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OLIER. DOCTRINE SPIRITUELLE

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selon la fidélité aux inclinations de l’Esprit. De lu la nécessité de la mortification.

En parlant de la malignité de la chair, de la corruption de la nature déchue, M.. Olier emploie parfois des expressions qui, prises à la rigueur de la lettre, paraissent trop absolues, trop pessimistes. Il est vrai qu’elles sont dans le ton d’un bon nombre de saints auteurs de son temps, par réaction sans doute contre les excès de l’humanisme de la Renaissance. Le cardinal Bona, saint Vincent de Paul, saint Jean Eudes ont des expressions semblables. Il en est de même des auteurs mystiques des temps antérieurs. Cf. Icard, Doctrine de M. Olier, c. v, et P. Faber, Progrès de l'âme, c. xx, note. Les auteurs mystiques n’ont pas toujours sur cette question la rigueur et la précision de termes des théologiens : c’est que, se plaçant au point de vue, non uniquement du péché proprement dit, mais de la perfection, la simple imperfection leur paraît, comme aux saints, une énormité en face de la sainteté infinie de Dieu.

/ 'nion, adhérence à Jésus-Christ. — Le renoncement, la mortification ne sont pas le but : ce n’est guère qu’un moyen pour écarter les obstacles à la vraie vie. Il faut dépouiller le vieil homme pour revêtir le nouveau qui est Jésus-Christ. Cette doctrine de l’apôtre est fortement commentée dans le Catéchisme chrétien, V Introduction ù la vie et aux vertus etc., « Quand nous nous dépouillons de nous-mêmes, nous sommes revêtus de Jésus-Christ par une consécration totale à Dieu, car dans le moment où la sainte humanité était anéantie en sa propre personne, on lui donnait la plénitude de la divinité, et une capacité infinie pour recevoir les opérations de l’Esprit. » Pensées choisies, p. 40. Revêtir Jésus-Christ, c’est lui être conforme, c’est reproduire en nous les dispositions de Jésus-Christ, participer aux mystères de sa vie.

Participation aux mystères du Christ. — Ces mystères sont les événements principaux de la vie du Christ comme son incarnation, son enfance, sa passion, sa mort, sa sépulture, sa résurrection, son ascension. Toutes les actions principales de la vie de NotreSeigneur sont des mystères. Mais M. Olier, dans son Catéchisme pour la vie intérieure, s’arrête à ceux que nous venons d'énumérer, sauf l’enfance dont il parle dans ses lettres. Dans ses Mémoires, il mentionne le mystère de la présentation de Notre-Seigneur au temple, uni à celui de la purification de la sainte "Vierge. Ces mystères extérieurs sont « des symboles efficaces de la vie chrétienne », « comme des sacrements des mystères intérieurs qu’il opère dans les âmes ». « Comme Notre-Seigneur a été crucifié extérieurement, il faut que nous le soyons intérieurement. Comme il a été mort extérieurement, il faut que nous le soyons intérieurement, etc. » Et cette vie intérieure exprimée par les mystères extérieurs et les grâces acquises par ces mêmes mystères doivent être en tous, puisqu’elles ont été méritées pour tous.

Comme on le voit, c’est bien la doctrine même de saint Paul. Avec lui il va plus avant encore. Nous devons aussi être conformes à Vintérieur de JésusChrist en ses mystères, en sorte que nos âmes soient rendues conformes aux états, c’est-à-dire aux dispositions et sentiments intérieurs que Notre-Seigneur avait dans ces mêmes mystères. C’est là proprement la vie chrétienne. Le chrétien doit vivre intérieurement par l’opération de l’Esprit en la manière que JésusChrist vivait. Introduction à la vie et aux vertus, c. n et m.

Le serviteur de Dieu se plaît à exposer l’effet, la grâce de chacun de ces mystères. Dans le mystère de l’incarnation, mystère d’anéantissement de l’humanité en sa propre personne, appartenant à la

personne du Fils de Dieu, cette humanité est totalement consacrée à Dieu. Ainsi le mystère de l’incarnation doit opérer en nous un entier dépouillement et renoncement à tout nous-mênie, et de plus une consécration totale à Dieu. Par ce mystère d’anéantissement devant l’infinie majesté de Dieu, le Christ est le seul vrai et parfait adorateur de Dieu, le religieux de Dieu ; il nous fait participer à cet état d’adoration. L’adoration, la religion, étant le principal devoir du prêtre, c’est dans son Traité des saints ordres et dans l’Explication des cérémonies de la messe de paroisse que M. Olier se complaît à développer cette doctrine. Le même sentiment lui a inspiré l’admirable prière « pour le saint office » dans la l re partie de la Journée chrétienne et la merveilleuse lettre où il explique la signification du chant de l'Église. Lettres de J. J. Olier, t. ii, 1885, p. 587-589. Voir aussi la belle prière en l’honneur de la Sainte Trinité, qui est donnée comme prière du matin dans la Journée chrétienne.

Le second mystère est celui de Venfance du Christ, passé sous silence dans le Catéchisme chrétien, mais exposé dans les lettres exiv, cxv, ccclxxii (édit. 1885). Ces lettres ont été écrites à la suite de l’union spirituelle, formée par la dévotion à l’Enfant Jésus, entre Marguerite du Saint-Sacrement, carmélite de Beaune, et le serviteur de Dieu. C’est alors qu’il manifesta une plus grande application à ce mystère. Aussi dans son Pietas seminarii il en fait une des dévotions de son séminaire. Les grâces de ce mystère sont : l’innocence, la pureté, la simplicité, l’obéissance. Un des disciples de M. Olier, Jean Blanlo, a exposé la doctrine de l’enfance chrétienne dans un petit volume devenu classique sur la matière, intitulé : L’enfance chrétienne qui est une participation de l’esprit et de la grâce du divin Enfant Jésus, Verbe incarné, opuscule plein d’onction et d’un fort bon style, très fréquemment et actuellement encore réédité.

Les mystères de mort. — Les mystères du crucifiement de la mort et de la sépulture du Christ expriment les degrés de l’immolation totale par lequelle nous devons crucifier le vieil homme, nous efforcer de le faire mourir et de l’ensevelir. Le serviteur de Dieu n’eut qu'à suivre les enseignements et les expressions mêmes de saint Paul sur ces mystères de Jésus-Christ. Nous sommes crucifiés avec lui (confixus, Gal., ii, 19), morts avec lui (commortui, II Tim., ii, 11), ensevelis avec lui (consepulti, Rom., vi, 4 ; Col., ii, 12). Les mystères du crucifiement, de la mort, et de la sépulture du Christ, en nous donnant cet enseignement nous communiquent la grâce pour les réaliser en nous. Catéchisme chrétien, part. I, leçon xxi ; Pensées choisies, p. 47-48.

Mystères de vie. — Les mystères de la résurrection et de l’ascension expriment le détachement parfait des créatures dans la vie nouvelle et toute céleste que nous devons mener à la suite du Christ. Nous sommes vivifiés et ressuscites avec lui (convivificavit, conresuscitavit, Eph., ii, 5 ; Col., ii, 13), glorifiés avec lui, assis avec lui dans le ciel et régnant avec lui (conglorificemur, consedere fecit, conregnabimus, Rom., viii, 17 ; Eph., ii, 6 ; II Tim., ii, 12). L’ascension complète l'état de la résurrection et le fixe.

Pour honorer non seulement ces mystères du Christ mais aussi tous ses états et dispositions intérieures, le P. de Bérulle avait institué la fête de la Solennité de Jésus. A Saint-Sulpice cette fête fut appelée la fêle de la vie intérieure de Notre-Seigneur. « Cette vie intérieure de Jésus-Christ, dit M. Olier, consiste dans ses dispositions et sentiments intérieurs envers toutes choses, par exemple dans sa religion envers Dieu, dans son amour pour le prochain, dans son anéantissement par rapport à soi-même, dans son horreur pour le péché et dans sa condamnation du