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NOMS DIVINS

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d’une accommodation, car, le mode de procession en Dieu selon la volonté nous étant inconnu, il nous est impossible de lui attribuer des termes propres au sens strict. Mais par là même, ces trois noms peuvent être à la lois essentiels et personnels.

Les noms appropriés sont ceux qui attribuent à une personne une perfection ou une action en réalité commune aux trois, en raison d’une relation spéciale que cette perfection ou cette action possède avec cette personne. Ainsi, au Père, qui est le principe n’émanant d’aucun autre principe, sont attribuées par appropriation l’éternité, la toute-puissance et les œuvres ad extra qui relèvent de la puissance. Au Fils, qui procède du Père selon l’intelligence, sont attribuées par appropriation la sagesse et les œuvres de la sagesse, c’est-à-dire l’ordre et la disposition des choses, la réparation du genre humain qui est la restauration de l’ordre troublé par le péché originel. Au Saint-Esprit, qui procède en tant qu’Amour personnel du Père et du Fils, sont attribuées la bonté et toutes les œuvres extérieures relevant de la bonté, comme la charité, la miséricorde et principalement les œuvres de notre sanctification, qui sont les plus grandes manifestations de la bonté et de la bienveillance divines. Voir l’art. Appropriation, t. i, col. 1708.

3. Règles concernant l’emploi des termes concrets et des termes abstraits, S. Themas, Sum. theol., I a, q. xxxix. —

Aux remarques formulées à l’art. Abstraits (Termes), t. i, col. 283, on ajoutera les règles suivantes, concernant, dans les questions trinitaires, l’emploi des termes essentiels ou personnels au singulier et au pluriel :

a) Première règle. - —

Les substantifs essentiels, concrets ou abstraits, qui signifient directement l’essence divine, ne peuvent être attribués aux trois personnes qu’au singulier. Le symbole Quicumque fournit un exemple typique de cette règle : Non tres aeterni, sed unus œternus, sicut non tres increati, nec tres immensi, sed unus increatus et unus immensus… ; non tres omnipotentes, sed unus omnipotens… ; non tres dii sed unus est Deus… ; non tres domini, sed unus est DOminus, Denz.-Bannw., n. 39. Ici, les termes : immensi, omnipotentes, aeterni, sont pris, non adjectivement, mais substantivement. On dira donc : le Père est divinité, sagesse, Dieu, créateur, Seigneur ; ou encore les trois personnes divines sont un Dieu, un créateur, une seule divinité, une seule sagesse, etc.

b) Deuxième règle.

Les adjectifs essentiels, qui directement affectent les personnes et indirectement la nature peuvent être attribués à chacune des personnes ; mais donnés aux trois personnes simultanément, ils doivent être mis au pluriel. Ainsi, l’on dira : le Père est éternel, omniscient, tout-puissant ; mais il faudra dire : les trois personnes sont toutes puissantes, omniscientes, éternelles. Ici, ces termes sont pris adjectivement : Totæ tres personæ coœternæ sibi sunt et ceœquales, Denz.-Bannw., ibid.

c) Troisième règle.

Les substantifs essentiels concrets, v. g. Dieu, Créateur, Seigneur, peuvent se substituer à un nom concret personnel : en ce cas, ils signifient l’essence, en tant que concrètement possédée par la personne, et, par conséquent, peuvent se substituer au nom strictement personnel. Ainsi, nous lisons dans ps. cix, 1, et Matth., xxii, 44 : Dixit Dominus Domino meo ; et, dans le symbole de Nicée : Deum de Deo, Deum verum de Deo vero. Ainsi, Marie est appelée la mère de Dieu, alors qu’elle est simplement la mère du Fils. En conséquence, tous les noms personnels, concrets ou abstraits, et les actes notionnels peuvent être attribués à un substanlif concret substitué à un nom personnel. Ainsi l’on peut dire : Dieu est Père ; Dieu est Fils ; Dieu est paternité ; Dieu est trinité ; Dieu engendre ; Dieu est engendré, etc.

d) Quatrième règle.

Les substantifs essentiels abstraits (essence, déité) ne peuvent être substitués aux noms personnels ; en ce cas, en effet, ils signifient l’essence, la forme en elle-même et non point possédée par un sujet. Ainsi, le IVe concile du Latran a condamné la formule : essentia divina est generans et genita, de l’abbé Joachim de Flore. - — Toutefois, bien des locutions analogues, employées par les Pères doivent être interprétées bénignement. Saint Thomas explique que, dans l’esprit des Pères, le terme « essence » est pris parfois pour le sujet qui la possède, ut sic dicatur quod essentia divina generat, quia Pater qui est essentia divina, generat. Contra errores Græcorum, c. iv. C’est en vertu du même principe, et avec plus de raison, qu’on peut dire : le Fils est la Sagesse engendrée.

4. Règles particulières, Sum. theol., I a, q. xxxi. —

Il faut, tout en consultant la signification obvie des tenues et l’usage de la langue théologique, éviter toute expression qui pourrait, en Dieu, offenser l’unité de nature et la trinité des personnes. Quatre expressions ont retenu spécialement l’attention des théologiens.

a) Le mot triple ne doit pas être employé pour marquer la trinité des personnes : sa signification obvie détruit en effet la consubstantialité, et instaure une unité spécifique participée en inégales proportions. Aussi le XIe concile de Tolède l’a-t-il proscrit : Hæc est sanctæ Trinitatis relata narratio, quæ non triplex, sed Trinitas et diei et credi debet. Denz.-Bannw., n. 278. —

b) L’emploi ces mots alius et aliud est obvie. Alius s’applique à la personne ; aliud se réfère à l’essence. Licet igitur alius sit Pater, alius Filius, alius Spiritus sanctus, non tamen aliud. IVe concile du Latran, cap. Damnamus, Denz.-Bannw., n. 432. —

c) Les termes « singulier, unique », ne sauraient être opportunément employés en parlant d’une personne, parce qu’ils sembleraient exclure les autres personnes. Bien que les Pères aient évité leur emploi à l’égard de l’essence divine, pour ôter aux hérétiques toute occasion d’abus, on ne peut cependant réprouver cet emploi, qui est justifié dans les actes de la session xi du VIe concile. Cf. Sylvius, Comm. in Sum. theol. S. Thomas, I a, q. xxxi, a. 2. —

d) Le mot solus doit être employé avec beaucoup de circonspection. Il ne peut être employé seul, en un sens catégorématique ; par exemple : Dieu est seul ; le Père est seul. Mais il peut être employé en un sens syncatégorématique, en apposition au sujet ou à l’attribut, à condition que la signification de la phrase ainsi construite soit vraie. Si les sujet et attribut de la proposition sont des termes essentiels, le mot solus apposé soit au sujet soit à l’attribut marquera l’exclusion des autres êtres par rapport à l’essence divine ou l’attribut essentiel affirmé de Dieu. Ainsi : Seul, Dieu est éternel ; ou encore : Dieu est seul immense, seul tout-puissant, seul très-haut, etc. Si le sujet et l’attribut sont des termes personnels, il faut que l’attribut convienne exclusivement à la personne dont il est affirmé, pour que le mot seul puisse être employé. Ainsi, on dira : Seul, le Père est engendrant ; le Fils seul est engendré. Manifestement fausse serait la proposition : Seul, le Père est spirateur. S’il s’agit d’une proposition ou le sujet soit un nom personnel et l’attribut un terme essentiel, le sens guidera l’emploi du mot seul apposé au sujet ou à l’attribut. Ainsi, on ne pourra pas dire : Seul, le Père est Dieu. Mais on dira bien, — parce qu’ici le mot seul affecte un terme essentiel et non personnel, — Le Père est le seul vrai Dieu. Le sens est : le Père est cette déité, en dehors de laquelle n’existe aucune véritable déité. Et c’est ainsi que Jésus-Christ, Joa., xvii, 3,