Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée
1397
1398
ORDRE. LA THEOLOGIE ORIENTALE


baptême et de la confirmation. S’il est vrai qu’on ne réitère pas l’ordre, il reste cependant que le prêtre tombé dans l’hérésie ou l’apostasie est réduit à l'état laïque. De plus, la Confession de Pierre Moghila ne dit rien du caractère sacerdotal. Il en est de même de la confession de Dosithée, décret xvi (ce qui est faux, car le texte original, « expurgé » à dessein par Philarète, porte : svtîOy)<ïi Se tô pi^-ia^a xoel x*P**T^paàveÇàXeiTCTOv, cùaTrspxxlYjîspospr), Rimmel, t.i, p. 456). D’où il résulte, conclut notre auteur, que la doctrine du caractère de l’ordre n’appartient pas au dogme, mais a été introduite par les théologiens scolastiques et consa -rée par le concile de Trente. A la suite de la promulgation de la loi russe réduisant à l'état laïque certains clercs coupables, nombre de théologiens russes ont admis la thèse de la non-existence du caractère sacerdotal, par exemple, J. Gortchakov, Droit ecclésiastique (en russe), Pétersbourg, 1909, p. 99-100 ; Iastrebov, Des sept sacrements (en russe), dans les Trudy de l’Académie de Kiev, t. ri, 1908, p. 198-199. Mais, par contre, d’autres auteurs ont maintenu la doctrine véritable : Sylvestre Malevansky, dans son Cours de théologie orthodoxe (en russe), t. iv, 2e éd, . Kiev, 1897, p. 381 ; Von Maltzev, Die Sakramente, p. ccxxxiii ; V.-I. Ekzemplarsky, dans sa dissertation sur la Doctrine biblique et patristique touchant l’essence du sacerdoce (en russe), Kiev, p. 245. Plus récemment encore, en 1917-1918, lors du concile général russe, des voix se firent entendre en faveur du caractère sacerdotal inamissible. A. Khotovitsky, N.-G. Popov, etc. Voir Jugie, op. cit., p. -135.

Quoi qu’il en soit de la doctrine du caractère, les Orientaux tiennent unanimement que l’ordre ne saurait être réitéré. On cite cependant quelques cas de réordination, celui (en 1559) de Job, premier patriarche de Moscou ; celui (en 1619) de Philarète Nikitisch et de ses successeurs. Mais ce sont là de purs abus. Jugie, p. 426. Ce qui est plus fréquent en Russie est la réduction d’un prêtre à l'état laïque, comme si aucune ordination ne lui avait été conférée. C’est ce que les théologiens russes, partisans de la non-existence du caractère indélébile, appellent nizuergenie, lichenie, sniatie. Ainsi comprise, la réduction à l'état laïque ne différerait en rien de la doctrine protestante condamnée au concile de Trente, sess. xxiii, can. 4.

Du ministre du sacrement de l’ordre.

Tous les

théologiens orientaux professent que le seul évêque est ministre des trois ordres majeurs, épiscopat, prêtrise, diaconat ; cf. Confession de Dosithée, décret x ; Kimmel, t. i, p. 437. Par délégation de l'évêque, le simple prêtre peut conférer les ordres du sous-diaconat et du lectorat. Toutes les discussions entre théologiens orthodoxes portent sur la validité des ordinations conférées par un ministre simoniaque ; déposé ou dégradé ; hérétique ou schismatique ; né et ordonné dans une secte hérétique ou schismatique ; cat’iolique de rite latin ou de rite oriental ; anglican. Elles rappellent les discussions que l'Église latine a connues du ixe au xiie siècle.

1. Le ministre simoniaque.

L’ordination conférée par un simoniaque est frappée de graves censures, mais nulle part n’est dénoncée comme nulle. On ne trouve aucun auteur, ni à l'époque byzantine, ni dans l'époque moderne qui professe un tel sentiment. Peutêtre pourrait-on interpréter dans le sens de la nullité certaines expressions de saint Taraise, Epist. ad Hadrianum papam 1 adversus simoniacos, ou encore de VEpistola ad Joannem higoumenum, P. G., t. xcviii, col. 1444, 1456. Si non venditur Spiritus, non est procul dubio in eis gratia Spiritus Sancti, id est sacerdotii sanctitas. Ou encore, le simoniaque convaincu de son crime a sacerdotio decidit, ttjç îsptoauvTjÇ

bntimei. Mais nous avons trouvé chez les Latins des expressions analogues, qui n’impliquent pas la nullité de l’ordination reçue. Saint Théodore le Studite affirme la validité des ordinations reçues de bonne foi d’un simoniaque ; il ne statue pas sur la validité des ordinations reçues sciemment. Epist., i, 53, P. G., t. xcix, col. 1105. On peut concevoir quelque doute sur la pensée de Georges Scholarios, De simjniaca hxresi, dans Paris, grxc. 1219, fol. 56 a. 2. Le ministre déposé et dégradé — On sait que la loi russe admettait une dégradation telle que l'évêque déposé était assimilé à un simple laïque, ne possédant plus aucun pouvoir d’ordre. Cette situation (inadmissible au point de vue de la vérité du caractère indélébile) a été envisagée, comme nous l’avons déjà constaté, par Philarète Drozdov et nombre de théologiens russes récents, auxquels il faut ajouter le Serbe Milasch, op. cit., p. 385-387, 403, et quelques grecs, comme Andrutsos, Dogmatique, p. 391, n. 3 et Dyobuniotis, op. cit., p. 159, note, qui, tout en réprouvant la pratique russe, rejettent l’existence du caractère sa-erdotal. Mais on pourrait concevoir que le pouvoir d’ordre, chez les évêques déposés et dégradés, soit tellement lié par l’autorité de l'Église, que les ordinations faites par eux soient non seulement illicites, mais invalides. C’est la thèse que nous avons vu soutenir à l'époque des réordinations latines, voir col. 1287, et par J. Morin lui-même. Peut-être est-ce en ce sens simplement que Milasch nie la validité des ordinations faites par les évêques déposés et dégradés. C’est aussi vraisemblablement l’opinion de Koidatis, dans sa Catéchèse, Athènes, 1906, p. 165, des auteurs du Pédalion, édit. d’Athènes, 1908, p. 44-45, et peut-être de saint Théodore le Studite, Epist., t. II, epist. ccxxv, P. G., t. xcix, col. 1652.

En pratique, comme les sentences de déposition, même totale, sont souvent l’effet d’une sentence, sinon injuste, du moins discutable, les Orientaux ont l’habitude de restituer en leurs pouvoirs et grades les prêtres et évêques déposés dont la sentence de déposition vient à être rapportée ; cf. Jugie, op. cit., p. 433434.

3. Le ministre hérétique ou schismatique.

La question devant être reprise à l’art. Réordinations, il suffira ici de signaler la grande confusion doctrinale qui règne en Orient depuis le ive siècle jusqu’au ixe siècle au sujet de la validité des ordinations conférées par des hérétiques. Aujourd’hui encore, l’accord est loin de régner. Les uns professent l’indulgence et, par le système de l'œconomia, admettent la validité de telles ordinations : ils se réfèrent aux canons 8 de Nicée, 71 de Carthage, 95 du concile in Trullo. D’autres penchent pour la sévérité et refusent de reconnaître ces ordinations ; ils se réfèrent aux canons des apôtres, 46, 37, 68 et aux canons 1 et 47 de saint Basile.

Une théorie a été esquissée sur ce point au ixe siècle par Théodore le Studite, après Timothée, prêtre de Constantinople. Il distingue trois classes d’hérétiques : les canons apostoliques et ceux de saint Basile ne visent que la première classe, les hérétiques proprement dits, dont le baptême n’est pas conféré au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Les hérétiques de la seconde et de la troisième classe sont plutôt des schismatiques dont l’ordination serait valide. Epist., t. I, epist. xl, ad Naucratium, P. G., t. xcix, col. 10531057. Photius admet la validité des ordinations faites par des hérétiques, dans son opuscule Suvaycoyat Jcal àTroSet^sti ;  ; cf. Hergenrôther, Photius, Palriarch oon Constantinopel, Ratisbonne, t. ii, 1867, p. 360. Se rangent à cet avis, parmi les anciens canonistes byzantins, Démétrios Chomatène, Responsum III ad C. Cabasilam, dans Pitra, Analecta sacra, t. vii,