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ORDRE. CHEZ LES RÉFORMÉS


testants parlent à la fin du traité De potestate et primatu papiv, op. cit., p. 340 sq., et dans le même sens que Mélanchthon. Rappelant le texte de la Confession d’Augsbourg, voir col. 1340, ils déclarent que, du consentement de tous, même de leurs adversaires catholiques (l’autorité de saint Jérôme est mise ici en avant), le pouvoir et la juridiction attribués aux évoques sont de droit divin, communs à tous ceux qui président aux Églises, évêques ou prêtres. C’est l’autorité humaine qui, d’après l’enseignement même de Jérôme, a introduit dans l'Église les différences de degrés entre les évêques et les simples prêtres. Leur pouvoir est le même. Une seule chose a établi entre eux une différence, l’ordination, parce qu’on a réservé à l'évêque l’ordination des ministres dans les diverses Églises. Mais, puisque de droit divin il n’y a pas de différence entre évoque et simple prêtre, il s’ensuit que de droit divin est toujours valable l’ordination faite par un pasteur dans son église. Quum jure divino non sint diversi gradus episcopi et pasloris, manifestum est ordinalioncm a paslore in sua ecclesia factam jure divino ratam esse. Les évêques devenant effectivement des ennemis de l'Église, l'Église reprend son droit d’ordonner elle-même ses ministres. Partout, en effet, où est l'Église, là se trouve également le droit de prêcher l'évangile : aussi est-il nécessaire que chaque église conserve son droit d’appeler, de choisir et d’ordonner ses ministres. Ce droit a été donné par Dieu à l'Église et aucune puissance humaine ne peut le lui ôter. C’est le sens d'Ëph., iv, 8. Où se trouve la vraie Église, là existe le droit de choisir et d’ordonner des ministres : c’est ainsi qu’en cas de nécessité un simple laïque devient prêtre et pasteur des autres. En ce sens doivent être entendus Matth., xviii, 20, et I Pet. ii, 9. Suivent d’autres considérations sur la juridiction épiscopale, dont l’origine est toute humaine et qui ne peut s’exercer qu’en des cas déterminés. Hors ces divers cas, il est loisible aux fidèles de ne pointobéir.

Les réformés.

1. Calvin. — C’est au 1. IV de

son Institution chrétienne que Calvin rejette, avec une ironie mordante, le dogme catholique sur le sacrement de l’ordre. « Le sacrement de l’ordre, écrit-il, est mis en leur rolle au quatrième lieu, mais il est si fertile qu’il enfante de soy sept petits sacramentaux. » C. xix, n. 22. Œuvres, Édition de Brunswig, 1895, t. iv, p. 1102. L’attaque de Calvin est violente et veut être spirituelle. On doit rejeter les sept ordres dont le nombre lui-même est controuvé, ne reposant que sur le parallélisme des sept dons du Saint-Esprit. L’antiquité chrétienne elle-même n’admet pas ce nombre de sept : les docteurs sont en grande divergence d’opinion sur les ordres eux-mêmes et sur leur nombre. Calvin ironise à propos de l’opinion du Maître des Sentences sur l’exercice des divers ordres par Jésus-Christ lui-même. (Voir ci-dessus, col. 1301 sq.) Il tourne pareillement en dérision la tonsure et les significations mystiques qu’on lui attribue, n. 24-27. Il rejette avec indignation que les « ordres moindres » soient des sacrements, n. 27. Jésus-Christ seul est prêtre : « Tous ceux font injure à Christ, qui se disent prestres pour oiïrir sacrifice de réconciliation. C’est luy qui a esté ordonné du Père et consacré avec jurement pour estre prestre selon l’ordre de Melchisédech… Nous sommes bien tous prestres en Lui, niais c’est seulement pour offrir louanges et actions de grâces à Dieu, et principalement de nous offrir nous mesmes et en somme tout ce qui est nostre. » Édit. citée, p. 1110. Leur prêtrise (des catholiques) est donc « un sacrilège danmable ». C’est une impudence de l’orner du titre de sacrement. « Quant à l’imposition des mains qui se fait pour

introduire les vrais prestres et ministres de l'Église en leur estât, je ne répugne point qu’on la reçoive pour sacrement. Car c’est une cérémonie prinse de l’Escriture…, et puis laquelle n’est point vaine, comme dit saint Paul, mais est un signe de la grâce spirituelle de Dieu (I Tim., iv, 14). » Les vrais prêtres « sont ordonnés par la bouche de Jésus-Christ pour estre dispensateurs de l'Évangile et des Sacrements. » Matth., xxviii, 19 ; Marc, xvi, 15 ; Joa., xxi, 15. « Il leur est fait piomesse de recevoir les grâces du Saint-Esprit non pas pour faire expiation des péchez, mais pour gouverner deuement l'Église. » Act., i, 3. Op. cit., p. 1111. Dans le texte de 1541 se trouve intercalé ici un long morceau qui fut plus tard inséré en différents endroits du c. vin de la rédaction de 1543, ou des c. iii, iv, v, du 1. IV de la rédaction de 1559. Calvin y examine ce que doit être la prêtrise, telle que l’a voulue Jésus-Christ : « Devant qu’il y eust aucune forme d'Église dressée, (Jésus) donna mandement à ses apostres de prescher l'évangile à toute créature et de baptiser en la rémission des péchés tous les croyants. Or, auparavant, il leur avait demandé de distribuer à son exemple le sainct sacrement de son corps et son sang. Par tout il n’y a aucune mention de sacrifier. Voilà une ordonnance saincte, inviolable et perpétuelle, donnée à tous ceux qui succèdent au lieu des Apostres, par laquelle ilz reçoivent mandement de prescher l'Évangile et d’administrer les sacrements. Ceux donc qui ne se emploient pas à la prédication de l'Évangile et à l’administration des sacrements, se vantent faulsement d’avoir un ministère commun avec les Apostres. » Id., p. 1112.

C’est par la vocation que les ministres sont destinés à cette prédication de l'Évangile et administration des sacrements. Mais par qui parviendra la vocation à ceux que Dieu destine à son ministère ? On ne peut tirer ici aucun enseignement certain de l’institution des apôtres… « et il ne nous appert pas du tout quel ordre y ont tenu les Apostres mesmes en instituant les autres. » Faut-il admettre que seuls les évêques aient le droit d’ordonner ? Mais l’ordination qu’ils prétendent conférer est « pour sacrifier et immoler Jésus-Christ, ce qui n’est pas consacrer à Dieu, mais le destiner au diable… La vraye et seule ordination est de appeler au gouvernement de l'Église celuy duquel la vie et la doctrine aura esté bien esprouvée, et colloquer iceluy audict office. » C’est dans ce sens qu’il faut interpréter les textes de saint Paul relatifs à l’ordination.

Et ici, Calvin reprend les idées mêmes de Luther et de Mélanchthon sur l'élection des évêques par le peuple : le peuple doit choisir ses représentants. — Quant aux cérémonies de l’ordination, il faut rejeter tout ce qui ne correspond pas à la chose, c’est-à-dire au ministère, par exemple, les paroles : Recevez le Saint-Esprit, paroles que le Christ a pu dire, mais qu’on n’est pas autorisé à répéter après lui ; par exemple l’onction ; cf. n. 29-31. Calvin toutefois admet, comme Mélanchthon, les diacres, à condition de les prendre tels que l'Église primitive les a institués, n. 32. Quant aux sous-diacres, leur office n’a aucun sens et il ne faut même pas en parler, n. 33.

Sur l’imposition des mains chez Calvin, on consultera également son commentaire sur I Tim., édit. citée, t. lii, p. 349.

2. Théodore de Bèze. -- Les idées de Calvin se retrouvent chez son disciple et successeur Théodore de Bèze. Ces idées ont été en quelque sorte codifiées par le synode de Tarczal, en Hongrie, qui, en 1563, émit une profession de foi conforme à renseignement de Théodore de Bèze. En voici la substance, en ce qui concerne le sacrement de l’ordre.