Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/449

Cette page n’a pas encore été corrigée
879
880
OCCAM ET DUNS SCOT


opinio Johannis ponit quod virtute nullius creati, sive Illud luibeamus ex nobis ipsis, sive immédiate a Deo, necessitctur Deus ad acceptandum aclum elicilum qiiemvamque, lbid. C’est d’ailleurs le point de vue traditionnel, sic loquuntur sancti in ista materia, I Sent., dist. XVII, q. i, L, M, et l’argumentation par la toute-puissance qui en établit la légitimité transpose au problème de la justification l’argument traditionnel qui établit la possibilité pour la matière de subsister à part : sic enim probatur potissime maleriam posse esse sine omni forma. Quodl., VI, q. v. — Que doit penser l’historien de ce double appel à la tradition ?

L’idée d’une toute-puissance capable de réaliser la matière sans aucune forme est traditionnelle dans l’École franciscaine, comme l’a établi le P. Longpré, La philosophie du B. Duns Scot, dans Études franciscaines, 1923, p. 40 sq. Nous tenons là une source de l’argumentation de potentia absoluta.

Occam rapporte correctement la doctrine scotiste de l’acceptation : Deus… de potentia absoluta non necessilatur ut infundat caritalem informantem animam ad hoc quod justificel impium et acceplet ipsum ad vitum œternam, quia potentiam suam non alligavit… alicui formée creatse, quando immédiate possit per se quicquid potest cum causa secundo quæ non est essentia rei. Rcporlata Parisiensia, t. I, dist. XVII, q. i, 7. Avec l’idée de toute-puissance, nous retrouvons chez Scot l’idée de libéralité, … præcipue cum (Deus) possit dare beatitudinem sine omni merito præcedente. Opus Oxoniense, t. I, dist. XVII, q. iii, 29. Le P. Longpré rappelle encore que saint Bonaventure conçoit la possibilité d’une justification sans don créé : Ad illud quod objicitur quod Deus possit restituere innocentiam et ita delere culpam absque gratia, dicendum quod hoc est verum ; sed largitas divinæ misericordise sic decrevit. II Sent., dist. XXVII, a. 1, q. i, ad 6 ura. La philosophie du B. Duns Scot, p. 598. Tel que Dieu l’a établi, l’ordre de la grâce est œuvre de libre miséricorde. Occam pouvait croire défendre contre Auriole la tradition du Dieu de puissance et de miséricorde, le volontarisme augustinien et franciscain.

4. La tradition volontariste.

Le volontarisme chrétien n’affirme, ni en Dieu, ni en l’homme, aucun primat du vouloir ou de l’amour dans l’ordre de l’être ; il s’agit uniquement de l’ordre de l’agir ; cf. Gilson, Introduction à l’étude de saint Augustin, Paris, 1929, p. 295-297. Puisque l’action divine, c’est la création du monde, nature et grâce, et l’action humaine, le retour de la créature raisonnable au Créateur, deux tâches essentielles s’imposent au volontarisme : montrer que l’ordre de la nature et l’ordre de la grâce procèdent d’un acte d’amour, montrer que la créature retourne à Dieu par un acte d’amour.

a) Le vouloir divin. — Occam affirme avec force que le vouloir divin est la première cause de tout le créé, voluntas divina est prima causa omnium, et qu’il est donc sa propre règle, eo ipso quod ipse vult bene et juste factum est. Cf. Nominalisme, col. 762 sq.

Nous ne nous attarderons pas à retrouver la même pensée chez Scot. La justice divine n’est pas pour lui une loi qui restreint l’exercice du vouloir ; elle s’étend aussi loin que la toute-puissance, elle est aussi indifférente à l’extérieur que la liberté divine : voluntas divina quæ est prima régula omnium agibilium et omnium actionum, et actio divines voluntatis ex qua est prima régula, est prima recliludo, … quicquid Deus facial vel agat erit rectum et justum. Sic igitur justitia Dei erî seque ampla potentia absoluta Dei…, potentia voluntatis divinse est ad opposita ; igitur et justitia inDeo est ad opposita. Reporlala Parisiensia, t. IV, dist. XLV I, 4. Gabriel Biel, disciple d’Occam, a pu reprendre ces formules de Scot. Cf. Nominalisme, col. 704.

Un texte d’Hugues de Saint-Victor montre l’anti quité de la tradition qui, au moins par Scot, a pu toucher Occam : Prima rerum omnium causa est voluntas Creatoris quam nulla præcedens causa movet, quia œterna est, nec subsequens aliqua confirmât, quoniam ex semetipsa justa est. Neque enim ideirco juste voluil quia futurum justum fuit quod voluil, sed quod voluit ideirco justum fuit quia ipse voluit… Cum ergo quæritur quare justum est quod justum est convenientissime respondetur : quoniam secundum voluntatem Dei est quæ justa est. Cum ergo quæritur quare voluntas Dei justa est, hoc sanius respondetur : quoniam primæ causæ causa nulla est cui ex se est esse quod est. De sacramentis, I, iv, 1, P. L., t. clxxvi, col. 233 D. Dans ce texte, nous trouvons le paradoxe essentiel du volontarisme divin : Dieu ne veut pas les choses parce qu’elles sont justes, mais les choses sont justes parce que Dieu les veut ; et ce paradoxe se découvre fondé, parce que la volonté divine, comme tout l’être de Dieu, n’a absolument pas de cause ; — ce sont des pensées fondamentales de l’occamisme.

b) Le vouloir humain. — En opposition avec l’intellectualisme thomiste, le volontarisme franciscain conçoit que l’homme, même en l’autre vie, saisit sa fin dernière par un acte d’amour, et non de connaissance ; il y a ainsi une primauté de perfection du vouloir sur l’intellect. Scot tient cette position, avec la conscience très claire de la tradition qu’il continue ; à l’autorité d’Aristote, il oppose saint Paul et, encore, Hugues de Saint-Victor : contra hoc arguit alius Philosophus nosler, silicet Paulus, qui dicit quod caritas excellenlior est… Ad hoc respondent aliqui quod dictum Pauli est intelligendum in via… Sed contra hoc est Hugo… Reporlala Parisiensia, t. IV, dist. XLIX, q. ii, 11.

Occam rencontre ce problème : il s’agit de mettre l’acte de la béatitude dans la plus noble puissance de l’âme, frui est in potentia nobilissima. I Sent., dist. I, q. ii, K. Mais pour Occam, il n’y a pas de puissances de l’âme réellement ou formellement distinctes de sa substance ; il y a seulement une âme et les différents actes qu’elle produit : actes d’entendre, actes de vouloir ; et en considérant la diversité de ces actes, on appelle l’âme de différents noms ; de même façon qu’en raison de la multiplicité des créatures, Dieu reçoit une multiplicité de noms : Illud palet in divinis, nam Deus habet potentiam gubernativam, reparativam, prædestinativam et reprobativam quæ nullam distinctionem ponunt in Deo, sed quia alius efjectus sequitur potentiam Dei creativam, gubernativam et prædeslinativam, et propter diversos efjectus denominatur de diversis denominalionibus, et hoc denominalione extrinseca ; sic est in mullis, sicut sœpe dictum est, et sic est in proposilo. II Sent., q. xxix, K. — Une multiplicité de noms sur l’unité du réel : toujours le même thème ; comme il y a un nominalisme des attributs divins, il y a un nominalisme des puissances de l’âme.

Si on prend les puissances de l’âme pour ce qui produit les actes, qu’il s’agisse de connaître ou d’aimer, on ne trouve jamais qu’une même substance, et il ne peut y avoir de primauté du vouloir sur l’intellect : sic non est voluntas intellectu nobilior non plus quam intelleclus est nobilior voluntate, quia sunt omnino idem. II Sent., q. xxiv, P. Si on prend les mêmes puissances en y comprenant les actes que leurs noms connotent, la volonté diffère de l’intellect et l’emporte sur lui autant que l’acte de vouloir sur celui de connaître : potest concedi quod voluntas est nobilior intellectu, quia actus diligendi qui connotatur per voluntatem est nobilior actu intelligendi. Ibid. Dans une doctrine qui ne met entre les puissance de l’âme aucune diversité, ni réelle, ni formelle, le volontarisme ne peut être que le primat d’un acte sur un autre. Mais celui qui distingue entre les facultés doit tenir la volonté pour la plus