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franciscaine, que les mwiistres et les docteurs de l’ordre appelés par Nicolas III à délibérer sur la décrétale Exiil qui seminat eurent très probablement sous les yeux. Mais au chapitre général de Strasbourg (1282), les accusations reprirent de plus belle et, cette fois, on confia l’examen des écrits d’Olieu à sept docteurs et bacheliers de Paris, parmi lesquels on remarquait Arlotto de Prato, Richard de Middletown et Jean de Murro.

A la suite de cet examen, ceux-ci remirent au ministre général une lettre munie de leurs sceaux contenant, soi-disant en opposition aux erreurs attribuées à Olieu, 22 propositions orthodoxes auxquelles celui-ci devrait donner adhésion pleine et entière. Outre cette lettre, dite des sept sceaux, ils rédigèrent un Mémoire ou Rotulus qui frappait de censure 34 thèses extraites de ses Questions. De plus, les examinateurs demandèrent que la lecture de ses écrits fût sévèrement défendue. A cette condamnation, faite sans qu’il lui eut été permis de s’expliquer, Olieu répondit avec autant de fermeté que de prudence. Requis par le délégué du ministre général qui l’avait convoqué au couvent d’Avignon (automne 1283), il signa la « Lettre des sept sceaux », tout en distinguant, parmi les propositions qui lui étaient soumises, celles qui étaient de foi et demandaient une adhésion absolue, celles qui contredisaient certaines de ses thèses mal comprises, et enfin celles qui, étant purement philosophiques, ne touchaient en rien au dogme et vis-à-vis desquelles Olieu professait un détachement absolu. Au Rotulus qui censurait 34 de ses thèses, il répondit par un long Mémoire justificatif daté de Nîmes, 1285. Il y déclara que seules les décisions doctrinales du souverain pontife doivent être admises avec une soumission sans réserve ; les jugements prononcés en matière de foi par des docteurs privés, comme celui des maîtres de Paris, ne peuvent prétendre à d’autre adhésion qu’à celle qui découle de l’évidence même des preuves alléguées. Sans nier que des inexactitudes pussent s’être glissées dans certaines Questions, il s’efforça de les rectifier par le contexte et, tout en faisant une rétractation conditionnelle des thèses censurées, il affirma le sens orthodoxe dans lequel il les avait enseignées.

Ces attaques avaient ému ses disciples qui, vers la même époque, le prièrent, par l’entremise de Raymond Gaudredi, de s’expliquer sur ceux des articles condamnés qui semblaient s’éloigner davantage de l’enseignement scolastique traditionnel. Olieu leur répondit par une longue lettre d’allure spirituelle, dans laquelle il se justifia de son mieux de dix-neuf propositions erronées que lui attribuaient ses adversaires. Au reste, il faut bien avouer que ceux-ci exagéraient quelque peu, quand on songe que, sur trente-quatre articles dénoncés, le concile de Vienne en retint seulement trois. Mais, si les explications du théologien provençal étaient admises sans réserve par ses admirateurs, le parti de la communauté au contraire, exaspéré par son succès croissant, n’y voyait que fauxfuyants et sophismes. Le ministre de Provence lui-même, Arnaud de Roccafolio, prit l’initiative d’une nouvelle dénonciation, signée par lui et par trente-cinq confrères, et remise en 1285 au chapitre général de Milan. Olieu y était traité de chef d’une socle superstitieuse qui semait la division et l’erreur. Cette démarche ne resta pas sans succès : en effet, le chapitre, où Arlotto de Prato, l’un des sept censeurs d’Olieu, fut élu général, ordonna aux provinciaux de retirer de la circulation tous les écrits de ce dernier, et défendit aux religieux de s’en servir jusqu’à ce que le ministre général en eût décidé autrement. Celui-ci comptait bien poursuivre le procès ouvert contre Olieu, qui déjà avait été cité à comparaître

à Paris ; mais la mort prématurée du général vint, une fois de plus, ajourner la sentence définitive.

Au chapitre général de Montpellier (1287), Olieu connut une éclatante revanche : devant toute l’assemblée, le ministre général nouvellement élu, Mathieu d’Acquasparta, approuva sans réserve tant sa doctrine théologique que son opinion en matière de pauvreté. De plus, voulant montrer toute la confiance que son enseignement lui inspirait, il le nomma lecteur de théologie au Studiam franciscain de Santa-Croce à Florence. Olieu y compta parmi ses disciples Ubertin de Casale, qui se fera son éloquent défenseur au concile de Vienne. Deux ans plus tard (1289), il fut promu à la chaire de théologie du Studium générale de Montpellier, où son séjour ralluma la querelle entre spirituels et modérés au sujet de l’observance de la pauvreté. Appelé à s’expliquer sur ce thème brûlant au chapitre général de Paris (1292), il le fit de façon à contenter tout le monde, en se retranchant derrière la décrétale Exiit qui seminat de Nicolas III. Pleinement justifié, il se retira au couvent de Narbonne, d’où il continua à exercer une profonde influence sur les milieux joachimites épris de rénovation religieuse, qui, trop facilement et contre son gré, traduisaient en applications pratiques ^es considérations impersonnelles sur la décadence de l’Église. Aussi, lors de la révolte des spirituels d’Italie contre Roniface VIII, il condamna leur attitude en termes énergiques, dans une lettre au bienheureux Conrad d’Offida (14 septembre 1295). La même année, les trois fils dp Charles II de Naples, Louis (le futur saint Louis de Toulouse), Robert et Raymond Rérenger, retenus comme otages en Catalogne, l’invitèrent à plusieurs reprises auprès d’eux, afin qu’il pût les réconforter dans leur épreuve. S’il ne put accéder à leur désir, il leur envoya du moins une longue lettre dans laquelle il leur exposa en s’appuyant surtout sur saint Paul, la nécessité et le sens surnaturel de la souffrance (18 mai 1295).

Peu après, le 14 mars 1298, la mort l’enlevait en pleine maturité. La déclaration qu’il fit après avoir reçu l’extrême-onction, commence par une suprême mise au point de son enseignement sur l’observance de la règle franciscaine, et finit en profession illimitée de foi catholique. Durant une vingtaine d’années, ses partisans purent à loisir le vénérer comme un saint. Au témoignage d’Ange Clareno, la foule qui, le 14 mars 1313, se porta à son tombeau, ne pouvait se comparer qu’à celle qui annuellement se voyait au jour de la Portioncule. Mais Jean XXII ayant retiré aux spirituels les couvents de Narbonne et de Réziers (1318), les frères de la communauté eurent vite fait de mettre fin à son culte : ils détruisirent son tombeau et dispersèrent ses cendres. Ses écrits n’eurent pas un sort meilleur : les ministres généraux Jean de Murro et Gonzalve de Valboa les livrèrent au feu et punirent avec la dernière rigueur les religieux coupables d’en détenir. Ce n’est que vers la fin du xiv «  siècle, lorsque les ardentes polémiques engagées autour de sa doctrine se seront éteintes, qu’un traitement plus équitable sera fait à son œuvre et à sa mémoire.

[I.ÉCRITSET doctrine. — Les écrits de Pierre-Jean Olieu relèvent de la scolastique, de l’exégèse et de l’histoire franciscaine.

1° Au sujet de ses e’cn7s scolastiques, on ignore jusqu’ici s’il a composé une Somme complète, philosophique et théologique, à moins d’entendre par là son Commentaire des quatre livres des Sentences. De ce Commentaire le P. B. Jansen, S. J., a publié récemment, d’après le ms. Valic. lat. 1116, IIS Qiuvstiones in secundum Librum Sententiarum (3 vol., Quaracchi, 1922-1920). Olieu écrivit en outre des Quodlibeta,