Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/544

Cette page n’a pas encore été corrigée
1069
1070
OPHITKS


dit pas que les ophiens aient emprunté ces notions aux valentiniens, mais seulement qu’il y a des ressemblances entre les mythes des uns et de autres.

Pourtant l’on ne voit pas, dans la description d’Origène, d’où peut provenir aux « ophiens » leur nom ; le culte du serpent n’est pas mentionné et dans les mythes qui sont rapportés on ne voit pas qu’il joue un rôle, à moins que l’on ne veuille retrouver le serpent dans le Léviathan, le grand dragon dont il est question au n. 25, col. 1329. On se rappellera néanmoins qu’Origène ne s’est pas proposé de décrire en détail la secte des ophiens et qu’il a passé délibérément sous silence nombre de détails.

2. I renée.

Sur la foi de Théodoret, Hæret. fab., I. xiv. P. G., t. i.xxxiii, col. 364-3C8, les éditeurs d’Irénéc ont mis en tête du c. xxx du 1. I du Contra hæreses, P. G., t. vii, col. 694-7Q4, qui dans le texte commence par ces mots, Alii autem rursus, le titre : De ophilis et sethianis. Mieux vaut faire abstraction du dernier mot qui préjuge une identité qui est loin d’être démontrée. En fait, les sectaires décrits ici par Irénée se révèlent les mêmes que les ôcpîxai dont parle Épiphane, Hæres., xxxviii, et qu’il distingue des O7)01avoî de V hæres. xxxix. D’ailleurs quelques-uns des traits et des vocables qui se rencontrent dans la secte des ophiens de Celse-Origène se retrouvent ici. Mais, tandis que les deux alexandrins s’attardaient plutôt aux talismans et à la théurgie de la secte, ï’évêque de Lyon, négligeant entièrement ce point de vue, fait une description détaillée de la mythologie complexe qui justifiait jusqu’à un certain point ces pratiques.

Au plus haut sommet des choses, le Père ou la Lumière, ou le Premier Homme, tous noms indiquant un seul et même être. De lui émane un deuxième principe, le Fils de l’homme, le Second homme ; à côté d’eux un troisième principe, celui-ci féminin : le Première femme ou le Saint-Esprit (dans les langues sémitiques le mot rûah, « esprit », est féminin). L’union des deux premiers principes masculins avec le troisième féminin, donne naissance au Christ, quatrième principe, et la réunion de ces quatre n’est autre que l’Église ou l’éon incorruptible.

En face de cette tétrade voici le chaos, l’eau ténébreuse, l’abîme ; c’est tout un. Mais du sein de la Première femme va descendre une rosée de lumière : humectaiio luminis, c’est Sophia, ou Prunicos (appelée un peu plus loin la Mère). Cette rosée tombe dans le chaos primordial et les efforts qu’elle fait pour s’en dégager donnent naissance au firmament qui sépare désormais les êtres d’en bas de la tétrade céleste. C’est dans cette région inférieure que naissent de la Mère les archontes, dont Origène a transcrit lui aussi les noms : Jaldabaoth, Jao, Sabaoth, Adonœus Eloa ?us, Horseus, Astaphœus. Bientôt Jaldabaoth est devenu le père d’une immense lignée d’anges, archanges, vertus, puissances et dominations ; ce sont les organisateurs du monde ; alors, se dressant contre la Mère, Jaldabaoth se croit Dieu et Père. Finalement les six premiers archontes, fils de Jaldabaoth, s’essaient à créer l’homme ; ils n’aboutissent qu’à former un être sans force qui gît et rampe comme un ver. Mais à l’insu de Jaldabaoth, la Mère introduit en lui un principe supérieur. Eve apparaît. — Cependant, du désir de Jaldabaoth pour la matière, était né un fils ayant la forme d’un serpent et qui est appelé Nous. C’est lui qui, à l’instigation de la Mère, engagera Adam et Eve à mépriser les ordres de Jaldabaoth ; ayant mangé du fruit défendu, ceux-ci apprennent que Jaldabaoth n’est pas vraiment Dieu, qu’il y a au-dessus de lui une puissance supérieure. Ils sont punis néanmoins, et placés dans le monde visible. La suite de cette mythologie entremêle au récit

biblique l’action antagoniste du serpent et de Prounicos ou Sophia, car le serpent qui semblait vouloir d’abord du bien à l’homme cherche maintenant à le dévoyer. On en arrive finalement à la lutte entre Sophia et Jaldabaoth autour de Jésus, lutte où ce dernier succombe. Mais sa défaite n’est qu’apparente, puisque Jésus ressuscite, sinon tout entier, du moins en cette partie de lui-même qui est susceptible de revivre. Remonté au ciel, il recevra les âmes de ceux qui l’auront reconnu et auront su déposer la chair ; elles échapperont ainsi à l’empire de Jaldabaoth. Tout n’est pas également clair dans la description que fait Irénée de ce mythe compliqué ; le rôle du serpent apparaît assez différent aux divers stades. Mais n’est-ce pas un peu l’habitude des mythes de se moquer de la logique ? Quoi qu’il en soit de certaines difficultés de détail, on ne voit pas que les mythes abondamment décrits par Irénée soient en contradiction grave avec ce que disent Celse et Origène de la secte des ophiens.

3. Clément d’Alexandrie.

Celse et Irénée écrivent sensiblement à la même date ; Clément les suit de près. Mais les renseignements qu’il fournit sont bien maigres. Sans doute il donne, Strom., III, iv, P. G., t. viii, col. 1129 sq., une énumération assez copieuse de sectes en lutte contre la morale : nicolaïtes, adeptes de Prodicos, antitactes ; les ophites ne figurent pas sur cette liste. Mais, plus loin, Strom., VII, xvii, t. ix, col. 553, il indique l’origine des noms qui sont appliqués aux différentes sectes : les unes sont désignées par le nom de leur fondateur (valentiniens, marcionites), d’autres d’après leur pays (phrygiens = montanistes) d’autres d’après leurs dogmes, d’autres d’après les suppositions qu’elles font et d’après l’objet de leur culte, comme les caïanistes et les ophiens, od 8è à.izb ÛTioOscTscov xal tbv TETi^yjy.aai., cbç Kaïocvicrraî te xal ol’0quavolTCpoaaYOp£u6(i.svot.. Il peut s’agir ici du culte rendu par les ophiens au serpent et aussi des hypothèses mythologiques par lesquelles se justifiait ce culte.

4. Hippolyle de Rome.

Le Synlagma d’Hippolyte est à peu près contemporain de cette courte notice de Clément, il contenait une notice sur les « ophites » On sait que le texte du Syntagma est perdu, mais qu’il peut-être restitué à l’aide des données fournies par Pseudo-Tertullien, Épiphane et Philastre de Brescia.

Dans le cas présent, Philastre apporte peu de choses, Hæres., i, P. L., t.xii, col. 1113-1115 : Les ophites, dit-il, sont ainsi nommés à cause du culte qu’ils rendent au serpent ; le culte se justifie par le fait que le serpent n communiqué à la femme la science du bien et du mal ; le serpent a été précipité du premier ciel dans le second (ou dans un autre). — Pseudo-Tertullien est un peu plus explicite, De præscript., c. xlvii, P. L. (éd. de 1866), t. ii, col. 79-80 : Les ophites, dit-il, pratiquent le culte du serpent pour la raison ci-dessus donnée ; le serpent d’airain dressé par Moïse, en était une image et le Christ lui-même dans l’Évangile a fait allusion à la puissance du dit serpent. Joa., iii, 14. Aussi les sectaires font-ils place au serpent dans leur liturgie : ipsum introducunt ad benedicenda eucharistia sua. Ces pratiques cultuelles sont justifiées par toute une mythologie (celle-là même que rapportait Irénée, mais un peu simplifiée). Le rôle joué par la Mère (Sophia, Prounicos) dans la description de celui-ci est attribué ici directement à Jaldabaoth. Ce sont les efforts de celui-ci pour se dégager de la matière qui donnent naissance au firmament, lequel va isoler le monde supérieur du monde d’en bas où Jaldabaoth se prétend le seul maître. La création de l’homme est attribuée aux suppôts de celui-ci, mais une étincelle de lumiètre est déposée en lui à l’insu de Jaldabaoth. Tout ceci est relativement