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ORDALIES


qu’il en soit, les ordalies furent acceptées et firent partie du droit public, dès avant le viiie siècle. Mais c’est à partir du viiie siècle qu’elles entrent dans le droit ecclésiastique.

II. Attitude des autorités ecclésiastiques. —

I. A V ÉGARD DES ORDALIES EN GÉNÉRAL. — 1° Évè ques et synodes pariieuliers. — 1. Au VIIIe siècle, les canons des synodes ecclésiastiques sont tous favorables aux ordalies. Déjà les canones hibemici (vers 700) les avaient acceptées, can. 25, Mansi, Concil., t.xii, col. 127. Charlemegne, en 809, les prescrit dans un capitulaire d’Aix-la-Chapelle, ut omnes judicium Dei credant absque dubilatione. Mon. Geim. hist., Leg., sect. ii, t. i, p. 150. Antérieurement, le jugement de la croix est imposé dans le cas de dis c ussions conjugales ou de parjure, par les synodes de Veiberie (756), can. 17, Hefele-Leclercq, t. iii, p. 920 ; d’Héristal (779), can. 10, p. 979 ; de Riesbach-Salzbourg (799800), can. 15, p. 1108. Le concile de Dingolfing (770), can. 11, f : àt appel eu duel, p. 962 ; celui de Neuching (772), à deux reprises, crn. 6 (5) et 8 (7), impose le jugement de Dieu, p. 966-967. Au concile de Francfort (792), tenu en présence des légats du pape Etienne, l’évêque de Verdun, ayant à purger par serment l’accusation de haute, trahison, fut innocenté par le fait qu’un de ses serviteurs, s’étant soumis à sa place au jugement de Dieu, réussit ainsi à prouver son innocence, C. ix, p. 1057. La diète synodale de Diiren (775) prescrivit que le différend survenu entre Herchenrad, évêque de Paris, et Fuldrad, aumônier de la cour et abbé de Saint-Denis, fût vidé par l’épreuve de la croix, p. 975-976.

2. Au IXe siècle, Agobard, archevêque de Lyon, condamne les ordalies dans son traité De divinis senientiis, où notamment il réprouve le duel judiciaire, P. L., t. civ, col. 249-268. Dans le Liber adversus legem Gundebaldi et impia certamina quæ per eam geruntur, le même Agobard écrit à Louis le Débonnaire pour réprouver l’épreuve de l’eau froide et du fer rougi, au même titre que le duel. Sur l’œuvre d’Agobard contre les ordalies, voir La réaction contre les ordalies en France depuis le IXe siècle jusqu’au décret de Gratien, thèse de doctorat en droit canonique de l’université de Strasbourg, par S. Grelewski, Rennes, 1924. On trouve un écho des répugnances d’Agobard dans le concile de Valence (855), can. 12, qui traite ceux qui sont tués en duel comme de véritables suicidés. Hefele-Leclercq, t. iv, p. 207. Dès 817, un concile d’Aix-la-Chapelle avait interdit l’épreuve de la croix, can. 27, p. 29.

Ces résistances étaient de simples exceptions sans portée. Nombreux sont les évêques qui font l’apologie des ordalies et en usent couramment dans les tribunaux synodaux qui, surtout dans la région du Rhin, siègent une fois l’an dans les principales villes de chaque diocèse. Les synodes de Mayence (847) et de Tribur (895) déterminent les épreuves auxquelles doivent être soumis les accusés. Le synode de Mayence prescrit le serment pour l’homme libre, les ordalies (épreuve du feu) pour l’esclave, csn. 24. Hefele-Leclercq, t. iv, p. 134. Le can. 22 du concile de Tribur prévoit, outre le seiment pour le noble ou l’homme libre, l’épreuve de l’eau bouillante ou du fer rouge pour l’esclave et même pour le noble et l’homme libre pris en flagrant délit de vol ou de parjure. Ibid., p. 70. Voir le texte dans Mansi, Concil., t. xviii, col. 143. Un des plus fermes défenseurs des ordalies au ix f siècle est Hincmar de Reims. Il sait que son opinion est contestée ; il répond aux objections possibles ; cf. De divortio Loiharii, P. L., t. cxxv, col. 659, 664-665, 671-672. D’une part, avec Grégoire le Grand, il proclame qu’il faut reconnaître aux jugements de Dieu un caractère surnaturel ; d’autre part, aux capitulaires de Louis le Débonnaire contre l’épreuve de l’eau froide, il oppose

les canons des synodes authentiques, col. 741-742 ; cf. Epist., xxv, Ad Hildegarium episc. Meldensem, P. L., t. cxxvi, col. 161.

Il faut ajouter que les falsifications canoniques qui surgirent en France à cette époque n’ont pas été sans influencer sur le sort des ordalies. Voir plus loin.

3. Au a c siècle, en 928, le synode de Gratley, en Angleterre, règle dans son can. 5 l’emploi des ordalies. Hefele-Leclercq. t. iv, p. 752. Divers synodes, tenus en Ravière, de 953 à 962, prescrivent plusieurs fois les jugements de Dieu pour les délits ayant caractère de sacrilège. Leurs canons étaient entrés dans la loi bavaroise. Voir Patetta, p. 279-285. Mais il faut également signaler au xe siècle la collection canonique de Réginon, abbé de Piûm († 915), où l’on retrouve à peu près tous les textes connus des conciles sur les ordalies. Patetta, p. 388-389.

A. Au XIe siècle, se retrouvent toute une série de décisions conciliaires, intéressant les ordalies, en Allemagne, en Espagne et en Italie. Le synode de Seligenstadt, en 1022, impose le jugement de Dieu en cas d’accusation d’adultère, can. 7 et 14. Hefele-Leclercq, t. iv, p. 923. Les annales d’Hildesheim rapportent qu’au concile de Geizlide (Geisleden, dans l’Eichsfeld), en 1028, un gentilhomme, accusé d’assassinat, subit avec succès l’épreuve du fer rougi. Hefele-Leclercq, t. iv, p. 947 ; cf. Mon. Germ. hist., Script., t. iii, p. 97. Les synodes de Burgos, en 1077, et de Tolède, en 1091, firent décider par le duel et l’épreuve du feu de leur choix entre la liturgie mozarabe et la liturgie romaine. Hefele-Leclercq, t. v, p. 285 et 351. Deux fois, la liturgie mozarabe l’emporta. Le synode romain de 1078 autorisa Pierre d’Albane à traverser un bûcher allumé pour prouver la simonie de l’évêque de Florence, d’où le surnom de Petrus igneus. Hefele-Leclercq, t. v, p. 232. Enfin, — sans qu’il s’agisse ici d’un document conciliaire, — Pertz a découvert en 1844, dans un ms. du British Muséum (xie siècle), un curieux renseignement ayant trait aux luttes de Henri IV et de Grégoire VII. L’abbé du Mont-Cassin et quelques autres ecclésiastiques haut placés avaient cherché à Rome à connaître par l’épreuve de l’eau froide lequel, d’Henri ou de Grégoire, avait raison. A toutes les épreuves et contre-épreuves, l’empereur avait eu raison. Mon. Germ. hist., Script., t. viii, p. 460 ; Hefele-Leclercq, t. v, p. 300, note 3.

Parmi les collections canoniques, il faut citer, au xi c siècle, celle de Burchard de Worms, dans laquelle ont puisé la plupart des collections postérieures. Tout ce qui se rapporte aux ordalies est presque entièrement emprunté à Réginon. Voir ci-dessus. Rurchard s’est contenté d’ajouter les nouveaux capitulaires, notamment le canon du 24 synode de Seligenstadt. Patetta, p. 389-390.

5. Au xue siècle, peu de documents conciliaires, mais plusieurs écrivains intéressants.

Il faut d’abord citer le grand concile de Reims, tenu en 1119, sous la présidence de Calixte II, imposant le jugement de Dieu pour tout accusé n’appartenant pas à l’état militaire. Mansi, Concil., t. xxi, col. 237 (voir plus loin la portée de ce décret). Le synode de Reims de 1157. imposant l’épreuve du feu à quiconque était suspect comme cathare. Hefele-Leclercq, t. v, p. 913. Au synode de Milan, en 1 103, le prêtre Liutprand subit volontairement l’épreuve du feu pour convaincre l’archevêque Grossulanus de simonie. Hefele-Leclercq, t. v, p. 480-181. Un concile de Westminster, en 1175, stipule, can. 4, qu’ « aucun clerc ne peut être forcé d’accepter le duel judiciaire. » Donc, d’autres devaient l’accepter. Hefele-Leclercq, t. v, p. 1062. Il est vrai, observe à ce sujet Patetta, p. 310, que le 62e des canons édictés sous le roi Edgar, en 960, établissait déjà. ut sacerdos nunqtiam ordalia l’isitet et juramenta ;