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NUMINALISME — NOMS DIVINS

La pensée est une façon de langue première et universelle, que supposent tous les langages particuliers, et dont les concepts sont les termes.

2. Les problèmes du concept.

La logique demande à la métaphysique d’éclaircir la nature et d’expliquer la formation du concept :

a) Sa nature. — On peut éclaircir la nature du concept soit par la notion d’image, objet irréel de l’intellection, soit par l’idée d’un signe naturel, qualité réelle de l’âme.

Ce problème est de métaphysique, puisque, en le traitant, nous nous demandons si tout ce qui est dans l’âme est réalité, au sens où les choses et l’âme même sont des réalités.

b) Sa formation. — Pour expliquer la formation du concept, on retrace les différentes étapes de connaissance qui y conduisent.

Cette explication nous place en métaphysique et suppose acquise la notion vraie du réel, puisque la nature de l’objet auquel il doit s’appliquer commande tout le travail de la connaissance.

Comme le réel des nominalistes diffère essentiellement de celui que posent les réalistes, les théories de la connaissance sont essentiellement différentes et, des uns aux autres, le mot d’abstraction devient équivoque.

2o  Le réel.

Au signe, le nominalisme oppose le réel dont il a une notion originale, qu’il n’applique pas seulement aux choses du monde, mais encore au Dieu du christianisme.

1. Les choses.

Aucune chose n’est différente de soi : tout ce qu’elle possède à la fois, elle le possède de la même façon. C’est sans doute l’intuition centrale, l’âme du nominalisme.

Aussi, les éléments qui composent l’individu : substance et accidents, matière et forme, sont-ils aussi singuliers que l’individu même. À l’intérieur de son essence, il n’y a d’aucune façon, et l’esprit ne peut trouver d’aucune manière, une nature spécifique indifférente à la singularité. S’il existe entre individus de même espèce une ressemblance substantielle, c’est qu’ils conviennent entre eux, de toutes leurs essences, sans convenir en rien de distinct qui leur soit réellement commun.

De même façon que l’on écarte du réel l’ombre de toute universalité, on en éloignera toute relation qui mettrait dans les choses, ses termes, une division entre ce qu’elles sont absolument et ce qu’elles sont relativement à autrui.

2. Dieu.

Tout ce que possède l’Être parfait est parfait comme lui ; s’il y avait réellement une essence et plusieurs perfections divines, on ne pourrait établir entre elles aucune hiérarchie. Mais, en Dieu, il n’y a pas plusieurs perfections, Il n’est qu’une perfection infiniment simple. Une fois écarté de l’être divin tout ce qui pourrait ressembler à une opposition de substance à accident, de matière à forme, il nous reste seulement une essence qui ne diffère pas plus de soi que toute autre essence.

De la simplicité radicale de Dieu suit l’impossibilité absolue d’en faire la psychologie : dire comment Il connaît ou veut, c’est mettre en lui une multiplicité et un ordre menteurs.

Ayant posé l’unité de l’essence divine, la raison ne peut concevoir la pluralité des personnes et la déclare même impossible.

3o  Le signe et le réel.

L’opposition du signe et du réel donne à une pensée nominaliste son rythme essentiel ; il s’agit, pour elle, de décider si les universaux, les termes relatifs, les attributs divins ne sont que des signes, ou s’il leur correspond dans le réel quelque chose de distinct ; une fois établi que cette réalité distincte est impossible, il reste qu’universaux, termes relatifs, attributs divins signifient le réel sans l’être aucunement, comme des noms désignent une chose qu’ils ne sont pas.

Si Guillaume d’Occam semble porter le nominalisme à sa perfection, c’est pour avoir établi, par sa théorie des distinctions, un lien nécessaire entre la notion du signe et celle du réel ; la seule distinction que trouve dans le réel la pensée qu’analyse la logique, c’est la multiplicité de deux choses, dont l’une peut être saisie à part de l’autre.

Ce qui est séparable devant notre pensée l’est réellement par la puissance divine ; en relevant dans le donné, — l’ordre par exemple de la connaissance ou de la grâce, — les distinctions réelles qui s’y marquent, Occam peut apercevoir à partir et au delà du réel cet horizon du possible qui donne au Dieu nominaliste sa figure originale de toute-puissance et de pure miséricorde.

Il est vrai que l’existence de cet Être unique et parfait échappe aux prises de la stricte raison, telle qu’Occam la conçoit ; elle n’atteint qu’une première cause, le meilleur seulement des êtres qui soit au monde, et il ne lui est pas inconcevable qu’il en existe plusieurs.

Voilà les caractères spécifiques du nominalisme que nous avons pu dégager de l’étude d’Occam. Nous croyons avoir montré qu’Abélard a pressenti, sur plusieurs points, une telle doctrine. Les tâches prochaines de l’histoire comprennent l’étude complète d’Occam et de son école : en essayant de caractériser le nominalisme comme ensemble de thèses et type de pensée, nous avons seulement voulu aider à ce travail en lui proposant quelques idées directrices.

Pour le nominalisme du xiie siècle, les ouvrages cités au texte suffisent à compléter la bibliographie de l’article Abélard.

Pour le nominalisme d’Occam et des xivexve siècles, consulter la bibliographie de l’article Occam.

P. Vignaux.


NOMS DIVINS. La question des noms divins, c’est-à-dire de la valeur des termes employés pour désigner les perfections divines se pose du fait que Dieu est l’Être ineffable et incompréhensible. Au point de. vue de la théologie positive, on a exposé les éléments du problème à l’art. Dieu.

C’est du point de vue spéculatif qu’on aborde ici la question et l’on se demande quelle est :
I. La possibilité de désigner Dieu et ses perfections par des termes qui, tout déficients qu’ils soient, expriment la vérité ;
II. La signification de ces termes. On s’en tiendra à un bref commentaire de l’enseignement de saint Thomas, Sum. theol., Ia, q. xiii.

I. La possibilité de désigner Dieu et ses perfections par des termes qui, tout déficients qu’ils soient, expriment la vérité

Cette possibilité n’est pas la même s’il s’agit de désigner Dieu dans son essence connue selon son mode propre, ou s’il s’agit de désigner Dieu connu par le raisonnement ou la révélation.

1o  Dans le premier cas, malgré l’opinion singulière de Vasquez, In Sum. theol., q. xiii, disp. LVII, c. ii, il faut affirmer que l’homme et, en général, toute créature ne jouissant pas de la vision intuitive, est incapable de désigner, par un terme qui l’exprime vraiment, l’essence divine connue selon le mode qui lui est propre. C’est la conséquence logique de l’enseignement de l’Église touchant l’ineffabilité de Dieu ; cf. IVe conc. du Latran, Denzinger-Bannwarl, n. 428, et son incompréhensibilité ; cf Conc du Vatican, ibid., n. 1782. Cette vérité résulte de ce que, pour exprimer l’essence divine selon le mode qui lui est propre, il faudrait que la connaissance de l’être intime de Dieu nous fût au préalable possible. Or, on l’a démontré