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NOVATIEN. L’EGLISE NOVATIENNE


il s’est donné, au 1. VI de son grand traité, la peine, bien inutile^ de réfuter les légendes dont fourmillait cette composition. Il fait la remarque qu’il n’y était pas question, d’ailleurs, de supplices endurés par Novatien, P. G., t. civ, col. 353. En somme tout cela confirmerait l’impression que laissent les lettres pastorales de l’évêque schismatique. Novatien a pu confesser la foi ; il n’aurait pas été « martyr » au sens plus moderne du mot ; et l’expression de Socrates, è^oepTÛpYjæv, pourrait tout aussi bien s’entendre d’une simple confession de foi.

Quoi qu’il en soit, le novatianisme, dans les deux générations qui suivirent, dut faire, en Orient tout au moins, des progrès assez sérieux. En Asie Mineure, spécialement, il subsistait de vieilles communautés montanistes, qui ne se distinguaient en somme de la grande Église que par leur rigorisme intransigeant. Socrates, loc. cit., indique expressément que parmi ce monde il se recruta des adhérents à Novatien. Ces communautés, semble-t-il dire, se seraient ralliées aux idées contenues dans l’encyclique de Novatien (ci-dessus, col. 837). En somme, il y aurait eu fusion entre novatiens et montanistes.

Doctrine et constitution de l’Église novatienne.


Cette « contamination » devait amener quelques précisions dans les doctrines de la secte. Le rigorisme montaniste, en effet, avait pris position sur un certain nombre de points auxquels Novatien lui-même n’avait pas touché : il rejetait les secondes noces et, s’il faut en juger par les imprécations de Tertullien montaniste contre « l’Édit de Calliste », il n’admettait pas à la réconciliation ecclésiastique les personnes coupables de fornication ou d’adultère, il n’admettait même pas du tout à la pénitence certaines fautes particulièrement répugnantes.

Quelque chose de ce « puritanisme » va passer dans l’Église de Novatien. D’abord en ce qui concerne les secondes noces. Les témoignages du iiie siècle ne laisssent pas entrevoir que l’antipape lui-même les ait considérées comme illicites. C’est seulement à la fin du IVe siècle que nous entendons Ru fin déclarer que Novatien (il dit Novat), les a condamnées : Novalus lapsis pœnilentiam denegando et secundas nuplias, cum forte iniri eas nécessitas exegerit, condemnando. In sgmb. apost., n. 39, P. L., t. xxi, col. 376. Ce renseignement tardif est de nulle valeur ; il attribue à l’auteur de la secte une condamnation qui, de fait, était assez générale parmi les novatiens du ive siècle. Épiphane nous en est garant pour l’Orient, Heeres., ljx, 3, et son témoignage, qui pourrait être suspect, est confirmé par Socrates, H. E., V, xxii : 01 Naua-Tiavol ol us-pl <Dpoytav Styâ[i.ouç où SéxovTca. Oî Se èv KwvoTavTÎvou 7r6Xei, o(jts çavepcôç Sé/ovroa, ours <pavepcoç ÈxêàXXouai.’Ev Se toïç kemzploiç, [j-épsat. (pavepwç Sé/ovTai. Et les témoignages littéraires sont d’accord avec cette remarque de Socrates. Les sources strictement occidentales, en effet, n’attribuent pas aux novatiens la réprobation de la bigamie successive (Philastre, Pseudo-Augustin). Il n’y a pour affirmer cette particularité que les sources orientales et celles qui en dépendent : Épiphane, Augustin, De hæresibus, le Prædeslinalus, Théodoret. En somme, c’est surtout dans les régions où les « Phrygiens » (montanistes) étaient nombreux que les secondes noces étaient formellement réprouvées. Ailleurs, en Orient, on se montrait hésitant ; en Occident, l’Église novatienne admettait le second mariage.

La rigueur de la discipline pénitentielle a pu être aggravée aussi, au moins en certaines communautés. Novatien, nous l’avons vii, col. 840, admettait à la pénitence et à la réconciliation les pécheurs coupables de certaines fautes charnelles. Il semble que, dans la suite, on ait été plus sévère, l’influence montaniste

aidant. Théodoret, qui à la vérité est fort tardif, déclare que chez les novatiens il n’est plus du tout question de pénitence : 7tavTeXcSç xôv -rijç [xexavoîaç twv olxeîcov cruXXôycùv IÇopîÇouat, X6yov, Hseret. fab. conU, III, 5, P. G., t. lxxxui, col. 408 B. Le Pseudo-Augustin a un développement filandreux et peu clair, d’où il ressortirait que les novatiens ne pardonnaient pas aux fornicateurs ; il leur reproche leur inconséquence car, semblet-il dire, ils pardonnent et l’homicide et l’adultère qui sont bien plus graves que la simple fornication, P. L., t. xxxv, col. 2305 ; édit. Souter, p. 204. Mais il est difficile de rien tirer de ce texte où tout est confusion. Ce que l’on aurait encore de plus clair sur le sujet, c’est un propos que prête Socrates à l’évêque novatien de Nicée, Asclépiadès. Dans une discussion, d’ailleurs fort courtoise, avec Atticus l’archevêque de Constantinople, (405-425), Asclépiadès s’exprimait ainsi : « En dehors du fait de + sacrifier, il y a encore d’après les Écritures d’autres péchés mortels, pour lesquels vous, catholiques, vous excluez les clercs, et nous, les laïques, remettant à Dieu le soin de leur pardonner, Si’aç û[xsïç fzèv -roùç xX ?]pixoôç, f ; ji.eïç Se xal toùç Xaïxoùç àTCoxXetojjiev, 0sû [i, 6va> tï)v cuyywp7]ci.v aÙTÛv £7ttTpé7rovT£Ç. » H. E., VII, xv, P. G., t. lxvij, col. 796 D. En d’autres termes, l’Église novatienne applique à tous ses membres la règle que les catholiques réservent aux membres du clergé. Chez ces derniers, le clerc coupable d’un péché « mortel » est définitivement exclu (non de l’Eglise, mais) de sa fonction, chez les novatiens le laïque coupable des mêmes fautes est définitivement exclu de la communauté. Cette remarque d’Asclépiadès confirmerait, jusqu’à un certain point, l’observation de Théodoret, ci-dessus mentionnée. C’est sensiblement la même impression que donneraient les lettres de Pacien è Sympronianus.

Ce rigorisme dans l’administration de la pénitence suppose, nous l’avons dit, une conception de l’Église et une théorie du pouvoir des clefs fort différentes de celles qu’avait précisées le catholicisme. Mais, en dehors de ce point, l’on ne voit pas qu’il y ait eu de sérieuses divergences dogmatiques entre novatiens et catholiques. La question, toute disciplinaire, mais si grave à 1 époque, de la fixation de la date pascale, créa pourtant entre certaines communautés novatiennes et la grande Église une séparation assez apparente. Voir Paque. Les montanistes d’Asie-Mineure se réglaient pour calculer la date de Pâque sur le comput juif ; ils furent suivis par les novatiens de Phrygie qui s’étaient plus ou moins fondus avec eux. A l’époque de Valens (364-378) un concile rassemblé à Pazos décida que l’on se rallierait au comput pascal des Juifs : &rsxe’IouSaîouç ènirr}p£Ïi 7roioûvTaç xà aÇujza xal oùv aùxoiç -rrçv toO Iïàc/a èniieXzlv éopr/)v, Socrates, H. E., IV, xxviii, col. 540 B. Mais c’était là une particularité des Phrygiens ; en Occident les novatiens ne s’écartaient pas de la coutume traditionnelle, et en Orient même, malgré les efforts faits par certains pour propager l’innovation phrygienne, il ne semble pas que celle-ci ait dépassé beaucoup les limites de son pays d’origine ; tout au plus cette question pascale servit-elle de prétexte à quelque agitateur. Un certain Sabbatius, qui n’avait pu arriver à Constantinople au siège épiscopal, donna son nom à une secte de Sabbatiani qui maintinrent cet usage judaïsant. On voulut couper court à ces querelles en faisant déclarer par un synode rassemblé près d’Hélénopolis enBythinie que c’était là une question « indifférente », àSiâçopoc, où chacun pouvait se régler d’après ses convictions, Socrates, V, xxi, col. 624. Le parti des Sabbatiani n’en continua pas moins son existence séparée.

Les récits de Socrates sur ces démêlés intérieurs