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ORIGÈNE. VJE

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Origène transforma l’organisation du didascalée ; Sens préciser la date de l’événement, Eusèbe nous apprend du moins que le maître répartit ses élèves en deux sections : la première comprenait les débutants et fut mise sous la conduite d’Héraclas : on y apprenait les éléments des sciences profanes et sacrées. La seconde section resta sous l’autorité directe d’Origène : elle recevait les étudiants plus avancés, avec lesquels le maître lisait et commentait les écrits des philosophes, et plus encore les livres saints de l’Ancien et du Nouveau Testament. Eusèbe, H. E., VI, xv, et xviii, 3-4.

Nous ne pouvons pas fixer aussi exactement que nous le voudrions les dates des grands événements de la vie d’Origène au cours des années qu’il passa ainsi à Alexandrie. Nous savons seulement que le maître eut à plusieurs reprises l’occasion de voyager. Eusèbe signale un voyage à Rome au temps où Zéphyrin était pape, H. E., VI, xiv, 10, voyage motivé par le désir de voir cette très ancienne Église, et au cours duquel Origène eut l’occasion d’entendre prêcher Hippolyte : puis un voyage en Arabie où il fut appelé par le gouverneur qui avait hâte de connaître ses doctrines. H.E., VI, xix, 15. En 215, nouvelle absence, provoquée cette fois par des troubles qui avaient éclaté à Alexandrie, à l’occasion d’une visite de l’empereur Caracalla : Origène se retira en Palestine, où il comptait des amis dévoués, Théoctiste, évêque de Gésarée, et Alexandre, évêque d’/Elia. Ceux-ci, très fiers de la présence du chef du didascalée, s’empressèrent d’en faire protiter les fidèles de leurs Églises. Us demandèrent à Origène de prêcher, non seulement devant des catéchumènes, mais en présence des baptisés.

Origène n’était encore qu’un laïque et les usages en vigueur à Alexandrie défendaient aux laïques d’élever la voix dans les églises. Lorsque l’évêque Démétrius apprit cette infraction à la règle, il invita son catéchiste à venir reprendre sa place à la tête de l’école : celui-ci se hâta d’obéir. Il semble que ce fut à ce moment, en 218, que l’impératrice Mammée, alors de passage à Antioche, fit venir Origène auprès d’elle pour s’entretenir avec lui de questions religieuses, Eusèbe, H. E., VI, xxi, 3-4 : nous ne savons rien des détails de cette entrevue.

Revenu à Alexandrie, Origène, désormais en pleine possession de sa doctrine, commença à rédiger ses commentaires : il est possible, que quelques-uns de ses ouvrages, même des plus importants, soient antérieurs à 218 ; mais la grande période de son activité littéraire est bien celle qui prend son point de départ au moment où il fit la connaissance d’un riche valentinien du nom d’Ambroise et le convertit au catholicisme. Ambroise en effet se lia d’amitié avec lui, et mit à sa disposition d’abondantes ressources ; grâce à lui, Origène put avoir à son service plus de sept tachygraphes qui écrivaient sous sa dictée et se relayaient à intervalles fixes. Il n’avait pas moins de copistes et en même temps des jeunes filles exercées à la calligraphie. Eusèbe, H. E., VI, xxiii, 2-3.

Il y eut alors, dans la vie du maître, une période tranquille, remplie par une féconde activité scientifique et dont nous indiquerons les résultats en énumérant tout à l’heure les œuvres d’Origène. Cette période semble s’être prolongée pendant une douzaine d’années, de 218 à 230. A ce moment, Origène entreprit, au témoignage d’Eusèbe, H. E., VI, xxiii, 4, un nouveau voyage qui le conduisit en Grèce, en passant par la Palestine. Au cours de ce voyage, ses amis de Palestine, Théoctiste et Alexandre, lui conférèrent le sacerdoce par l’imposition des mains. Cet acte mit le comble à l’émotion de l’évêque d’Alexandrie, Démétrius, qui se plaignit partout d’une violation des règles ecclésiastiques et fit assembler des conciles au cours desquels Origène fut d’abord condamné à l’exil et privé de sa chaire, puis déposé de la prêtrise. Photius, Bibliolh.. cod. 118.

Le détail de ces événements n’est pas très clair pour nous. Eusèbe assure que le prétexte de la déposition d’Origène fut la mutilation qu’il s’était naguère infligée. La règle d’Alex ; ndrie interdisant l’ordination des eunuques, on ne pouvait regarder comme valide le sacerdoce conféré au maître du didascalée. L’historien ajoute d’ailleurs qu’en réalité Démétrius élait jaloux de la réputation d’Origène et qu’il fut victime d’une passion humaine. H. E., VI, viii, 4. Il semble que l’évêque d’Alexandrie ait cherché à obtenir, de l’ensemble des Églises catholiques, la confirmation des mesures qu’il venait de [rendre : c’est du moins ce qu’écrit saint Jérîme : « Origène est condamné par l’évêque Démétrius : à l’exception des évêques de Palestine, d’Arabie, de Phénicie etd’Achaïe, le monde entier souscrit à sa condamnation. Rome même assemble le sénat contre lui, non pour cause d’hérésie, non pour la nouveauté de ses doctrines, comme feignent aujourd’hui de le croire des chiens enragés contre lui, mais parce qu’on ne pouvait supporter la gloire de son éloquence et de sa science, et que, lorsqu’il parlait, tout le monde pr laissait.muet. » Epist, xxxiii, dans Rufin, Apol., n. 20, P. L., t. xxi, col. 599. L’intérêt de ces témoignages concordants vient avant tout de ce qu’ils ne supposent aucune attaque doctrinale portée contre Origène. Que la condamnation du maître ait été due à la j ; lousie ou motivée par une irrégularité canonique, il importe peu : il est par centre très intéressant de noter que l’enseignement donné par lui n’est pas mis en cause.

Origène supporta vaillamment l’orage, maïs non sans des souffrances intimes dont un chapitre du commentaire sur saint Jean nous apporte l’écho. In Joan., vi, 2. Obligé de quitter définitivement Alexandrie, il se réfugia à Césarée de Palestine dont l’évêque lui témoigna une admirable fidélité. Il y installa une école catéchétique qui brilla d’un vif éclat ; ce fut à Césarée désormais, non plus à Alexandrie, que se trouva porté le centre de la vie intellectuelle de l’Église. Peut-être Origène aurait-il eu quelques motifs d’espérer qu’il lui serait permis de regagner l’Egypte après la mort de Démétrius en 232 ; le nouvel évêque, Héraclas, n’était-il pas un de ses disciples ? et ne lui avait-il pas été associé dens la direction du didascalée ? cet espoir, s’il fut vraiment établi dans l’esprit du maître, fut de courte durée ; Héraclas renouvela la cond ?mnation portée par Démétrius, Gennade, De vir. illuslr., 34 ; et Origène renonça à revoir sa patrie.

Trois occupations surtout remplirent son existence à Césarée de Palestine. D’abord l’enseignement : on venait de partout pour l’entendre, et nous savons encore par le discours de remerciement que lui a adressé Grégoire le Thaumaturge l’rffectueuse admiration qu’il inspirait à ses élèves ; puis la composition de ses ouvrages : interrompue un instant, l’œuvre commencée fut inlessablement poursuivie ; recherches sur le texte biblique, commentaires, apologies, Origène écrivait sans relâche, et sa vaste intelligence suffisait à toutes les besognes. Enfin la prédication populaire : comme prêtre, Origène se devait au peuple, et, pendant de longues ennées, avec une inlassable patience, il expliqua à ses auditeurs une bonne partie des livres saints. Ses homélies, si elles ne sont pas son chefd’œuvre, jettent du moins de remarquables clartés sur la vie chrétienne au m c siècle.

A cela, il faut ajouter quelques voyages. Nous savons qu’Origène visita Firmilien, évêque de Césarée de Cappadoce, Eusèbe, H. E. y VI, xxvii ; qu’il se rendit à deux reprises en Arabie, la première fois sous Gordien pour ramener à l’orthodoxie l’évêque