chez saint Augustin par exemple, des commentaires encore plus étranges de l'Écriture ?

IV. Les dogmes fondamentaux. Dieu ; la Trinité ; LES RELATIONS DES PERSONNES DIVINES.

Au début du De principiis, Origène donne un résumé aussi complet que possible des dogmes fondamentaux qu’enseigne la prédication ecclésiastique et des opinions sur lesquelles peuvent librement s’exercer les controverses. Il faut citer l’essentiel de cette préface :

On doit observer que les saints apôtres, en prêchant la foi du Christ, manifestèrent à tous, même aux moins avancés dans l’intelligence des choses de Dieu, les articles jugés nécessaires, réservant le soin d’en rechercher les causes profondes à ceux qui auraient reçu de l’Esprit-Saint les dons excellents de discours, de sagesse et de science. Ils se contentèrent d'énoncer le reste, sans en expliquer la cause ni le mode, pour laisser aux amis passionnés de l'étude et de la sagesse, dans les temps à venir, une matière où ils pourraient s’exercer avec fruit.

Les points clairement enseignés dans la prédication apostolique sont les suivants :

Premièrement, il n’y a qu’un seul Dieu, créateur et ordonnateur de toutes choses, qui a tiré i’univers du néant, Dieu de tous les justes, depuis l’origine du monde… qui, à la fin des temps, selon les prophéties, a envoyé NotreSeigneur Jésus-Christ pour appeler à lui Israël d’abord, et ensuite les Gentils à défaut d’fsraël rebelle, Dieu juste et bon, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auteur de la Loi et des Prophètes, de l’Evangile et des Apôtres, de l’Ancien et du Nouveau Testament.

En second lieu, Jésus-Christ, le même qui est venu en ce monde, est né du Père avant toute créature. Après avoir été le ministre du Père dans la création des choses, — car tout a été fait par Lui, — il s’est anéanti à la fin des temps en s’incarnant, tout Dieu qu’il était, et il s’est fait homme