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    1. ONTOLOGISME##


ONTOLOGISME. INTERVENTIONS ROMAINES

1046 « Nous établirons, il est vrai, que l’être, loi de la pensée, l’être vérité, est Dieu lui-même, et non l’être purement idéal, l’image de l’être ; mais il n’en est pas moins vrai que la pensée n’attache formellement et avec réflexion l’individualité et l’existence à l’être qu’elle pense toujours, que conséquemment à ses recherches sur la nature de cet être mystérieux qui, pour nous, vil dans la pensée avant de vivre en lui-même. Mais ce passage de l’être, loi de notre pensée, à l’être vivant et personnel n’a rien qui ressemble à l’induction des psychologistes. Ce n’est pas le passage d’un objet à un autre objet, de l’être limité à l’être illimité…, c’est le passage d’une connaissance imparfaite de l’être et de la vérité à une connaissance moins imparfaite de l’un et de l’autre. » P. 95-96.

— Ainsi donc, l’être que nous pensons toujours, cet être « lieu commun de toutes les notions données par la perception », cet être « affirmé dans les jugements », cet être c’est Dieu 1

Et cet être-Dieu, « qui, pour nous, vit dans la pensée avant de vivre en lui-même », nous le percevons, c’est-à-dire nous en avons l’intuition : « Ce n’est pas du concept formel ou subjectif que je déduis la réalité objective de l’être ; une telle déduction serait sans valeur ; elle serait une pétition de principe. L’être est donné dans la pensée et par la pensée ; mais s’il est donné dans la pensée, c’est qu’il est en soi ; ou simplement s’il est pensé, c’est qu’il est. Je le perçois comme une réalité qui m’informe, comme une règle ou comme une loi qui me domine… » P. 110. Cela en vertu d’une théorie sur la formation du « concept » par l’être « donné à la pensée comme une semence féconde », théorie sur laquelle nous ne pouvons nous arrêter ici ; cf. p. 107-112. Qu’il suffise de noter qu’elle aboutit à faire de l’ontologie « une science d’observation aussi bien que la psychologie, mais non de la même manière. Quand je dis : l’être est un fait, l’être s’obseive et s’expérimente, l’expérience est d’un genre unique, puisqu’elle donne un fait qui par son caractère excède tous les faits : il est absolu, universel, nécessaire… L’être n’est pas invisible, il est même seul visible, car il est la lumière, il est à l’intelligence ce que la lumière matérielle est aux yeux du corps ; il rend toutes choses intelligibles. » P. 111-112.

L’être est Dieu.

Hugonin nous a promis de

l’établir. Il y procède en distinguant « dans la pensée le concept de l’être pur, sans limite, sans restriction, et le concept de l’être limité. Il n’est pas une idée exprimée par le langage qui ne donne lieu à cette distinction. On dit une chose bonne et la bonté, une chose belle et la beauté, une chose vraie et la vérité ; en un mot toute chose imparfaite suppose une perfection à laquelle elle participe. » P. 108. Mais, si « le concept formel de l’être limité diffère du concept formel de l’être illimité, … la raison objective du concept formel de l’être limité et de l’être illimité est la même. Ce par quoi nous concevons l’être simplement dit ou illimité, est ce par quoi nous concevons l’être limité. L’être limité n’est conçu comme tel que d’une manière privative, par l’opération de l’esprit qui pose une limite à cet être illimité, qu’on appelle justement l’océan de l’être. » P. 109. Autrement dit : l’être « donné dans la pensée et par la pensée », le seul être, c’est l’être simplement dit, l’être pur, l’être « absolu, universel, nécessaire ».

Or, l’être pur, l’être simplement dit, disons tout simplement l’être, possède tous les caractères que nous attribuons à Dieu : « il ne peut pas ne pas être » ; il « a en soi sa raison d’être » ; par’conséquent il « est incréé et éternel » ; il « est infini et souverainement parfait » ; il « est un acte pur ». P. 117-118. Donc « l’être simplement dit ne peut être que Dieu. » P. 119.

Recueillons, pour terminer, ces deux propositions rencontrées à la fin du volume : « L’objet de mon idée de nécessaire ne peut être que l’êtie nécessaire lui-même. Car cet objet est réel, puisque le rien ne peut être perçu. » P. 470. « L’être nécessaire est conc perçu ; il est perçu en lui-même ; par conséquent il est. J’arrive à son existence sans nulle déduction, mais par une intuition immédiate. Cette existence ne se prouve pas, elle se constate. » P. 471.

Sur la doctrine d’Hugonin, voir Annales de phil. chrét., déc. 1866, p. 454-465, reproduction d’une étude d’un « théologien romain ».

V. Les interventions de Rome au sujet de l’ontologisme. — Contie l’ontologisme, les Annales de phil. chrét., février 1852, p. 111, brandissaient une décision du concile de Paris (1277), aj prouvée par le pape, sur la connaissance naturelle de Dieu : Quod intellectus noster per sua naturalia potest perlingere ad cognitioncm primée causse ; hoc maie sonal et est error si intelligatur de cognitione immediata. — Que la condamnation de l’erreur des béghards par le concile de Vienne : quod qua libet intellectualis natura in se ipsa naturaliter est beata, quodque anima non indiget lumine gloriæ ipsam élevante ad Deum videndum et eo béate fruendum, Denzingcr-Bannwart, n. 475, atteignît les ontologistes, c’est ce que ceux-ci contestaient et niaient : la vision ontologique ne devait pas être confondue avec la vision béatifique. « La première a pour objet les propriétés divines, c’est-à-dire les perfections rationnelles de Dieu ; la seconde, au contraire, a pour objet l’essence divine, c’est-à-dire les perfections supra-rationnelles de Dieu. » J. Sans-Fiel, Discussion, p. 105. Le P. Berti avait déjà écarté l’objection qu’on pourrait tirer du concile de Vienne contre l’ontologisme, ibid., p. 106, note ; et le P. Matignon déclarait : « que l’intelligence créée ait ou n’ait pas dès la vie présente une perception immédiate de Dieu, que dans l’état de nature pure cette perception eût existé ou non, pour constituer la fin dernière de l’homme, ce sont des questions où l’on a pu être divisé, » cité p. 105, note, donc ce sont des questions que n’a pas tranchées le concile de Vienne. Le Postulatum contre l’ontologisme, présenté au concile du Vatican par les cardinaux Sforzæt Pecci, soutient au contraire que les distinctions imaginées par les ontologistes pour se mettre à l’abri de la condamnation portée par le concile de Vienne, sont vaines, et que, par conséquent, l’ontologisme est une doctrine d’ores et déjà réprouvée par l’Église. Cf. Annales de phil. chrét., novembre 1873, p. 330-332 ; Lennerz, Natùrliche Gotleserkenntnis…, p. 91-94, n. ivvm.

Mise à l’Index de livres ontologistes.

1. Malebranche.

— h’Indice dei libri proibiti, rivedutoe publicato per ordine di Sua Sanlilà Pio papa XI, Città del Vaticano, 1929, indique que la Défense de l’auteur de la Recherche de la vérité contre l’accusation de M. De la Ville (le P. Valois, jésuite), parue à Rotterdam en 1684, fut mise à l’Index par un décret du 21 novembre 1689 ; le livre même De la recherche de la vérité… par un décret du 17 janvier 1707 ; enfin les Entretiens sur la métaphysique et sur la religion, par un décret du 12 janvier 1712. Ce ne sont pas les dates signalées par les Annales de phil. chrét., juillet 1845, p. 38, et février 1852, p. 103, qui donnent respectivement les dates suivantes : 29 mai 1690, 4 mars 1709 et 15 janvier 1714 ; mais il s’agit sans doute ici des dates de publication des décrets et non des dates des séances où ils furent rendus. Les Annales marquent aussi que le livre De la recherche de la vérité fut condamné dans une traduction latine, faite sur la dernière édition française et parue à Gênes en 1691. On peut penser, mais on ne saurait affirmer, sans avoir