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ORATOIRE. FONDATION


ce premier asile pour s’installer rue Saint-Honoré près du Louvre et, en 1624, on fondait dans l’abbaye de Saint-Magloire une sorte de séminaire où, dit Bossuet : « dans l’air le plus pur… de la ville un nombre infini d’ecclésiastiques respirent un air encore plus pur de la discipline cléricale. » Oraison funèbre du P. Rourgoing.

Le fondateur manifeste ainsi son intention : « Le même Dieu qui a rétabli en nos jours, en plusieurs familles religieuses, l’esprit et la ferveur de leur première institution, semble vouloir aussi départir la même grâce et faveur à l’état de prêtrise, qui est le premier, le plus essentiel et nécessaire à son Église, et renouveler en icelui l’état et la perfection qui lui convient selon son ancien usage et sa première institution. » Œuvres de Bérulle, éd. Aligne, p. 1270. Cliercbant avant tout à « consolider et étendre le règne de Jésus-Cbrist », il veut, au moyen d’une congrégation que le P. Cotton déclarait « nécessaire à l’Église », restaurer et glorifier l’idée même du sacerdoce catholique, de l’Ordre du Christ, appauvrie et comme avilie au cours des siècles. Dans l’Église primitive, « le clergé portait hautement gravées en soi-même l’autorité de Dieu, la sainteté de Dieu, la lumière de Dieu… tellement que les premiers prêtres étaient et les saints et les docteurs de l’Église : Dieu conservant en un même ordre autorité, sainteté et doctrine, et unissant ces trois perfections en l’ordre sacerdotal, en l’honneur et imitation de la Sainte-Trinité où nous adorons l’autorité du Père, la lumière du Fils et la sainteté du Saint-Esprit ». Mais, avec le temps, « l’autorité est demeurée aux prélats, la sainteté aux religieux et la doctrine aux académies… Nous sommes rassemblés pour rentrer en nos droits. » Œuvres, p. 1473-1475. Comme 1’Oratoire veut « avoir le Fils de Dieu en partage », il renonce, comme autrefois la tribu de Lévi, « à toutes les choses séculières et même à l’ambition des bénéfices… Ainsi, les maisons de l’Oratoire de Jésus doivent être à l’égard des autres prêtres, ce que les monastères sont à l’égard des laïques… Il s’ensuit de là que l’intention de Dieu… est que nous soyons autant élevés en pureté, en pauvreté, en humilité, en obéissance, en modestie, en charité, en zèle, en piété, en perfection, en sainteté de vie, par dessus le commun des ecclésiastiques que les plus saints religieux sont élevés par dessus le commun des laïques. » P. de Condren, Letl., éd. Pin., p. 171.

A l’exemple de son fondateur, chaque famille religieuse fait profession de quelque vertu particulière : le capucin de la pauvreté, le chartreux de la solitude, le jésuite de l’obéissance. Jésus étant le souverain prêtre, l’Oratoire, dit Bérulle, doit professer « le soin particulier d’aimer et d’honorer intimement Jésus-Christ. » Œuvres, p. 1270.

Aussi, la bulle de Paul V, Sacrosanctæ, du 10 mai 1613, qui est comme la charte d’institution de la congrégation, assigne aux prêtres de l’Oratoire pour « premier et principal dessein de tendre totalement à la perfection de l’état sacerdotal : » ensuite « d’avoir une dévotion spéciale et particulière à Jésus-Christ Notre-Seigneur, prêtre éternel… et source du sacerdoce dans l’Église… d’honorer Jésus passant les nuits en oraison, de faire consister leur principal devoir de prier pour le peuple et de célébrer les louanges de Dieu. »

La même bulle indique les principales fonctions de l’ordre nouveau : 1. Il peut embrasser toutes les fonctions et tous les emplois qui conviennent proprement et essentiellement à l’ordre sacerdotal ; 2. Il ne les exerce que par la permission et dans la dépendance des évêques ; 3. Il doit se consacrer à l’éducation des prêtres et de ceux qui aspirent aux ordres sacrés, non pas tant dans l’acquisition de la science que dans

l’usage de cette science, non lam circa scientiam quant circa usum scienliæ rilus et mores proprie ccclesiasticos se addicere. C’est donc une erreur de dire, comme l’ont fait trop d’historiens, M, Faillon dans la vie de M, Olier, Henri Joly et le P. Boulay dans leurs histoires du P. Eudes, que la mission de l’Oratoire était de fonder les séminaires et qu’il y fut infidèle. Il n’est point de fonction ecclésiastique qu’il ne puisse exercer, prédication, formation des clercs, études ; la bulle de Paul V ajoute « l’instruction de la jeunesse », ce à quoi le P. de Bérulle paraissait plutôt opposé. Le bref d’Innocent X, Ex Romani, du 19 novembre 1054, confirme les constitutions à une époque où la congrégation dirigeait plusieurs collèges ; c’est à cette date seulement, quand l’Oratoire avait plusieurs séminaires, que la septième assemblée générale modifia les mots non circa scientiam en circa scientiam, comme aux séminaires. Auparavant, le P. de Condren à Paris, le P. Bourgoing à Malines établirent des retraites pour les ordinands : c’est l’Oratoire qui, le premier, a pratiqué ces exercices et frayé ainsi la voie à l’institution des séminaires.

L’idée première du P. de Bérulle était donc de réhabiliter l’état de prêtrise, méprisé au point que les grands tenaient leurs prêtres pour leurs plus petits serviteurs ; aussi, à la grande surprise du public, les premiers Pères tenaient à honneur de porter partout la soutane et se croyaient, plus que d’autres, obligés à la perfection. A l’idéal chrétien, à l’idéal sacerdotal, déjà si élevé, ils ajoutaient l’idéal oratorien ; tout prêtre, pensaient-ils, doit faire oraison, le prêtre de l’Oratoire doit être un homme d’oraison continuelle. Avec les congrégations qui dérivent directement de lui, Prêtres de la Mission, Sulpiciens, Eudistes, l’Oratoire représente le point culminant de la contreréforme en France.

Constitution.

Le P. de Bérulle n’avait laissé

que peu de règlements pour codifier certains usages ; c’est sous le P. de Condren (1629-1041) que la constitution s’élabora dans les assemblées générales :

1. Comme l’Oratoire appartient à l’ordre même établi directement par Jésus-Christ, il ne fera pas d’autre vœu que celui imposé par l’Église à ses prêtres. D’abord, le P. de Bérulle voulait demander le vœu d’obéissance aux évêques, cela fut écarté ; dans une lettre du 18 janvier 1612 il dit : « Cette compagnie se trouve dans cette dépendance du pape pour les statuts et dans la soumission aux prélats pour l’exercice de ses fonctions. »

Quand César de Bus, fondateur des doctrinaires, exigea des vœux des membres de sa congrégation, le P. Romillion, voulant rester fidèle à la constitution primitive, s’unit en 1019 à l’Oratoire de France, qui s’adjoignit ainsi neuf maisons en Provence. L’assemblée générale de 1031 décida « que jamais, pour quelque raison que ce fût, les sujets ne pourraient être obligés à aucun vœu. » On doit avoir la vie commune pour cette seule raison qu’elle favorise « la vie exemplaire que doivent mener les ecclésiastiques… Afin que tout fût soumis dans leur intérieur, ils obéissaient à quelques règlements pour la distribution du temps. »

2. Au siècle précédent, saint Philippe de Néri avait fondé sous le même nom, une société de prêtres qui vivaient en commun, exerçant toutes sortes d’apostolat, mais chaque maison restait isolée. Il existait autant d’Oratoires distincts et indépendants les uns des autres qu’il y avait de groupes de prêtres associés dans le même but et s’engageant à observer les mêmes règles. Saint François de Sales avait également conservé l’autonomie à chacun des monastères de la Visitation, le P. Eudes en fera autant en 1641 pour les Refuges. Le P. de Bérulle, obéissant à la tendance générale qui portait en France à la centralisation,