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ODON DE CAMBRAI


moins fantaisistes qui, au cours des âges précédents, avaient trouvé dans la liturgie un décalque de la passion. D’une magnifique sobriété, cette exposition est en même temps du plus haut intérêt pour l’histoire des dogmes de la présence réelle, de la transsubstantiation fsacrifieium muiatur In <ili<tm substantiam), du sacrifice.

2° Non moins curieux, mais dans un genre tout différent, sont les trois livres sur le péché originel, De peccato originali libri 1res, où se révèle avec une parfaite netteté l’application de la méthode dialectique à l’étude du dogme. En deux mots est posée l’existence de celui-ci : le péché d’Adam se transmet à tous ses descendants, l’autorité de l’Église nous en tient assurés. Au théologien maintenant de résoudre, si possible, les problèmes que soulève cette affirmation. De tous ceux qui pourraient se poser, Odon n’en étudiera qu’un : celui de la transmission du péché d’origine à tous les fils d’Adam. Et ce problème il le creuse moins à la lumière des renseignements fournis par l’histoire qu’à celle de la dialectique. Il ne peut faire autrement sans doute que de signaler les diverses solutions proposées, mais c’est en tant que solutions théoriques, non en tant qu’opinions historiques. Le traducianisme, qui fait dériver l’âme de l’enfant de celles des parents est rejeté par lui au nom de la logique. Le créatianisme, d’autre part, se heurte à cette difficulté considérable qu’il semble faire de Dieu l’auteur du péché : Dieu crée une âme souillée par la faute originelle. C’est à chercher la réponse à cette objection que s’emploie surtout notre auteur, et il arrive d’abord à poser une formule qui se ramène finalement à celle des théologiens postérieurs : le péché originel est moins une réalité qu’une privation, privatio fustitiæ debitæ. Reste à expliquer sa transmission ; la chose apparaît facile à notre auteur qui part des principes du réalisme absolu. Suivant cette doctrine philosophique, qu’il appelle doclrina orthodoxorum (par opposition au nominalisme qu’il qualifierait volontiers d’hérésie, comme le faisait son contemporain Anselme de Cantorbéry), « l’universel » est une véritable réalité qui existe tout entière dans chacun des individus de la même catégorie. Quand Adam seul existait, la nature humaine était tout entière en lui : c’est la même nature avec seulement des accidents individuels en plus, qui se dilate lors de la création d’Eve. La faute des premiers parents en qui se trouve alors rassemblée toute la nature humaine atteint donc cette nature elle-même et, quand cette nature se dilatera à nouveau, au furet à mesure des diverses naissances humaines, elle ne pourra être que souillée. Ainsi telle âme nouvelle (celle de Caïn ou d’AbeL, par exemple), est en même temps nouvelle et ne l’est pas : nouvelle quant à la personne, ancienne quant à l’espèce (et à la substance) ; nouvelle par ses propriétés personnelles, ancienne par ses propriétés communes ; on peut dire qu’elle est créée et qu’elle ne l’est pas. Voir tout le développement du t. III, Quod anima cujusque hominis fieri nequit. nisi humanse naturæ, P. L., t. clx, col. 1090-1091 et spécialement les passages suivants : Facit ergo Deus animam novam quæ naturam non habet novam. Est ergo eadem natnra noua et non noua. In persona nova est, in specie noua non est. Nova est proprietate personali, non nova proprietate communi. Creatur a Deo de exstanlibus (remarquer le nouveau problème soulevé par ce mot) vel de nihilo anima nova personaliter ejus naturæ quæ fuit ab Adam universaliter…. Creatur igitur non humana anima sed individua anima. Individua anima creatur. quia prius non erat, humana anima non creatur, quia prius erat et in aliis personis erat…. Dat Deus existenti animæ proprietatem novum et facit novam personam, species subsislit, datur a Deo proprietas et fil nova persona. A la vérité Odon se rend bien compte

de ce que l’opinion qu’il présente a de hasardeux : Vix audemus (le texte de P. /, . lit aifdtmus) dicere in creatione animarum Deum non creare substantiam sed proprietatem solam, ne deroç/arc videamur omnipotentiæ sitmm ; c si sola accidentia dicuatw in personis et non subStanticu ereart (P. L. : creare). Nous laissons au lecteur, continue-t-il, le soin d’apprécier, mais telle est la façon dont les orthodoxes (lisez les « réaux) expliquent que tous les hommes ont péché en Adam, bien que les âmes ne naissent pas par transmission, quamvis animæ non fiant de trad.ce.

3° La Disputatio contra Judwum de advenlu Christi Filii Dei, pour être moins originale que le traité précédent, « est néanmoins dans le même goût, tout s’y passe en raisonnements sans recours à l’autorité », (Ceillier). C’est en somme une théorie de la rédemption (celle-ci étant considérée avant tout comme un sacrifice ) et de son application.

4° Le petit traité De blasphemia in Spiritum Sanction étudie, toujours du même point de vue, la question si ardue du péché contre le Saint-Esprit qui ne peut être remis ni en ce monde ni en l’autre. Des considérations d’ordre exclusivement dialectique (voir le curieux tableau inspiré par celui de « l’opposition des propositions » (amènent au résultat suivant : « Le blasphème contre l’Esprit c’est l’impénitence finale. » Un peu d’exégèse ferait peut-être mieux l’affaire, et l’on se demande avec quelque anxiété où peut mener tout cet appareil syllogistique. Dans l’enthousiasme de la découverte, ni Odon, ni ses contemporains ne se sont rendu compte des limites auxquelles devait s’arrêter l’emploi exclusif de la dialectique.

5° Odon ne négligeait pas cependant l’étude de l’Écriture, il a pris soin de faire adapter à sa bible latine, en les modifiant quelque peu, les tables ou canons qu’Eusèbe de Césarée avait faits pour trouver commodément le rapport qu’il y a entre les évangélistes, les passages où tous quatre vont de front, ceux où trois, deux sont d’accord, ceux où chaque évangéliste va seul son chemin. — On a publié, sous son nom, une homélie sur le Villicus iniquitalis (une forme brève, une forme longue, dont les rapports ne sont pas établis) ; l’explication de la parabole se meut tout entière dans le domaine de l’allégorie poursuivie jusque dans les plus petits détails, et ceci encore est caractéristique de l’époque. Trithème parle de plusieurs homélies composées par Odon ; si elles subsistent elles n’ont pas été identifiées. Il ne s’est conservé que de maigres débris de la correspondance de l’évêque de Cambrai. D’ailleurs une investigation dans les mss. pourrait bien faire découvrir d’autres œuvres d’Odon.

Textes.

L’Expositio in canonem a été imprimée

de bonne heure, voir Hain, Reperlor., t. iii, n. Il 959-11 963, et Copinger, Suppl. to Hain, t. i, n. Il 959-11 963 ; t. Il a, n. 4456 et 4457 ; ce travail est passé dans la Bibliotheca Patrum de Marguerin de la Bigne ; les autres œuvres ont fini par le rejoindre dans les éditions suivantes, Maxima bibl. vel. Patrum de Lyon, t. xxi, p. 221-251 ; la P. L., t. clx, col. 1053-1160, y ajoute VHomilia de villico iniquitalis, sous la forme longue qu’avaient publiée Martène et Durand, Anecdota, t. v, p. 853 sq., et quelques diplômes d’après Miræus.

Sources.

La vie d’Odon est connue par deux récits

contemporains : 1. Hérimann, Liber de reslauratione tnonasterii Sancli-Marlini Tornacensis, surtout les premiers chapitres, dans Mon. Germ. hist., Script., t. xiv, p. 274 sq. ; 2. Amand du Chastel, prieur d’Anchin, Epistola de uila et moribus Odonis, dans P. L., t. clx, col. 1128-1132 (d’après Martène) et dans Mon. Germ. hist., Script., t. xv, p. 942945 ; 3. Notice dans les Gesta episcop. Cameracen., ibid., t. xiv, p. 210-211.

Notices et Travaux.

 Trithèmo, De script, eccles.,

n. 371 ; Fabricius, Bibl. lat. med. et inflm. a’tatis, t. v, Hambourg, 1736, p. 451 (Odo Aurelianensis) ; Foppens, Bibl. belgica, t. ii, p. 930 ; Hist. litt. de la France, t. ix,