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ORDRE. LA THEOLOGIE MODERNE


Il faut donc admettre que le sacerdoce, connue le diaconat, imprime dans l'âme un caractère distinctif et ineffaçable. Sur ce point qui rallie les suffrages de tous les théologiens, on lira Caractère sackamentel, t. ii, col. 1698 sq. L’un et l’autre ont aussi une efficacité en vue d’assurer l’exercice des fonctions sacrées. Voir plus haut la définition du concile de Trente que les théologiens postérieurs ne font que reprendre et commenter. Cette conclusion immédiate de la doctrine générale du sacrement de l’ordre est considérée comme au moins théologiquement certaine. 2. L'épiscopat est-il un ordre à part du simple sacerdoce ? — Pour ne pas s'égarer dans les multiples spéculations émises par les théologiens à ce sujet, il importe de rappeler leurs principes généraux. Il est de foi, disent-ils, que l'épiscopat est de droit divin dans l'Église ; cf. conc. de Trente, sess. xxiii, can. 6. Il est également de foi que l'épiscopat, et quant au pouvoir d’ordre et quant au pouvoir de juridiction, est supérieur au simple presbytérat. Il ne saurait donc y avoir de controverse sur le point précis que l'épiscopat, envisagé comme plénitude du sacerdoce, est et demeure un sacrement. La question controversée entre théologiens^est de savoir si l'épiscopat est un sacrement adéquatement distinct du simple sacerdoce, et imprimant dans l'âme un nouveau caractère. Nous avons vu (col. 1311), que nombre d’anciens théologiens, tout en admettant que l’ordination cpiscopale étend et accroît le caractère sacerdotal en conférant à l'évêque des pouvoirs que n’a pas le prêtre, nient cependant que l'épiscopat soit un ordre distinct du sacerdoce. C'était l’opinion des grands scolastiques ; après le concile de Trente, l'école thomiste, dans son ensemble, y demeurera fidèle ; cf. Aversa, De ordinis et matrimnnii sacramentis, Gênes, 1642, q. i, sect. vu ; Gonet, Chjpeus, de ordine, disp. IV, a. 2 ; Billuart, dissert. IV, c. n ; Billot, thèse xxi ; Hugon, Tractatus, t. iv, p. 720.

Mais les théologiens et canonistes modernes, surtout après Bellarmin, ont pris une position nettement opposée. Hallier déclare l’opinion de Bellarmin, une doctrine certissima. De sacrament. elect. et ord., part. II, sect. ii, c. i, a. 2, § 2, dans Migne, Cursus theol., t. xxiv, col. 711. Pierre Soto va jusqu'à la considérer comme de foi, De institut, sacerd., de ordine, | sect. iv ; Michel de Médina estime périlleuse l’opinion contraire, De sacr. hom. cont., t. I, c. xv ; Vasquez, qu’elle doit être notée sévèrement, disp. CCX.L, c. xi ; cf. Tanner, loc. cit., dub. ii, n. 23. Perrone, tout en reconnaissant les graves autorités qui patronnent l’opinion thomiste, et la liberté avec laquelle elle est de fait enseignée, ne l’estime pas probable et rappelle que plusieurs lui indigent une censure, De ordine, n. 78, note ; cf. Hurter, t. iii, n. 61)8 ; Philipps, Kirchenrecht, 1, §36 ; Pirhing, Deordinationc et ordinandis, t. XI, n. 3 ; Ferraris, Prompta bibliotlieca, au mot Episcopalus.

Tout en laissant à chacun une liberté ici fort légitime, il est permis de remarquer la solidité des arguments apportés en faveur de l’opinion récente. Dans V Écriture, l’ordination épiscopale, I Tim., iv, 14 ; II Tim., i, 6, présente tous les caractères d’un sacrement, en raison de l’imposition des mains, de la grâce, et des pouvoirs conférés. La Tradition palristique ne parle pas de l’ordination des évoques en d’autres termes que de celle des simples prêtres. Un texte significatif de saint Augustin est celui où, parlant des évêques donatistes, il parle de leur ordination comme d’un véritable sacrement. Serm. ad Cœsariensis Ecclesiæ plebem, n. 2, P. L., t. xxiii, col. 691. Les.textes patristiques ont été rassemblés par Bellarmin, De ordine, c. ni, v. De plus, si l’on doit faire état du canon 6 de la sess. xxiii du c incite de Trente

pour prouver que le diaconat et le presbytérat sont des sacrements, il faut également l’accepter en faveur de la même thèse en ce qui concerne l'épiscopat. Du rite de l’ordination découle la même conclusion : car il renferme tous les éléments d’un rite sacramentel : imposition des mains, communication de la grâce et des pouvoirs. La raison théologique elle-même demande que l'épiscopat qui confère le pouvoir de confirmer et d’ordonner, confère en même temps le caractère correspondant et, avec le caractère, la grâce. Autrement, il faudrait dire que le pouvoir épiscopal est un pouvoir totalement extérieur, une députation externe, révocable au gré du souverain pontife. Voir, sur tous ces points, Ch. Pesch, op. cit., n. 615-618.

La thèse adverse repose sur deux considérations qu’il reste à examiner :

On dit d’abord que l'épiscopat n’ajoute aucun pouvoir au presbytérat, en ce qui concerne l’objet propre du sacerdoce, l’eucharistie ; donc il n’ajoute aucun caractère sacramentel nouveau ; cf. Antoine, Theol. moral, univ., De sacram. ordinis, q. iv. L’argument est faible, car il faut bien reconnaître dans l'épiscopat, tout au moins, une extension du caractère sacerdotal. De plus, l'épiscopat confère le pouvoir de communiquer aux autres le droit d’offrir le sacrifice eucharistique, ce qui est bien quelque chose à l'égard de l’eucharistie. Pourquoi ne pas affirmer un caractère spécial, tout comme on l’affirme dans le diaconat par rapport au presbytérat ?

On dit aussi que l'épiscopat présuppose « de necessitate sacramenti » le presbytérat ; l'épiscopat ne saurait avoir de consistance propre. Incluant nécessairement le simple sacerdoce, on ne doit le considérer que comme une extension de ce sacerdoce. L’argument n’est pas sans réplique, car il faudrait avant tout prouver la vérité de son point de départ, que certains faits contredisent. Voir plus loin. Mais, même s’il était absolument certain que le futur évêque dût être au préalable revêtu du simple sacerdoce, la conséquence ne serait pas encore inattaquable. On devrait simplement affirmer que le caractère de l'épiscopat dépend essentiellement de celui du presbytérat. C’est tout ce qu’en bonne logique il est possible de conclure. Il faut donc, dans cette controverse où les adversaires raisonnent un peu abstraitement, se défier des affirmations trop absolues. Au fond, peutêtre, n’existe-t-il ici qu’une querelle verbale : Nemo prohibeat disceptare num episcopatus sit ordo a presbyteratu distinct us, an character in episcopali consecralionc impressus différai, vel potius sit amplialio qua’dam characleris in collatione presbyteralis ordinis impressi, Benoit XIV, epist. In postremo, 20 oct. 1756, § 17.

Qu’on admette sept ou huit ordres, la chose au point de vue du dogme est sans importance. Pesch, op. cit., n. 620, écrit fort sensément que c’est là pure question de mots : en tous cas, ajoute-t-il, certe falsum est, quod quidam dicunt, esse communem et concordem omnium sententiam in Ecclesia septem esse ordines, nec plures nec pauciorcs, ce qui vise directement le principe émis par Billot, op. cit., thèse xxxi, § 2. Le titre » de septem ordinibus » du c. ii, dans la sess. xxiii du concile de Trente n’appartient pas, on le sait, au texte conciliaire ; cf. Tanner, disp. VII, q. ii, dub. ii, n. 37. Maldonat, que son époque rapproche du concile de Trente, est tout à fait partisan d'énumérer huit ordres et de compter l'épiscopat pour un ordre à part. De ordine, q. iv, initio. Voir sur cette question, E. Furtner, Das Verhàltnis der Bischofsiveihe zum heiligen Sacramente des Ordo, Munich, 1861 ; A. Kurz, Der Episcopat der hôchste vom Presbijterate verschiedene Ordo, Vienne, 1877 ; Schultz-Plassmann, Der Episcopat