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OPÉRATIONS — OPHITES

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    1. OPÉRATIONS##


OPÉRATIONS. — Voir art. Hypostatique (Union), t. vit, col. 567, et Monothélisme, t. x, col. 2308 sq.

    1. OPHITES##


OPHITES. — Sectaires gnostiques, tirant leur nom du rôle que jouait le serpent (ôçiç) dans leur culte ou dans leurs mythes. I. Les ophites d’après les critiques modernes. II. Les ophites dans l’ancienne littérature chrétienne (col. 1067).

I. Les ophites d’après les critiques modernes.

— 1° Ophites au sens strict. — Au sens étymologique du mot, le nom d’ophites devrait être réservé aux sectaires qui pratiquaient le culte du serpent, ou attribuaient à un serpent plus ou moins mythologique une place dans leurs explications cosmologiques et religieuses. — En fait les anciens écrivains ecclésiastiques nous font connaître des sectaires qui se donnaient, ou à qui l’on donnait, ce nom d’ôçîavoi ou d’ôcpixoa. Les Philosophoumena décrivent également une secte de naasséniens, et font remarquer que leur nom dérive de l’hébreu naas (nâhâs) qui signifie serpent ; en toute logique, il conviendrait donc de compter aussi ces naasséniens comme des ophites. A ces ôqnavoi., à ces ophitæ, à ces naasséniens s’applique en rigueur de terme le nom d’ophites.

Ophites au sens large.

 Mais à ces ophites au sens

strict, diverses considérations émises par les modernes historiens du gnosticisme ont conduit à joindre un très grand nombre de sectes dans la doctrine desquelles le serpent joue un rôle plus ou moins accusé. C’est ainsi que beaucoup de critiques font de l’ophitisme un immense groupe englobant finalement toutes les sectes gnostiques qui ne sont pas désignées par le nom de leurs fondateurs. En d’autres termes, si l’on considère les sectes gnostiques comme un ensemble plus ou moins homogène, on y distinguera d’une part les groupes portant un nom propre : marcionites, basilidiens, valentiniens, et, d’autre part, les ophites.

Telle est la position adoptée par R. Liechtenhan dans l’art. Ophiten de la Protest. Realencijklopadie, t. xiv, 1904, p. 404-413, par E. F. Scott, dans l’art. Ophitism de YEncijclopœdia of religion and ethics, t. ix, 1917, p. 499-501 ; c’est celle qui a été établie en somme par les travaux de C. Schmidt, Gnostische Schri/len in koptischer Sprache aus dem Codex Brucianus, Leipzig, 1892, = Texte und Untersuchungen zut Gesch. der altchrist. Lit., t. viii, fasc. 1 et 2 ; de A. Hônig, Die Ophiten, Berlin, 1889 ; de W. Bousset, Hauptprobleme der Gnosis, Gœttingue, 1907, pour ne parler que de travaux relativement récents.

Voici les sectes que, dans ces conditions, R. Liechtenhan croit devoir rattacher à l’ophitisme : 1. Les barbéliotes d’Irénée, I, xxix. — 2. Les ophites d’Irénée, I, xxx, et d’Épiphane, Hæres., xxxvii. — 3. Les ophiens d’Origène, Cont. Cels., VI, xxiv-xxxii. —

4. Les naasséniens d’Hippolyte, Philos., V, vi-xi. —

5. Lespérates d’Hippolyte, ibid., V, xii-xviii. — 6. Les adeptes de Justin le gnostique, signalé par Hippolyte, ibid., V, xxm-xxviii. — 7. Les séthiens d’Hippolyte, ibid., V, xix-xxii. — 8. Les séthiens décrits par Épiphane, Hæres., xxxix. — 9. Les archonliques d’Épiphane, liserés., xl. — 10. Les sévériens d’Épiphane, Hæres., xlv. — 11. Les sectes d’où sont sortis la Pistis Sophia et le premier livre de Jéâ. Le premier de ces ouvrages dans le t. i des Koptischgnostische Schriflen du Corpus de Berlin (1905) ; le deuxième dans Texte und Unters., t. viii, fasc. 1 et 2. — 12. Les cainites d’Irénée, I, xxxi, et d’Épiphane, Hæres., xxxviii. — 13. Les nicolaïtes d’Irénée, I, xxvi, 3 (cf. Clément d’Al., Strom., III, iv) et d’Épiphane, Hæres., xxv. — 14. Les antitactes de Clément, Strom., III, iv, P. G., t. viii, col. 1137 C. — 15. Les prodiciens, oî àr : b ITpoSôxou, mentionnés au même endroit,

col. 1136 A. — 16. Les sectaires impurs désignés par Épiphane sous le nom de gnostiques ou borborites (phibionites, barbélites, borboriens, stratiotiques coddiens), Hæres., xxvi.

De son côté E. F. Scott mentionne comme rentrant dans le groupe des ophites au sens large : les caïnites, pérates, séthiens, gnostiques d’Irénée I, xxx), naasséniens, barbéliotes, sévériens, nicolaïtes, archontiques, disciples de Justin. Les deux listes se superposent à peu près, car il y a dans la liste de R. Liechtenhan des numéros qui font double emploi.

Doctrines générales des ophites au sens large.


On remarquera que beaucoup de ces sectes ont déjà eu ici leur notice spéciale, sans que l’on se soit préoccupé, d’ailleurs, de marquer très exactement leur degré de parenté. C’est à établir cette parenté que se sont appliqués les critiques signalés plus haut et, sans faire état des divergences assez notables qui séparent les divers groupements, R. Liechtenhan a cru pouvoir établir une sorte d’ophitisme type, dont il indique les grandes lignes, en prenant comme point de part l’hymne des naasséniens, tel qu’il est rapporté par Hippolyte, Philosophoumena, V, x, 2, édit. P. Wendland, p.l02-103 ; P. G., t.xvic, col. 3159. Et voici comme il le décrit :

Au sommet des choses, l’Être suprême, appelé aussi le Premier homme, être inengendré, ineffable, inaccessible, dont l’expansion ou le développement amène la naissance, la prolifération d’autres êtres spirituels, en nombre variable selon les sectes. En face de ce monde spirituel le chaos, désigné en certaines sectes comme le serpent ou le dragon. De la chute en ce chaos de divers éléments du monde spirituel naît le monde mêlé, dont l’origine est diversement décrite, mais où se rencontre toujours une lutte entre les éléments chaotiques ou matériels (hyliques) et les éléments d’ordre spirituel. Ceci est particulièrement remarquable dans l’homme, qui appartient au monde matériel, est une créature des puissances hyliques, mais porte néanmoins en lui des traits du monde supérieur. La rédemption consistera précisément à faire revenir à ce monde de la lumière les particules qui sont tombées dans le monde mêlé. Or cette rédemption se fait à rencontre du démiurge (Jaldabaoth.Sabaoth, etc.) être borné, sinon malfaisant, et qui, à peu près dans toutes les sectes, est assimilé au Dieu de l’Ancien Testament. Le réalisateur de la Rédemption est toujours un être du monde supérieur, Sôter, le Christ, Jésus, être céleste qui apporte aux hommes la connaissance de la sphère supérieure et les y élève par le fait. En quelques sectes, il est vrai, le rapport n’apparaît pas très clairement entre cet être céleste et le Jésus de l’histoire ; quelques-unes mêmes font jouer ici au serpent un rôle qui nous transporte dans une sphère d’idées assez différentes mais, pour l’ordinaire, le lien n’est pas rompu qui tient unie la mythologie gnostique, avec les réalités de l’histoire chrétienne du salut.

Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, l’œuvre du rédempteur apparaît surtout comme la dispensation d’un enseignement. Le Sauveur vient fournir aux éléments emprisonnés dans la matière la connaissance (gnose) néeessaire pour se dégager de celle-ci. Tous les individus ne sont pas également réceptifs de cette gnose. Ceux-là même qui la reçoivent ont encore besoin pour échapper, après leur mort, à l’emprise du monde hylique d’avoir reçu, durant leur vie, les formules et les mots de passe qui seuls permettent de franchir sans danger les diverses zones des cieux et de rentrer dans le monde de la lumière. Toutes les sectes en question ont donc une organisation plus ou moins compliquée d’initiations, de mystères, de consécrations, de rites magiques. Certains des livres qui