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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. ŒUVRES THÉOLOGIQUES

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2° Livres d’apologie et (le polémique. — La plus considérable des œuvres apologétiques d’Origène, la seule aussi qui nous soit parvenue est la Réfutation du discours véritable de Celse, en huit livres.

On a beaucoup discuté naguère sur la personnalité de Celse. Origène lui même n’a pas résolu l'énigme, et nous sommes encore moins bien renseignés que lui. Il est du m uns vraisemblable que le Discours véritable avait été écrit vers 178. Son auteur était un païen instruit, curieux des choses religieuses, fervent admirateur de la philosophie platonicienne, citoyen dévoué au bien de la chose publique. L’un des premiers, Celse avait été frappé de la vigueur étrange du christianisme, et il avait entrepris de donner de son enseignement une réfutation en règle. Sa tentative pourtant ne semble pas avoir rencontré très grand succès : ce fut seulement vers 248 que l’ami d’Origène, Ambroise, eut l’occasion de lire le Discours véritable ; il en fut assez ému pour demander aussitôt à Origène une réfutation en règle d’un ouvrage qu’il regardait comme un danger sérieux pour la foi des simples ; et le docteur alexandrin se mit à la besogne, sans beaucoup d’enthousiasme. Il se contenta d’abord d’une argumentation somm lire contre Celse. Puis, peu à peu, il s’aperçut que cette méthode serait insuffisante : et, à partir du c. xxvin de son livre I er, il s’appliqua à copier textuellement les arguments de Celse et à les réfuter l’un après l’autre. Il va sans dire que son ouvrage prit de la sorte des proportions considérables, d’autant plus qu’Origène n'était pas homme à épargner les digressions. Du moins le Contra Celsum est-il la plus complète et la plus puissante des apologies que nous ait transmises l’antiquité chrétienne. Tour à tour, Origène y déploie les qualités les plus belles du philosophe, de l’exégète. du chrétien. Il ne laisse sans réplique aucune des difficultésr soulevées par Celse. Celui-ci avait fait preuve d’une incontestable érudition. Origène le dépasse encore sur ce terrain. Qu’il s’agisse d’expliquer l’Ancien Testament et de légitimer la révélation dont les Juifs étaient les dépositaires, ou qu’il faille venger le Nouveau Testament des railleries ou des critiques d’un adversaire impitoyable, il a réponse à tout. Et son style, habituellement assez terne, s'élève à une vraie éloquence pour décrire la vie des chrétiens ou pour exposer leurs revendications en face de l'État romain.

Il est très probable qu'à côté du Contra Celsum, il a existé d’autres ouvrages apologétiques rédigés par Origène ou dictés par lui. Nous connaissons du moins avec certitude les nombreuses discussions que le maître a dû soutenir avec les Juifs, avec le valentinien Candidus, avec l'évêque de Bostra, Bérylle ; ces discussions ont dû être notées par des tachygraphes, et Origène se plaint quelque part des résumés tendancieux ou apocryphes qui en circulaient de son temps. Aucune trace de ces procès-verbaux n’a subsisté jusqu'à nous.

3° Œuvres théologiques. —

De tous les écrits d’Origène, le plus important, sinon le plus considérable par son étendue est celui qui porte le titre de Ilepl àpX<ôv, Sur les principes.

Cet ouvrage, dont la date est impossible à fixer avec certitude, doit être l’un des plus anciens parmi les travaux du grand docteur. Nous savons qu’il a été rédigé avant 230, et les raisons ne manquent pas pour croire que les années 212-215 ont été celles de sa composition. Origène se propose de fournir à ses lecteurs un exposé systématique de toute la doctrine chrétienne. Après un avant-propos, où l’auteur rappelle quels sont les dogmes enseignés par l'Église et quels sont, à côté d’eux, les problèmes librement discutés par les fidèles, viennent quatre livres qui traitent successivement de Dieu et des êtres célestes ; du monde matériel et de l’homme ; du libre arbitre et de ses conséquences ; de l'Écriture sainte. Ce sommaire suffit à montrer que l’ordre suivi par Origène est loin d'être rigoureux. De fait nous en comprenons mal aujourd’hui l'économie, et nous sommes plus sensibles que ses premiers lecteurs, à ses répétitions, à ses digressions perpétuelles, à ses retours en arrière. Ces défauts, sur lesquels il serait facile d’insister n’empêchent pas que le De principiis ne soit un très grand livre. Il ne constitue pas seulement le premier effort de la pensée théologique vers la constitution d’un exposé complet de l’enseignement chrétien ; il est encore remarquable par l’audace de ses hypothèses, par la fermeté de l’attachement à l'Église dont il témoigne, par la réfutation des hérésies auxquelles il s’attaque. Nulle part Origène ne déploie aussi brillamment ses qualités de penseur chrétien.

Le texte original du De principiis a presque entièrement disparu. Grâce à la Philccalie, nous possédons encore deux fragments importants, qui appartiennent, l’un au 1. III sur le libre arbitre, l’autre au 1. IV sur l’inspiration et l’interprétation des Livres saints. Ces fragments sont intéressants ; malheureusement, ils ne concernent ni l’un ni l’autre les doctrines propres à Origène. De celles-ci, nous sommes obligés de chercher l’expression authentique dsns les morceaux que cite l’empereur Justinien dans et à la suite de sa lettre à Menas : encore faut-il remarquer que cette lettre, destinée à dénoncer les abominables erreurs d’Origène, est un réquisitoire et que le dossier qui l’accompagne est fait de courtes citations, éloignées de leur contexte, et choisies à dessein pour rendre plus sensibles ces erreurs : on ne saurait donc avoir en un tel florilège qu’une confiance limitée. Voir ci-dessous l’art. Origknistes (Controverses).

Deux traductions latines ont existé de l’ouvrage : la première a Rufin pour auteur : nous avons souvent déjà rencontré le nom de cet infatigable travailleur à qui nous devons d’avoir conservé tant de travaux d’Origène. De fait, c’est encore sa traduction, qui nous permet, seule, de lire aujourd’hui le De principiis dans son intégrité. Malheureusement, nous ne pouvons pas être toujours assurés de la fidélité du traducteur. Rufin ne s’est pas contenté, selon la méthode alors en usage, de travailler vite, et de s’attacher plutôt au sens général du texte qu'à la teneur littérale des phrases ; il avoue lui-même, dans ses préfaces, qu’il s’est autorisé à ajouter, à retrancher, à interpréter, ce qui dans l'œuvre du vieux maître risquait c’e choquer l’orthodoxie de ses propres contemporains : il nous a donc donné un texte édulcoré du De principiis. et il n’est pas toujours possible de retrouver avec certitude les traces de l’activité personnelle c’e Rufin.

Beaucoup plus exacte a dû être la seconde traduction, qui avait été faite par saint Jérôme, comme une réponse à Rufin. Saint Jérôme, devenu à cette période de sa vie un fougueux adversaire d’Origène, voulfit. à l’inverse de Rufin, mettre en relief les erreurs d’Origène ; il était obligé pour cela de suivre de très près son texte, peut-être même d’appuyer à l’occasion sur tel ou tel point délicat, de transformer en affirmation une hypothèse de l’auteur. Nous rurions le plus vif intérêt à pouvoir comparer les deux versions. Mais celle de saint Jérôme a disparu à l’exception d’un certain nombre de fragments cités par la lettre cxxiv à Avitus, P. L., t. xxii, col. 1059 sq. Si importants que soient ces morceaux, il faut faire à leur sujet la même remarque qui a été faite à propos de ceux qui suivent la lettre à Menas. Ce sont des pièces à conviction, délibérément choisies pour entraîner une condamnation : entre Rufin qui est un avocat, el saint Jérôme qui tient la place du ministère public, le choix du lecteur contemporain est des plus difficiles,