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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. CONCLUSIONS GÉNÉRALES

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ne peuvent être qu’en nombre fini ; il y a donc une première cause, que nous pouvons appeler dieu.

La nature de ce dieu est chose très incertaine pour notre raison ; la régression causale pourrait s’arrêter à un corps céleste dont la causalité est donnée dans l’expérience, illud ejflclau potest poni corpus cœleste, quia de illo experimur quod est causa aliorum. Nec potest probari quod sil unum tantum tale… Quodl, II, q. i. Avec le premier efficient, nous sommes très loin du Premier Être, unique et parfait, dont l’unicité se prouverait par la perfection.

3. Du premier efficient au Premier Être.

La preuve de Duns Scot, dont la critique précède, dans le commentaire, I. Sent., dist. II, q. x, l’exposé de celle d’Occam, établit d’abord longuement la notion de causes essentiellement ordonnées. Gabriel Biel en fait la remarque : ostendit Johannes qux causée sint essenlialiter ordinatie, sciliect quorum posterior dependet a priori in causando et est imperfectior eætestsimul ad causandum. Collect., I, dist. II, q. x, a. 1, n. 1. Pour Scot, les êtres que nous prenons comme effets et causes forment essentiellement une hiérarchie. Il en est de même pour saint Thomas ; cf. Gilson, Le thomisme, 3e éd., Paris, 1927, c. iv et v.

Sans pouvoir instituer ici une comparaison très difficile en l’état de nos connaissances sur Scot, nous devons signaler que, chez Occam, l’idée de hiérarchie ne possède plus la même évidence : pour montrer qu’il n’existe qu’un Être suprême, natura eminentissima, il faudrait poser d’abord une hiérarchie des essences, qui ne s’impose point, oporteret probare quod omnes formae se habent sicut numeri ita scilicet quod semper una esset perfectior et alia imperfectior, quod non sufflcienler probatur. I Sent., dist. II, q. x, N. Occam ne voit pas la nécessité de poser des essences qui ne diffèrent que par leur plus ou moins grande perfection.

Le premier efficient l’emporte sans doute en perfection sur tous les effets, mais cela ne signifie point qu’il ait primauté sur tous les êtres, car ce n’est point une évidence que tout être soit une cause ou un effet, quamvis probetur quod primum efficiens est nobilius omni effectu, tamen non probatur quod est nobilius omni alio ente, quia non probatur sufficienter quod omne ens est efficiens vel effectus alicujus efficientis. 1 Sent., dist. XXXV, q. ii, C. Le nominalisme ne voit pas la nécessité de diviser tout l’être en causant et en causé.

Si tout l’être n’apparaît pas d’évidence pris dans un ordre de perfection et dans un ordre d’efficience, c’en est fait de l’évidence qu’il y a des causes essentiellement ordonnées. Pour Biel la foi seule nous assure qu’il existe de telles causes : non est nobis evidens per experienliam nec per demonstrationem, sed solum opinalum vel creditum aliquas causas sic esse essentialiler ordinatas. Collect., I, dist. II, q. x, a. 3, dub. 2, cor. 1. Le nominalisme n’assure point la preuve de Dieu sur les mêmes notions que le scotisme ou le thomisme. Biel remarque encore que la preuve d’Occam vaut pour des causes accidentellement ordonnées aussi bien que pour des causes essentiellement ordonnées : illa ratio procedit tam in accidentaliter ordinatis quam essenlialiter ordinalis. Ibid., a. 2, concl. 1. "Voilà sans doute le principe de son impuissance : dans la régression causale à partir du fait de la conservation, il s’agit bien, comme dans le cas de causes essentiellement ordonnées, d’un ordre dont tous les termes existent à la fois, mais ces termes ne sont envisagés que dans leur existence, nullement dans leurs essences. La preuve atteint donc une première existence : aliquod primum quod est conservons et non conseruatum ; primum efficiens, nobilius omni effectu, mais non pas l’Essence première : Primum Ens, nobilius omni alio ente. On peut appeler dieu le premier existant, mais la raison ne prouve qu’une primauté de fait, quo nihil est melius, prius vel perfectius, nullement I une primauté de droit, aliquid nobilius elaliquid melius omni alio a se.

Avec les causes essentiellement ordonnées, le Premier Être se retire du domaine de la raison pour passer à celui de la foi : nous voyons que les choses qui existent sont produites, et ensuite conservées ; si cette production peut nous jeter dans une régression causale indéfinie, il faut nous arrêter dans l’ordre causal de la conservation, admettre une première existence, — unique ou multiple ? La raison ne peut décider. Mais la foi nous apprend que ce premier efficient est le Premier Être, absolument parfait, perfectissimum, donc unique.

La raison devant Dieu.

A situer par rapport au pouvoir de notre raison les problèmes que nous avons tour à tour examinés à propos de Dieu, nous obtenons la perspective suivante :

1. Le premier efficient.

Le monde est un ensemble de choses, dont certaines naissent et durent, sont produites, puis conservées parles autres. La conservation d’un effet suppose la coexistence de toutes les causes qui le conservent. Pour échapper à l’infini actuel, nous devons poser un nombre fini de causes, et une première cause non causée : ce premier efficient est l’être le plus parfait qui soit au monde, mais nous ne pouvons démontrer qu’il soit unique.

Voilà tout ce que, de ses forces naturelles, là raison établit.

2. La déité.

Nous croyons qu’il y a un seul Dieu : l’Être absolument parfait. Posé le Dieu de la foi, voici ce que la raison conclut en le considérant :

Tout ce qui est en Dieu est également parfait : entre les choses divines, on ne peut mettre une dépendance qui y ferait apparaître une hiérarchie.

Il n’y a point des perfections divines, mais une perfection simple d’où il faut repousser l’ombre de toute distinction.

L’Être parfait et simple connaît et veut les autres êtres. Mais, ne pouvant analyser ses actes sans mettre en Lui des distinctions et des dépendances, nous devons renoncer à dire pourquoi et comment Il connaît et veut. Toute question de ce genre nous ramène à cette donnée que Dieu est Dieu : à la déité.

La volonté de Dieu, radicalement une avec son essence et son entendement, n’admet aucun ordre antérieur ni même intérieur ; cela donne tout son sens à la liberté de la création du monde et de son ordre, naturel et surnaturel, où paraît un Dieu de toute puissance et de pure miséricorde.

3. La Trinité. —

Par la foi, nous ne tenons pas seulement qu’il y a un seul Dieu, mais encore qu’il est un en trois personnes. Après avoir considéré la simplicité radicale de l’essence divine, la raison ne conçoit aucunement la possibilité de la pluralité des personnes : laissée à la nécessité de son propre mouvement, elle la déclarerait absolument impossible.

Dans notre connaissance de Dieu, il y a ainsi trois zones, de plus en plus lointaines à notre raison.


IV. Conclusions générales.

Nous avons abordé l’étude du nominalisme par l’opposition vox-res ; elle nous a mis aussitôt dans une atmosphère originale que nous n’avons point quittée et qui nous a donné les deux aspects fondamentaux de toute doctrine de cette espèce : une notion du signe, une notion du réel, notions d’ailleurs liées.

Le signe.

La notion du signe nous est donnée en logique et pose les problèmes métaphysiques de la nature et de la formation du concept.

1. La logique. —

La logique, toute proche de la grammaire, est l’art du discours, mais d’un discours sur le réel : ses argumentations se décomposent en propositions, ses propositions en termes, qui sont les signes des choses.