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ORATOIRE. LA RESTAURATION


de Platon dans la Cité de Dieu et les Confessions : on pouvait donc demander à ce philosophe des armes pour défendre la religion.

Or, M. de Harlay-Sancy, en entrant à l’Oratoire, avait donné des manuscrits de Platon et de ses plus célèbres disciples ; pour les étudier, il se forma dans la congrégation un groupe de Pères qui, corrigeant les erreurs par les interprétations de saint Augustin, contribuèrent à faire prévaloir les doctrines de l’Académie sur celles du Lycée. Voir Houssaye, op. cit., t. iii, p. 379-381. Le P. de Morainvillers, († 1654), publie Examen philosophise platonicæ, 2 vol. in-8°, 1650 ; le P. Jacques Fournenc († 1666), publie une Philosophie en 3 vol. in-4°, dans laquelle il s’efforce de faire dominer le platonisme, et qui fut longtemps le seul manuel à Juilly ; le P. André Martin († 1695), donne Philosophiez, christiana, 7 vol. in-12, Paris, 1667-1671, qui n’est qu’un tissu de textes extraits de saint Augustin. Nouvelle édition par l’abbé Fabre, Paris, 1863. Thomassin continuera la tradition dans la Méthode d’étudier… chrétiennement… la philosophie. Malebranche, qui entre à l’Oratoire en 1660, y trouvera donc des confrères tout pénétrés des idées de Platon et de saint Augustin.

Par la nécessité de choisir, non seulement entre Platon et Aristote, mais entre les doctrines mêmes de celui qu’on préférait, on était disposé à saisir le vice des anciennes méthodes, à suivre avec intérêt les tentatives de réforme. Depuis 1626, le P. Gibieuf était lié avec Descartes : « On lui a obligation, estime Cloyseault, op. cit., 1. 1, p. 145, de quantité de sentiments qu’il (Descartes) a supprimés qui ne convenaient point avec les principes de la théologie et qui pouvaient paraître opposés aux règles de la foi. » Venant à l’Oratoire, le philosophe y trouvait le P. Léonor de la Borde, Guillaume Camerarius, qui publia des Selectæ dispiilalioncs philosophiez, 1630, Condren, ouvert aux spéculations de la raison comme aux contemplations de la foi. Bérullc, qui fut son directeur de conscience, l’entendit exposer son système en 1628 et, se promettant pour la religion les plus heureux fruits de cette manière de philosopher, il lui intima l’obligation de la faire connaître. De nos jours Etienne Gilson dans La liberté chez Descartes et la théologie, in-8°, Paris, 1913, Henri Gouhier, dans La pensée religieuse de Descaries, Paris, 1924, La philosophie de Malebranche, La vocation de Malebranche, in-8°, 1926, ont mieux fait connaître l’influence de Bérulle sur la philosophie contemporaine en montrant qu’il a agi sur Descartes, comme on agit sur un philosophe, en mettant en branle sa pensée, en lui suggérant une métaphysique libérée de l’École, sur laquelle il pût baser sa physique : c’est grâce à lui, pour une part qu’il ne faut pas exagérer, mais qui est très réelle, que la pensée de Descartes a pu être dite une pensée religieuse.

Comment aussi s’empêcher de trouver un son bérullien dans certaines des Pensées de Pascal, dans le Mystère de Jésus, dans sa manière de regarder tout par rapport à Jésus. Grand contemplatif, Bérulle était aussi grand penseur, on s’en aperçoit de plus en plus. Parmi les oratoriens qui ont écrit de la philosophie, les uns se sont montrés disciples de Descartes comme Bernard Lamy (Voir le mot). Nicolas Joseph Poisson édita le Traité de la mécanique par M. Descartes ; de jilus l’abrégé de musique du même auteur, mis en français arec les éclaircissements nécessaires, in-4°, Paris, 1668 ; Commentaire ou remarques sur la méthode de M. Descartes, où l’an établit plusieurs principes généraux nécessaires pour entendre toutes ses œuvres, in-8°, Vendôme, 1671, ouvrages qui soulevèrent de vives polémiques. Claude Ameline, Traité de la volonté, de ses principales actions, de ses passions et de ses égarements, in-12, Paris, 1684 ; Traité de l’amour du souve rain bien, in-12, Paris, 1699, où il se montre partisan de la philosophie de Malebranche.

Par contre, Alexandre Ferrand. dans Enchiridion philosophicum, seu contracta Doctoris Angelici philosophia, in-16, Paris, 1668, et Jean Baptiste de la Grange, dans Les principes de la philosophie contre les nouveaux philosophes Descartes, etc. 2 vol. in-12, Paris, 1675 et dans Traité des éléments, in-12, Paris, 1679, veulent revenir à la philosophie d’Aristote. P. de Lignac adopte au contraire les principes de Malebranche, dans Éléments de métaphysique tirés de l’expérience, in-12, Paris, 1753 ; Examen sérieux et comique des discours sur l’esprit, 2 vol. in-12, 1759 ; Le témoignage du sens intime et de l’expérience, 3 vol. in-12, 1760 ; Possibilité de la présence corporelle de l’homme en plusieurs lieux, in-12, Paris, 1764.

L’Oratoire a eu aussi un grand nombre d’historiens surtout de l’histoire ecclésiastique : André Tod qui traduisit le premier volume des Annales de Baronius, Eustache Gault, Bené Demyon, Jérôme Vignier, Symphorien Guyon, Georges Galland, Jean Bonichon, Nicolas de Bralion, Charles Lecointe surtout qui composa Annales ecclesiastici Francorum, 8 vol. infolio, Louis Abel de Sainte-Marthe qui collabora au Gallia christiana, Gérard Dubois, Jacques Lelong, l’un des plus célèbres érudits français, Bougerel, Desmolets. Il compte des grammairiens célèbres comme Mitre Merindol.

Bon nombre de Pères cultivèrent la poésie surtout en latin : Nicolas Bourdon, André de Clercq, Louis Chaillot, Pierre Berthault, Michel Armynot, Joseph du Vachet, Jacques Moireau, Charles du Four, Guy de Souvigny, Jean François Bonneau, Charles Feau, Jean Bahier.

D’autres composèrent des ouvrages scientifiques, Pierre du Heaulne, Jean Prestet, Bertier, etc. : « On nous laisse, dit le P. Lamy, suivre les attraits particuliers que nous avons pour certaines études ; mais la grande étude est la discipline de l’Église, des Écritures, des conciles et des Pères. » Entretiens sur les sciences, Ve entretien, p. 199, de l’édition de 1724.

VI. Le nouvel ORATorRE.

Le P. Moisset, dernier supérieur général, était mort le 7 décembre 1790 ; le 10 mai 1792, les Pères « composant le régime tic la congrégation et les autres membres des maisons de Paris, » au nombre de plus de soixante, écrivirent au pape Pie VI pour l’assurer de leur inviolable fidélité à l’Église : « levant les yeux vers le centre de l’unité catholique, comme vers le port assuré du salut, (ils) désiraient renvoyer leur dernier souffle de vie au principe de qui l’Oratoire l’avait reçu. »

Deux essais de restauration, l’un dès 1806 par M. de Fontanes, l’autre en 1839 par M. de Genoude avaient échoué. Le 16 août 1852, le P. Pététot réunissait aupresbytère de Saint-Boch, les PP. Gratry, de Valroger, déjà prêtres et trois jeunes laïques, A. Perraud, Gambier, Lescœur. Le 22 mars 1864, Pie IX constatant que l’œuvre « avait la même fin que l’ancienne congrégation de l’Oratoire », la « reconnaissait et la confirmait » pour la continuer et lui donnait le titre d’Oraloire de Noire-Seigneur Jésus-Christ et de Marie Immaculée. Les constitutions furent définitivement approuvées en 1892.

Pour le P. Gratry, le réel instigateur, « l’Oratoire est un lieu de prière, d’étude dans la prière, et de propagation évangélique par la parole et par la plume… Les moyens sont d’abord : la réunion de plusieurs dans un lieu de prières et d’études, dans cet Oratoire qui se compose de deux éléments : l’Oratoire proprement dit, et puis l’atelier de travail ou, si l’on veut, la chapelle et la bibliothèque. » Les Sources, discours sur le devoir intellectuel des chrétiens au XIXe siècle, p. 197.

Malgré les difficultés inhérentes à un début, malgré