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ONTOLOGISME. EN ITALIE


l’avoir renfermée dans des bornes plus sages et plus conformes aux faits de conscience et aux idées qui lui servent de base. » P. 460.

1° Le comte Terenzio Mamiani délia Rovere, une fois rallié à l’ontologisme, lui a donné une forme particulière, qui n’est ni celle de Rosmini, ni celle de Gioberti. Il l’a exposée surtout dans ses Dialoghi di scicnza prima, Paris, 1846, et dans ses Confessioni di un melafisico, 2 vol., Florence, 1865. Sur les autres ouvrages de Mamiani, voir Werner, op. cit., p. 281. « Pour résumer en peu de mots l’idéalisme de Mamiani, disons qu’il admet et démontre l’intuition directe de la présence ou de la réalité de l’absolu en s’appuyant sur les caractères de la vérité idéale ; qu’il admet et s’clïorce de démontrer que la connaissance de toute vérité, outre qu’elle est accompagnée de cette intuition, a lieu avec l’intermédiaire d’une représentation et avec un rapport médiat à un objet divin correspondant. Ajoutons enfin que cette différence entre la connaissance de tout idéal et l’intuition de l’absolu dépend de ce que l’idée est déterminée par le phénomène et se rapporte à l’absolu par l’intermédiaire de cette détermination, tandis que l’absolu est le fondement unique, transcendant et insondable de l’idée. » Ferri, t. ii, p. 52. Voilà qui n’est pas commode à comprendre. Peut-être la chose s’éclaircirait-elle si nous disions que Mamiani, à l’opposé de Malebranche, admettrait que nous voyons Dieu dans les idées et non les idées en Dieu, et qu’il paraît se rapprocher de Cousin, pour qui nous voyons Dieu sous l’aspect de la vérité.

Les idées sont doublement représentatives : elles représentent ad extra les choses sensibles, ad intra l’absolu, Ferri, p. 44 ; et ceci par leurs caractères d’unité, d’universalité, de nécessité, d’immutabilité et, qu’on nous passe le mot, d’indéfînité : « dans tout élément idéal est donc l’indéfini ; or l’indéfini suppose l’infini ou l’absolu ; l’infini seul est la condition de ce qu’il y a d’indéfini et d’inépuisable dans les idées. Les idées se rapportent donc à l’infini, et partant leur forme objective spéciale ou la représentation contenue dans chacune d’elles se rattache à l’absolu. » Ibid. En somme nous dirions plus simplement que les idées révèlent Dieu, sont une « manifestation divine », p. 52. « Mais représentent-elles tout l’absolu ou une détermination de l’absolu ? Elles représentent une détermination de l’absolu, et cette détermination consiste en un mode de l’activité divine, raison suffisante de la représentation idéale. Cependant chacune d’elles comprend l’idée de l’absolu, chacune est donc liée à l’absolu par l’intermédiaire d’une représentation particulière. De sorte qu’enfin l’intcllection n’est autre chose que l’intuition ou la vision de l’absolu réellement existant, sous la condition d’une représentation donnée. » Ibid.

Mais cette vision de l’absolu dans les idées, « le rapport qui s’établit entre l’intelligence et l’idéal par les idées ou la représentation intellectuelle, n’est pas une perception ; c’est un rapport sui generis et non réductible à un autre. Cependant nos intellections surpassent toutes, en quelque façon, la représentation idéale ; elles ne sont pas bornées à ce terme intermédiaire, mais elles s’arrêtent pour ainsi dire à la surface de l’être absolu. » P. 53. « Il s’ensuit que cette doctrine est un idéalisme ontologique beaucoup plus tempéré que celui de Gioberti, et en même temps supérieur quant à son principe à celui de Rosmini. Il accepte de Gioberti l’intuition de la présence réelle de l’absolu et l’inséparabilité du réel et de l’idéal : mais il limite beaucoup plus que sa théorie ne le fait la connaissance directe de l’absolu. Car il entend avoir prouvé que la vision idéale n’est pas une perception, et qu’elle est encore moins la perception de Dieu

créateur et de l’acte par lequel il crée… D’un autre côté, la connaissance directe d’un idéal qui n’est pas simplement possible, mais existe en soi, et demeure inséparable de la réalité, donne à cette forme nouvelle rie l’idéalisme une valeur supérieure à celle qu’il peut avoir dans la philosophie de Rosmini. » P. 54. Sur Mamiani, voir Werner, p. 277-381 : Debrit, Histoire des doctrines philosophiques dans l’Italie contemporaine, Paris, 1859. p. 97-175.

Parmi les philosophes italiens qui se rattachent plus ou moins à l’idéalisme de Mamiani et collaborèrent à sa revue La filosofia délie scuole italiane, Werner cite particulièrement L. Ferri, l’auteur rie l’Essai sur l’histoire de la philosophie en Italie au dix-neuvième siècle, p. 387 et sq. ; Bonatelli, p. 399 et sq. et Bertinaria, p. 106 et sq. Fr. Lavorino, l’un des deux auteurs de l’Enciclop. scientif., à laquelle renvoie le Postulatum des cardinaux Sforza et Pecci, cf. Annales de phil. chrét., novembre 1873, p. 333, fut aussi un collaborateur de la revue de Mamiani, cf. Werner, p. 382 ; Ferri mentionne de lui un opuscule Sur les confessions d’un métaphysicien de T. Mamiani, Florence, 1868 ; cf. t. ii, p. 376.

5° Indépendamment des trois grandes écoles ontologistes de Rosmini, Gioberti et Mamiani, on trouve encore cités parmi les ontologistes italiens les noms des PP. Francesco et Gætano Milone, barnabites, de l’abbé (ex-Père) Passaglia, du P. de Rignano, mineur observantin, qui devint évêque de Potenza et Marsica, du « célèbre prêtre » D. Pierre Séni, du P. Vercellone, barnabite, enfin d’un certain Michel Tuddone, pseudonyme « d’un savant ontologiste bien connu en Italie ». Zigliara, op. cit., t. iii, p. 74, note.

Le P. Fr. Milone fit un grand éloge de la Discussion amicale de Jean Sans-Fiel, dans les articles qu’il publia dans la Bivisla universale, décembre 1866, janvier et avril 1867, sous le titre : Sopra un accusa conlro l’onlologismo nelle scuole cattoliche. Zigliara, t. ii, p. 214.

Le P. Gætano Milone, « savant ontologiste », Zigliara, t. iii, p. 433, dans une lettre du 17 novembre 1850, proposait à Bonnetty une discussion publique sur la vision idéale, ce système qui « place l’objet de l’intelligence humaine dans l’idée divine », système qui lui paraît être celui de saint Augustin, de saint Anselme, de saint Bonaventure et de Sigismond Gerdil ; cf. Annales de phil. chrét., janvier 1853, p. 55. Il se propose de démontrer en un tournemain que la seule de toutes les hypothèses qui soit admissible en ce qui concerne le sujet où résident les idées, l’intelligible, est celle qui les place en Dieu ; il est « de plus en plus convaincu de la raison profonde qui nous oblige de convenir avec le cardinal Gerdil que le système de la vision idéale peut être regardé comme démontré selon toute la rigueur de la science. » Ibid., p. 57. Il a publié La scuola di fdosofia razionale intitoluta a S. Agoslino, 2e édition, Naples, 1861, où il développe son système, qu’il croit être celui de saint Augustin ; Zigliara en reproduit plusieurs pages, t. iii, p. 433-435, p. 442-444. Le principe essentiel du système est la distinction du sensible et de l’intelligible : le sensible embrasse les faits, c’est-à-dire le créé, toute nature créée, parce que toute nature créée est l’objet ou du sentiment qui est sens, ou du sentiment qui est conscience ; l’intelligible n’est pas une chose créée, il exprime tout ce que nous connaissons de Dieu et de la vérité (qui est Dieu) et de ses prérogatives de toute espèce. Dès lors que l’intelligible est incréé, qu’il est la vérité, qu’il est Dieu et que notre esprit voit l’intelligible, il voit Dieu immédiatement. On cite encore du P. G..Milone des Avverlenze pe’giovani sul modo di sludiaree di comporre in filosofia, Naples, 1862 ; cf. J. Sans-Fiel, Discussion, p. 115, note.