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OCCASION, OCCASIONNAIRES


opinion, parce* que les rechutes, bien qu’elles éveillent

la défiance, ne sont pas signes certains de non-disposition actuelle. « Changeante en effet est la volonté humaine », dit saint Thomas, et il n’y a pas nécessairement connexion entre les fautes de demain et le repentir d’aujourd’hui. Que quelqu’un pèche dans la suite par action ou par intention, cela n’empêche pas que son repentir précédent ait été sincère… De même que court, celui qui ensuite s’assied ; ainsi il a pu être vraiment repentant celui qui ensuite pèche de nouveau. » Sum. Iheol., III a, q. lxxxiv, a. 10.

y) C’est pourquoi, selon une troisième opinion, considérant que celui qui souffre d’une occasion involontaire et nécessaire se trouve dans une situation analogue à celle de l’habitudinaire, le confesseur pourrait donner l’absolution toutes les fois qu’il juge son pénitent hic et nunc, bien disposé, pourvu qu’il ait un motif de ne pas la différer. C’est l’avis de saint Charles Borromée, que cite saint Alphonse de Liguori. Ibid., n. 458. Saint Charles Borromée après avoir rapproché en les distinguant occasionnaires et habitudinaires conclut : « Et parce qu’il peut arriver que le pénitent ne puisse écarter l’occasion sans péril (entendez : dommage, vie, réputation, biens) ou scandale, il doit accepter les remèdes à sa situation avec tous les moyens proposés par le confesseur. Et en ce cas il faut d’abord différer l’absolution jusqu’à ce qu’on ait obtenu des preuves d’amendement. Cependant, si delà devait s’ensuivre quelque péril d’infamie (comme il pourrait arriver si dans certaines circonstances le pénitent ne communiait pas), et si le confesseur reconnaissait en lui des signes de contrition tels que prudemment il pourrait le juger bien disposé et prêt à recevoir les remèdes nécessaires ; alors il le pourrait absoudre. » Ibid., n. 458.

Or saint Alphonse, après avoir redit (au n. 459) que l’on peut absoudre l’occasionnaire, dont nous parlons, « toutes les fois que le pénitent apporte des signes extraordinaires de douleur, ce qui enlève tout soupçon de non disposition », adoucit encore sa première opinion, cinquante lignes plus loin : « A cause de cela, toutes les fois que le pénitent apporte de vrais signes de regret et de ferme propos, il peut être absous. » (l’est en définitive à cette seule exigence que s’arrête la deuxième opinion ne réclamant que des marques ordinaires mais sérieuses de repentir. Dès lors on constate que, dans leurs aboutissants pratiques, les diverses méthodes d’agir se rencontrent, parce qu’elles sont dominées par le même principe : on peut donner l’absolution à tout pénitent, que l’on estime sagement et en toute vérité hic et nunc bien disposé.

La troisième opinion, en apparence plus bénigne que les deux autres, mais aussi prudente au regard des dispositions requises chez le pénitent, est d’ailleurs appuyée par de très solides raisons. Ses partisans invoquent le témoignage des Pères et Docteurs qui écrivirent avant que les influences rigoristes ne donnassent le ton d’une excessive sévérité, par exemple saint Jérôme (cap. Septies, dist. III, De pænit.) : « Non seulement sept fois mais soixante-dix fois sept fois au coupable, s’il se convertit par la pénitence, ses péchés seront remis ; » saint Augustin (Serm., xv, in Matt., P.L., t., xxxviii, col. 515) : « J’ose le dire, bien qu’un homme ait péché soixante-dix huit fois, pardonne, et si cent fois… à chaque fois, qu’il a péché, pardonne. Si en effet le Christ a trouvé des milliers de péchés et cependant a tout absous, ne restreins pas la miséricorde ; » etc. De même saint Thomas, Sum. theol., Ill a, q. liv, a. 10, relatant la parole de Jésus (Matth., wii i, 22) tu pardonneras « je ne dis pas sept fois, mais soixante-dix fois sept fois, « l’applique à l’absolution sacramentelle, et enseigne « que la miséricorde de Dieu surpasse tout nombre et toute grandeur du péché, et

par conséquent aux pécheurs par la pénitence donne le pardon sans limites ». Et ailleurs, Suppl., q. viii, a. 5, ad 2um, il exprime cette parole, qui devint un axiome lliéologique « Au tribunal de la pénitence on croit à l’homme parlant et pour lui et contre lui. Ce qu’il faut entendre non seulement des fautes commises, mais encore des dispositions, dont le confesseur est juge.

Les partisans de la troisième opinion en appellent aussi à l’autorité du Catéchisme romain enseignant que le confesseur peut absoudre celui chez qui il estimera trouver quelque repentir, et à celle du Rituel romain disant qu’aux récidivistes « il est très utile de conseiller la confession fréquente et, s’il y a lieu, la communion ». Ils raisonnent enfin de la manière suivante : donner l’absolution aux récidivistes… est un bien au point de vue du sacrement, puisqu’il est institué au bénéfice du pécheur. Si celui-ci donc est bien disposé, il faut le lui administrer, de peur que le sacrement ne soit inutile pour celui en faveur de qui il a été institué…. C’est un bien au point de vue du pénitent récidiviste, afin qu’il ne soit pas abandonné pendant quelque temps dans le péché, mais soit fortifié par le secours de la grâce divine : ainsi de plus en plus, il pourra éviter les rechutes… Enfin c’est un bien au point de vue du confesseur, parce que sa mission est d’absoudre le pénitent convenablement disposé et qu’en cela il imite davantage la charité de Dieu (Ainsi parle Gabriel de Varceno, cité par Mgr Haine, Theol. mor. elemenla, t. iii, p. 358).

A cette manière d’agir la multiplicité des rechutes n’oppose pas un obstacle absolu, car, dit saint Thomas : « Se repentir, c’est pleurer ses péchés passés et ne plus commettre en fait ou en intention ces actions regrettables, en même temps qu’on les déplore. Celuilà en effet est un farceur et non un pénitent qui au moment même où il se repent, accomplit ce qu’il regrette, ou se propose de recommencer ; mais de ce qu’il pécherait dans la suite par action ou par intention, cela n’empêche pas que son repentir précédent ait été sincère. » Sum. theol., III a, q. lxxxiv, art. 10. Sans doute le pape Innocent XI a condamné la proposition suivante : n. 60 « Au pénitent qui a coutume de pécher contre la loi de Dieu, de la nature ou de l’Église, bien que n’apparaisse aucune espérance de correction, on ne doit pas refuser ou différer l’absolution, pourvu que de bouche il affirme se repentir et être résolu à se corriger » D.-B., n. 1210. Cependant lorsqu’un récidiviste manifeste sincèrement les signes ordinaires de contrition, ce qui permet de le croire réellement bien disposé, il est impossible qu’à ce moment-là « n’apparaisse aucune espérance de correction ». Il appartient de plus au confesseur de faire naître en lui les dispositions nécessaires, dit le pape Léon XII, dans sa Constitution Charilale Christi (25 décembre 1825), après avoir cité le Bituel romain : « incapables d’être absous sont ceux qui ne donnent aucun signe de regret, qui ne veulent pas déposer leurs haines et leurs inimitiés, ou restituer le bien d’autrui s’ils le peuvent, ou quitter une occasion prochaine de péché ou de quelque autre manière éloigner leurs péchés et corriger en bien leur existence… »

D’ailleurs cette troisième opinion ne conseille nullement de ne pas différer l’absolution, quand on prévoit que ce délai sera profitable au récidiviste. L’emploi de ce moyen est laissé à la sagesse du confesseur. Celui-ci comme un médecin dévoué doit par ses prières, ses exhortations et ses conseils s’efforcer de préparer, comme il faut, l’âme de son pénitent, se rappelant la prudence du Christ qui « ne brisera pas le roseau cassé et n’éteindra pas la mèche, qui fume encore. » (Matth., xii, 20.)

Tout ceci, répétons-le, concerne seulement le réel-