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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. LA SAINTE ÉCRITURE

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miers à profiter de la présence d’un hôte aussi noble. Le contact avec l’Esprit-Saint, si j’ose parler ainsi, rendait leur entendement plus pénétrant et leur âme plus resplendissante. Leur corps même ne faisait plus obstacle à la vertu. » Contra Cels., VII, 7, P. G., t. xi, col. 1432.

L’essentiel, c’est que les écrivains sacrés soient, comme ils le sont, pénétrés de l’Esprit divin, qu’ils aient rédigé leurs livres sous son inspiration, De princ, IV, ix, P. G., t. xi, col. 360 ; qu’ils aient été illuminés par lui, De princ, IV, xiv ; Contra Cels., VII, 7, P. G., t. xi, col. 373, 1429. Il est dès lors assuré qu’un ouvrage écrit en de telles conditions sera plein d’enseignements bienfaisants, qu’aucun mot, qu’aucune lettre n’y sera inutile, que tout y aura une signification profonde et que le seul devoir de l’interprète sera de découvrir cette signification.

Méthode d’exégèse.


Gomment faire pour expliquer les livres de l'Écriture inspirée ? Nous touchons ici l’un des points fondamentaux de l’origénisme. Origène commence par rappeler que l’existence du sens mystique de l'Écriture est un dogme traditionnel dans l'Église : (Est illud in ecclesiastica prædicatione) quod per Spiritum Dei Scriptural conscriptæ sint et sensum habeant, non eum solnm qui in mani/esto est, sed et alium quemdam lalentem quamplurimos. Formée enim sunt hsec quee descripta sunt sacramentorum quorumdam et divinarum rerum imagines. De princ., i, prooem., 8, P. G., t. xi, col. 119.

D’une manière plus précise encore, Origène explique qu’il y a dans l'Écriture un triple sens : « Dans les Proverbes de Salomon, il est dit à propos des préceptes divins : Transcris-les trois fois dans ta volonté et ton intelligence, afin de répondre des paroles de vérité à ceux qui t’interrogeront. Il faut donc écrire trois fois en son âme les pensées des saintes Lettres. Les simples s'édifieront de ce que nous pourrons appeler la chair de l'Écriture, nous voulons dire le sens direct ; les plus avancés profiteront de ce qui en est comme l'âme ; les parfaits, selon le mot de l’Apôtre… jouiront de la loi spirituelle, qui contient l’ombre des biens à venir. L’homme se compose de trois parties : le corps, l'âme et l’esprit. De même l'Écriture octroyée par Dieu pour le salut des hommes. » De princ, IV, xi, P. G., t. xi, col. 364365. Cf. In Leuil., hom. v, 1 ; In Gènes., nom., ii, 6 ; nom., xi, 3 ; hom. xvii, 9 ; P. G., t.xii, col. 447, 173, 224, 262.

Le sens corporel est aussi le sens littéral ou historique : c’est le premier, le plus clair, le plus facile à découvrir. Origène assure cependant qu’il est des cas assez nombreux dans lesquels ce sens n’existe pas, que certaines parties de l'Écriture n’ont rien de corporel, qu’il n’y faut chercher que l'âme et l’esprit. De princ, IV, xii, P. G., t. xi, col. 365. P’ormule étrange, et qui a besoin d’explication : Origène veut dire par là que les écrivains sacrés usent de comparaisons, de métaphores, de paraboles, d’allégories et qu’ils ne sauraient être pris au mot, sans impossibilité ou contradiction. « Quel homme de bon sens pourrait se persuader que le premier, le second et le troisième jour de la création ont eu un soir et un matin, sans soleil, ni lune ni étoiles, ou même sans ciel s’il s’agit du premier jour ? qui est assez simple pour croire que Dieu planta le paradis d'Éden vers l’Orient à la façon d’un jardinier ?… il n’est personne, je pense, qui ne voie là des figures et ne cherche des sens cachés dans un récit d’apparence historique, mais qui ne s’est point passé à la lettre comme il est raconté. > De princ, IV, xvi, P. G., t. xi, col. 380 ; cf. In Joan., x, 4, P. G., t. xiv, col. 313. Ce n’est pas seulement dans l’Ancien Testament qu’il en va ainsi ; dans le Nouveau Testament lui-même, bien des passages ne peuvent pas raisonnablement être entendus à la lettre.

D’ailleurs, il reste que le plus souvent le sens littéral existe et doit être recherché avant tous les autres : « Il y a beaucoup plus de choses qui se sont vérifiées réellement au sens historique qu’il n’y en a d’ajoutées pour être comprises simplement au sens spirituel… Mais un lecteur diligent doutera quelquefois et ne découvrira pas sans un long examen si tel fait est historique ou non à la lettre. » De princ, IV, xix, P. G., t. xi, col. 385 ; cf. In Epist ad Philem., dans Apol., vi, P. G., t. xvii, col. 591-593. Cette dernière assertion doit être soigneusement relevée. Il serait profondément injuste de représenter Origène comme un allégoriste dédaigneux de l’histoire ; il regarde comme essentiel, aussi souvent que possible, le sens littéral de l'Écriture, et il commence par l’expliquer soigneusement. Il tient seulement à remarquer que ce sens n’est pas le seul et que, parfois même, il ne saurait être fourni de manière raisonnable.

Le sens psychique, qui se superpose au sens corporel, est assez difficile à définir ; et à vrai dire, Origène n’a essayé que rarement d’expliquer comment il fallait l’entendre. On croit entrevoir que ce sens a surtout pour objet la correction des mœurs et l'édification, In Gen., hom. xvii, 1, P. G., t.xii, col. 253 ; qu’il s’applique aux relations de l'âme individuelle et particulière avec Dieu et la loi morale. Mais cela est assez vague. En fait, il arrive très souvent qu’Origène se contente d’opposer l’un à l’autre l’esprit et la lettre ; et, après avoir marqué le sens littéral d’un texte, qu’il en étudie sans plus tarder le sens allégorique.

Celui-ci, à vrai dire, a toutes ses préférences. Origène n’est pas le créateur de l’exégèse allégorique : depuis longtemps cette méthode avait trouvé des partisans dévoués, et il n’est pas nécessaire d’insister sur les œuvres de Philon le Juif qui sont presque toutes des commentaires allégoriques des saintes Lettres. Au plus doit-on faire remarquer que ce n’est pas de Philon que se recommande Origène, mais de saint Paul lui-même, dont il cite volontiers les formules. De princ, IV, xiii ; Contra Cels., IV, 44. Ce qui, plus que tout, l’encourage dans la recherche du sens spirituel, c’est le danger que fait courir à la foi un littéralisme excessif : « Pour avoir ignoré la vraie méthode à suivre, beaucoup de gens ont fait fausse route. Les Juifs, au cœur dur et stupide, refusent de croire au Sauveur parce que, rivés à la lettre des prophéties, ils ne l’ont pas vu annoncer aux captifs la délivrance matérielle, ni rebâtir ce qu’ils appellent la véritable cité de Dieu, ni exterminer les chars d'Éphraïm et les cavaliers de Jérusalem… Ces diverses conceptions, ou erronées, ou impies, ou absurdes, viennent de ce qu’on néglige le sens spirituel pour ne s’attacher qu'à la lettre nue. » De princ, IV, viii, P. G., t. xi, col. 356361.

L’emploi de la méthode allégorique présente de nombreux avantages. Grâce à elle, toute l'Écriture peut être interprétée d’une façon digne de l’EspritSaint qui en est l’auteur principal, et Origène insiste sur ce point qu’on ne saurait prendre à la lettre un récit ou un précepte indigne de Dieu. De princ, IV, ix ; In Num., hom. xxvi, 3 ; In Jerem.. hom.xii, 1 ; P. G., t. xi, col. 361 ; t.xii, col. 774 ; t. xiii, col. 377. Mais à quel moment se trouve réalisée cette condition ? La question est difficile à résoudre, et l’on tombe facilement dans l’arbitraire en proclamant que Dieu n’a pas pu vouloir dire ceci ou cela au sens littéral.

Origène d’ailleurs justifie l’allégorie par une raison d’ordre plus général : pour lui, toute la nature visible n’est que le symbole du monde invisible ; et chaque individu a son correspondant, son type, son modèle