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OCCASION, OCCASIONNAIRES

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    1. OCCASION##


OCCASION, OCCASIONNAIRES. En

théologie morale on appelle occasion toute cause extérieure de chute : objets, personnes, situations, fréquentations, démarches, etc., qui provoquent au péché. Son influence peut provenir de la nature même de cette cause, ou des dispositions psychologiques de celui qui la subit, ou encore des circonstances dans lesquelles elle s’exerce. Lorsqu’elle crée un péril prochain de péché grave, s’y exposer c’est mériter le nom

d’OCCASIONNAIRE.

I. La responsabilité.

En elle-même, l’occasion n’est pas une faute, mais une source de fautes, auxquelles indirectement consent d’avance l’imprudent, qui en connaissance du péril et en toute liberté ne se garde pas contre elle. Sa culpabilité ressortit donc aux lois générales du Volontaire indirect. Or, en ce domaine, les conditions de responsabilité se résument en trois mots : savoir, pouvoir, devoir.

Le rappel de ces conditions nous aidera à déblayer les abords du problème, qui se pose en vue de l’absolution sacramentelle à l’égard des occasionnaires.

Savoir.

 Il faut d’abord connaître que l’on se

trouve dans une telle occasion : de là deux questions préliminaires.

1. Comment agir en face d’une ignorance de bonne foi ? — Il se peut en effet que, par irréflexion, des pénitents ne se rendent pas compte qu’ils sont ou se mettent dans une occasion prochaine de péché grave. Cela arrive souvent dans les cas d’occasions interrompues et relatives : lecture de tel ou tel livre dangereux, fréquentation de certaines compagnies, assistance à des représentations théâtrales plus ou moins risquées, jeux d’argent (sources de cupidité, de vol, de blasphèmes), danses immodestes, etc. Le premier devoir du confesseur sera d’éclairer la conscience de ses pénitents.

Cependant, s’il prévoit que ses avertissements seront sans effet, ou n’auront pour conséquence que de transformer en péchés formels ce qui n’était encore que fautes matérielles, la prudence lui conseillera de temporiser jusqu’au jour où il pourra espérer que ses avis obtiendront un résultat salutaire. Il agira ainsi suivant les règles générales, qui permettent de laisser dans la bonne foi une personne victime d’ignorances Invincibles, lorsque sagement on estime que pour le moment il n’y a aucune chance de correction…, et qu’au contraire de graves inconvénients sont à craindre. Il prendra donc le temps d’instruire progressivement son pénitent, de former sa conscience et de le préparer à recevoir la pleine lumière au sujet de sa situation. Pourtant, il devrait brusquer les choses, si le bien spirituel du pénitent, ou le bien de la société ou d’autres motifs exigeaient que l’on bravât immédiatement tous les risques en éclairant les consciences. (Voir les règles générales du sacrement de pénitence).

En somme le confesseur pourra parfois absoudre un pénitent, s’il constate chez lui une contrition sincère et attendre le cas d’une rechute pour lui faire toucher du doigt et percevoir lui-même le péril de l’occasion, où il se trouve. A quels signes le découvrira-t-il ?

2. Comment reconnaître que l’occasion est prochaine ? — L’occasion prochaine est celle qui d’ordinaire entraîne au péché ; en d’autres ternies celle qui est si pressante, que l’homme ne peut se soustraire à son influence néfaste.

Elle est dite essentielle ou absolue lorsque, de sa nature, elle est communément, pour l’ensemble des hommes, une cause de péché : telles sont la lecture de yvres obscènes, l’assistance à une pièce de théâtre infâme, la fréquentation des lieux de débauche, et »… Nul n’en peut nier la redoutable gravité..

iMais l’occasion peut être aussi accidentelle et relative aux circonstances, à la situation, aux dispositions

de la personne qui la subit. Ainsi posséder en sa cave un fût de rhum n’est pas en soi une occasion prochaine d’ivrognerie, mais cela peut le devenir accidentellement pour qui serait affligé d’un irrésistible penchant à l’égard de cette liqueur. Comment le savoir ? — A la lumière de l’expérience : soit que la violence de la tentation, qui surgit en cette circonstance, révèle un danger pressant de chute, vu les dispositions du sujet, soit surtout que l’histoire lamentable du passé témoigne d’un grand nombre de défaillances. Leur multiplicité nous montre, que telle occasion inopérante ou éloignée pour Pierre est de fait prochaine pour Paul, parce que pour celui-ci le péril de succomber est probable ou pratiquement certain. S’il est sincère, il devra en convenir lui-même.

Pouvoir.

La fuite des occasions prochaines

de fautes graves, dès qu’on en a reconnu l’existence, s’impose au nom de la prudence la plus élémentaire. Encore faut-il qu’on puisse exécuter cet acte de sagesse. Il est des cas, en effet, où il est possible de sortir des situations périlleuses pour la vertu ou d’éviter de se commettre en leur danger. L’occasion devient alors volontaire et libre et quiconque s’y expose est responsable des suites prévues de son imprudence, et cela en toute responsabilité indirecte.

Mais il est d’autres cas, où l’occasion est involontaire et nécessaire. Celui qui s’y trouve n’est pas a même de s’en dégager, soit qu’une contrainte physique, soit qu’une contrainte morale entrave l’exercice de sa liberté. Ainsi la nécessité physique maintient dans l’occasion le malheureux qui serait en prison avec ses compagnons de débauche, ou sur un navire en pleine mer avec l’objet de ses passions, ou encore le moribond à qui manquerait le temps nécessaire et les moyens d’éloigner sa complice.

La nécessité morale est une impossibilité pratique d’agir comme on le voudrait. Elle existe : 1. Lorsqu’on ne pourrait se libérer de l’occasion sans commettre quelque péché, comme il arriverait à un jeune homme exposé chez lui à des causes prochaines de chute, mais ne pouvant quitter la maison familiale sans provoquer la juste indignation de son père, — comme il arriverait au soldat que la vie de garnison exposerait à maintes fautes, mais qui n’a pas le droit de déserter, — comme il arriverait à une épouse, qui en dehors d’une séparation légale et légitime ne peut abandonner son mari, bien que ce dernier soit pour elle un scandale vivant. Cette première catégorie d’impossibilités morales est créée par l’interdiction de poser un acte mauvais même en vue d’un bon résultat. La règle : nonfactenda mala, ut éventant bona, trouve ici d’autant plus son application, qu’en elle-même l’occasion n’est pas un péché et n’entraîne pas inévitablement au péché.

2. Mais il est une deuxième catégorie d’impossibilités morales moins nettement accusées. Elles existent, lorsque la fuite des occasions est entravée par la nécessité pratique de les subir à cause d’inconvénients considérables créant un obstacle, qu’on peut estimer raisonnablement insurmontable. Tel serait le dommage spirituel, pour l’intéressé et pour le prochain, de démarches libératrices, qui soulèveraient un scandale public ; tels seraient les dommages temporels, qu’apporteraient semblables démarches entraînant pour le sujet la perte de sa réputation, de sa situation sociale, de sa fonction, de sa fortune et de ses moyens d’existence.

Cependant pour déclarer qu’une occasion est moralement nécessaire, il faut que son éloignement soit cause d’inconvénients véritablement graves. Il ne suffirait pas d’invoquer un motif d’agrément ou d’uti lité. Les condamnations portées par les papes Alexandre VII et Innocent XI nous en avertissent. Le pre-