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NESTORIENNE (L'ÉGLISE^ SOUS LES SASSANIDES


semble ; mais, apostat de la religion nationale, il était comme tel toujours à la merci d’une dénonciation qui le rendait passible de la peine capitale. Il était donc désarmé contre son puissant sutlragant. Barsaumâ devait en outre jouir d’une grande autorité auprès des évêques, dont plusieurs avaient été ses condisciples à Édesse ; il pouvait donc se flatter qu’il obtiendrait leurs suffrages si le catholicos venait à disparaître.

On a conjecturé que ces aspirations ambitieuses amenèrent la fin de Babowaï, sur laquelle nous avons la chance de posséder à la fois des témoignages monophysites et nestoriens..Michel le Syrien, Chronique, édit. Chabot, p. 239, 425 sq., trad., t. ii, p. 123, 437 sq. (le dernier passage d’après Denys de Tell-Mahré, qui cite Marouta de Takrit) ; Mari, p. 42, trad., p. 36 sq. ; Amr et Slibâ, p. 30 sq., trad., p. 18 sq. ; surtout Chronique de Séert, qui reprend au milieu de la notice sur Babowaï, P. O., t. vii, Paris, 1909, p. 99-102 [7-10]. Toutes ces sources s’accordent pour dire que l’occasion du supplice de Babowaï fut une lettre écrite par lui à l’empereur de Constantinople, et saisie à Nisibe par Barsaumâ ou ses partisans. Les historiens monophysites supposent que cette lettre était une réponse a l’invitation de se rendre à Éphèse pour un concile, qui ne pourrait être que le conciliabule monophysite de 449. Mais l’anachronisme est trop violent, car les dates de Babowaï (457-484) ne sont pas discutées : à l'époque du « Brigandage » il n'était pas encore catholicos. Les auteurs nestoriens disent plus correctement que la lettre en question fut écrite à l’empereur Zenon (Amr a par erreur Léon) pour implorer son intervention en faveur des chrétiens, que le Boi des rois recommençait à persécuter, spécialement en Iraq. Chronique de Séert, dans P. O., t. vii, p. 107 [15]. Continuant la tradition de ses prédécesseurs, le catholicos, au moment de l'épreuve, se tournait vers l’Occident.

Selon la tradition monophysite (Marouta et Michel, de qui dépend Barhébrœus, Chronicum ecclesiaslicum, t. iii, col. 63-66), les moines qui portaient la lettre du catholicos, nonobstant les difficultés que celui-ci avait déjà eues avec le métropolite, en arrivant à Nisibe, se présentèrent à l'église, pour v loger, ainsi qu’il convenait. Interrogés par Barsaumâ, ils lui déclarèrent sans hésitation la mission dont ils étaient chargés ; mais celui-ci, feignant de craindre pour la vie du catholicos si Péroz venait à savoir qu’ils avaient franchi la frontière, se fit donner la lettre, dont il promettait d’assurer l’acheminement ultérieur. Les sources nestoriennes, qui ne semblent guère d’ailleurs préoccupées d’innocenter Barsaumâ, ont une histoire un peu différente : la Chronique de Séerl, qui est habituellement la plus détaillée, dit seulement que le courrier de Babowaï, portant la lettre cachée dans une canne creuse, fut reconnu par les partisans de Barsaumâ, qui nterceptèrent la lettre et l’envoyèrent à Péroz, ajoutant toutefois que, selon d’autres", la saisie de la lettre aurait été le fait de Barsaumâ lui-même. Amr, qui est ici indépendant de Mari, raconte que le courrier du catholicos tomba entre les mains des soldats aux ordres de Barsaumâ, qui gardaient un carrefour. Menacé d être arrêté, le courrier se serait enfui en abandonnant la lettre, qui fut transmise à Péroz sans avoir été ouverte. Marouta reproduit un texte de lettre, dans Michel, p. 425, trad., t. ii, p. 437, texte impossible qui serait une formule d’adhésion anticipée au conciliabule monophysite d'Éphèsc. Amr, au lieu d’incriminer la lettre, rend responsable de la mort du catholicos le médecin chrétien du roi, nommé Gabriel, qui, chargé de traduire la lettre en persan pour le souverain, en aurait modifié et aggravé les termes afin de l’exciter contre Babowaï, faisant

ensuite disparaître le texte, ce pour quoi il aurait et désavoué par Barsaumâ, arrivé à la cour aprè s les événements. La Chronique de Séerl rapporte le s faits avec beaucoup de vraisemblance : le catholico s aurait employé dans sa lettre les termes de la prière d’Azarias, Dan., iii, 32 « tu nous a livrés… à un roi injuste, le plus mauvais de toute la terre ». Les chrétiens essayèrent d’expliquer que par « gouvernement impie » le catholicos entendait dire seulement « ennemi des chrétiens », et Babowaï protesta qu’il priait chaque jour pour le souverain. Mais celui-ci réclamait comme preuve d’amitié que le catholicos adorât le soleil. Sur son refus, il le condamna à être suspendu, jusqu'à ce que mort en advînt, par le doigt auquel il portait le sceau dont il avait cacheté la lettre incriminée. Ce martyre arriva entre le mois d’avril et le commencement de l'été de l’année 484, moment où mourut Péroz. P. O., t. vii, p. 102 [10], n. 3.

Maintenant l’influence néfaste de Barsaumâ pouvait s’exercer librement. Les auteurs monophysites prétendent qu’il aurait expliqué à Péroz l’avantage qui résulterait, pour la sécurité de ses États, d’un schisme entre les chrétiens de Perse et ceux de l’empire romain. Ayant fait de Nestorius un ami de la Perse, il prétendit qu’il avait été à cause de cette amitié persécuté par les Grecs ; puis, ayant obtenu de Péroz un corps de troupe, il se mit en devoir d’obliger par la force tous les chrétiens de Perse à professer le nestorianisme. Ceci est la tradition des monophysites de Takrit, qui auraient réussi à détourner le coup qui les menaçait, et celle que l’on conservait verbalement à Mar Mattaï, le fameux couvent voisin de Mossoul, dans le Djebel Maqloub, qui aurait été incendié par le terrible métropolite. La même tradition ajoute que Barsaumâ, arrivé aux frontières d’Arménie, dut reculer devant l’attitude décidée des habitants. D’après Michel, citant une histoire en arabe, Chronique, p. 427, trad., t. ii, p. 440, cette persécution par Barsaumâ aurait duré jusqu'à sa mort, étant supposé qu’il aurait été tué par les femmes d’un village des environs de Takrit, tandis qu’il essayait de les contraindre à communier de sa main dans une liturgie sacrilège. Mais, comme on l’a fait observer, toute cette histoire telle qu’elle est racontée par les monophysites est remplie d’impossibilités chronologiques.

Le coup de force de Barsaumâ en faveur du nestorianisme, pour autant qu’il peut y avoir un fondement à ces traditions, devrait avoir eu lieu immédiatement après la mort de Babowaï et avant l'élection de son successeur ; encore suppose-t-on que Barsaumâ profitait de son crédit auprès de Péroz. Or, il est certain que Barsaumâ était à Beit Lapât, au mois d’avril 484, et que Péroz mourut au début de l'été. Il faut placer en ces deux mois la mort de Babowaï, dont Barsaumâ, alors dans le Houzistan, ne peut avoir saisi, personnellement la lettre à Nisibe, et le coup de force, quel qu’il soit, contre les monophysites du Beit Garmaï et de l’Adiabène.

Les évêques ne se réunirent qu’après la mort de Péroz pour élire un successeur au catholicos martyr. Barsaumâ avait perdu son protecteur. Nous ne savons pas si sa candidature fut discutée, mais les voix se réunirent sur le nom d’un de ses anciens condisciples à l’Ecole d'Édesse, cet Acace, qui lorsqu’il était étudiant était allé avec Barsaumâ et Narsaï en pèlerinage à Mopsueste pour recevoir la bénédiction de Théodule, disciple de Diodore et successeur de Théodore. Acace, toutefois, étant parent de Babowaï, s'était depuis longtemps détaché de Barsaumâ, se fixant à Séleucie où il enseignait, et il avait aidé le catholicos à se défendre contre le métropolitain de Nisibe et ses partisans.

Il semble bien que Barsaumâ tenta de s’opposer au