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ONTOLOGISME. GIOBERT1


flue prouve que non seulement une réalité lui correspond, mais qu’elle est elle-même cette réalité, et donc que nous percevons Dieu. 1° Nam idea toù esse simpliciler pereipitur ; atqui quidquid percipitur habet esse, siquidem nihilum percipi non possit ; ergo idea toû esse simpliciter habet esse… 3° Idea toû esse simpliciler est idea tou esse vel entis a se ; atqui ens a se est ens realissimum ; ens vero realissimum ex ipsa ratione sua subjectiva cvincitur necessario aclu existere ; ergo idea toû esse simpliciter est objective et independenter a mente nosira realis et necessario aclu existens. P. 204-205. — Rothenflue peut maintenant formuler cette proposition : Deus implicite per ideam tou esse simpliciter, immédiate a ratione perceptus, est norma primœva omnis cognilionis objectiva, p. 205 ; et par principe objectif de toute connaissance, il faut entendre quod per se ipsum immédiate noscitur et intelligitur et per quod solum cselera omnia cognoscuntur et intelliguntur. P. 21 2. Et Dieu n’est pas seulement le principe objectif de toute connaissance, mais le principe objectif de toute certitude, c’est-àdire illud quo non percepto jiec ullum molivum nec ulla motivorum cum veritate connexio cognosci et intelligi potest. P. 214.

Rothenflue se réfère à l’autorité de Clément d’Alexandrie, Minucius Félix, saint Anselme, Fénelon, Philibert, de Bonald et Staudenmaier. P. 210. — Fabre, Réponse, p. 184, nous apprend que « lorsque les jésuites ont ouvert des collèges en France, en 1850, ils y ont introduit les Institutiones du P. Rothenflue. »

v. en Amérique. — L’ontologisme est représenté en Amérique par Brownson, protestant converti au catholicisme, dont Bonnetty reproduit les déclarations dans les Annales de phil. chrét., juin 1862, p. 431-464, juillet, p. 7-24, et août, p. 139-150. Il en veut à la logique d’Aristote, parce qu’elle est essentiellement intermédiariste et que, par là, elle crée entre le mundus logicus et le mundus physicus un abîme que rien ne peut combler. P. 448. Et la philosophie thomiste, — si tant est qu’on puisse parler de philosophie thomiste, p. 440, — héritière de l’aristotélicienne, s’en montre tout aussi incapable. P. 139. Sans intuition immédiate de la réalité intelligible, on n’arrivera jamais à prouver qu’au monde idéal corresponde un monde réel : « les conceptions où il n’y a pas d’objet intuitivement appréhendé sont vides, de pures formes de pensée, dans lesquelles rien d’existant a parte rei n’est pensé. » P. 147. Brownson se rallie à l’ontologisme et particulièrement à celui de Louvain : « Dieu a/firme sa propre existence à la raison intuitivement dans l’acte de sa création, en sorte que Dieu est toujours présent à la raison comme l’idéal… Nous connaissons intuitivement ce qu’est Dieu, mais nous ne pouvons dire’ce qu’est Dieu que par réflexion, par l’intermédiaire du langage instrument de réflexion ou, si vous aimez mieux, d’instruction et de développement social. » P. 9, cf. p. 22-23.

IV. Étude plus détaillée des systèmes de Gioberti et de Hugonin. — Pour préparer les voies à la 'critique de l’ontologisme, il a semblé bon de décrire ici d’une manière un peu plus détaillée les systèmes de deux ontologistes de marque. On verra mieux ainsi l’enchaînement de leurs idées, les postulats et les preuves sur lesquels reposent leurs systèmes et, par le fait même, la solidité ou la faiblisse de leurs constructions.

I. gioberti.

1° L’Idée. — « L’objet primaire et

principal de la philosophie est l’Idée, terme immédiat de l’intuition mentale. Ce mot, que Platon a consacré dans la langue philosophique de tous les pays civilisés de l’Europe, je le prends dans un sens analogue au sens platonicien, et je l’emploie pour désigner, non pas un concept qui soit nôtre, ni toute autre

chose ou propriété créée, mais la vérité absolue et éternelle, en tant qu’elle apparaît à l’intuition de l’homme. » Introduction à l'étude de la philosophie, trad. Tourneur-Défourny, t. i, Paris, 1847, p. 252.

Qu’on ne se trompe pas sur ce terme de « vérité » ; puisqu’il ne s’agit pas d’un concept, ni de toute autre chose ou propriété créée, il ne peut donc s’agir que de Dieu, l'Être absolu et éternel. Adversaire du psychologisme et de l’intermédiarisme, disciple fidèle de Malebranche, Gioberti fait de l’idée, qui est bien en effet, en saine psychologie, le « terme immédiat de l’intuition mentale », non un concept, une réalité mentale, mais une réalité extramentale, l’objet même de la connaissance. L’idée de Dieu, c’est Dieu présent à notre intelligence et vu par elle. « Sous le nom d’Idée j’entends l’objet de la connaissance rationnelle pris en lui-même ; toutefois à la notion de cet objet pris en lui-même, il faut ajouter celle d’une relation entre lui et notre connaissance. » P. 253.

L’intuition.

 Mais quelles preuves donnerat-on de l’existence de cette intuition, c’est-à-dire de

l’identification de l’idée et de l’objet ? Aucune, sinon que cette intuition est nécessaire si l’on veut éviter le scepticisme ou le subjectivisme. Cela est répété à satiété au cours de l’ouvrage : « Si l’esprit n’appréhende pas immédiatement l’objet, jamais il ne pourra avoir la certitude logique de sa réalité. » P. 358. « Hors de l’ontologisme, la science est incompétente à appuyer la vérité et la vertu, la certitude et le devoir, sur des bases inébranlables. » P. 363. « Si l’ordre primitif de l’esprit, aussi bien en logique qu’en psychologie, ne s’identifie pas en substance avec l’ordre ontologique, le scepticisme absolu devient fatal et inévitable. » T. ii, p. 254. « La perception que nous avons de la divinité correspond exactement à la perception admise par l'école écossaise à l'égard des corps, et elle sauve du scepticisme le système des idées représentatives, en lui donnant pour base la connaissance immédiate de l'Être, dans lequel se trouve contenu l’archétype de toutes choses. » P. 361. « La question consiste à savoir si l’objet immédiat de l’intuition rationnelle, quelle que soit d’ailleurs l’imperfection de cette intuition, est Dieu ou une chose distincte de Dieu… Si ce n’est pas Dieu, si c’est une chose créée, contingente, finie, le scepticisme et le nihilisme sont inévitables. » P. 410.

On vient d’entendre rappeller le souvenir de l'école écossaise ; Gioberti y revient plusieurs fois pour montrer que son perceptionnisme n’est qu’une extension de celui de Beid : « La théorie de la perception, telle qu’elle est donnée par l'école d’Edimbourg, contient le germe de l’ontologisme. En effet, si la perception des sens se fait par l’appréhension immédiate de l’objet, et si l’objet perçu se trouve, même en tant que perçu, hors de notre âme, qui ne voit qu’il faut en dire autant de la connaissance rationnelle, et, en conséquence, de l’Idée, son terme immédiat ? De la perception de Beid à la vision de Malebranche et de saint Augustin, il n’y a qu’un pas. » T. i, p. 357 ; cf. t. ii, p. 43. On ne pouvait donner de meilleure arme aux adversaires de l’ontologisme que de l’assimiler au perceptionnisme de l'école écossaise.

Cette intuition primitive, principe et fondement de toute notre connaissance rationnelle, est-elle consciente ou inconsciente ? Question fort embarrassante pour l’ontologisme, à laquelle il ne semble pas que Gioberti ait répondu clairement. Si vous la dites consciente, comment se fait-il qu’on la nie ? Si vous la laites inconsciente, comment pouvez-vous l’affirmer et de quoi peut-elle vous servir ? Gioberti s’en tire en prétendant qu’en effet l’intuition est consciente, mais qu’il est peu d’esprits doués du « sens ontologique », c’est-à-dire capables de « soumettre impérieusement