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    1. NOMINALTSME##


NOMINALTSME. L’UNITÉ DIVINE

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distingue formellement par la paternité ; de même le Fils, l’Esprit. Nous sommes en face d’un cas unique qui est au delà de notre horizon de pensée : sicut est singulare in Deo quod très res sunt una res numéro, et ideo Ma res una numéro est quielibet illarum trium rerum, et tamen una illarum trium non est reliqua, ita est singulare et excedens omne intellectum quod non sequitur : essentia numéro est Filius, Pater non est Filius, ergo Pater non est essentia. El illud singulare non débet poni nisi ubi auctoritas Sacræ Scripturæ compellit. Ibid. ; cf. supra, II, 4°, 1 (col. 742).

Il y a opposition essentielle entre le mouvement de la raison et la donnée de la foi, mais la raison et la foi n’ont point une égale autorité : en croyant, nous adhérons à l’objet, qui s’est lui-même révélé ; en raisonnant, nous usons, autant que nous le pouvons, des puissances que possède actuellement notre esprit ; la raison ne peut que s’arrêter devant le mystère et constater que, de soi, elle le nierait.

4. Le sens de la position nominaliste.

Gomment se représenter ici l’attitude du nominalisme ?

Tout se passe comme si un théologien, dont l’office est de raisonner sur les choses de la foi, ne disposait, pour ce faire, que d’un instrument, la raison, que la logique, où il s’est formé à penser, lui a appris à manier et à définir. A suivre cette raison, l’esprit conçoit qu’il n’existe dans toute réalité qu’un seul type de distinction : celle qui s’établit entre plusieurs choses, que l’on peut, au moins en droit, séparer.

Quand il rencontre la Trinité, l’esprit n’y trouve pas cette distinction. Si, exposant le mystère, il parle de relations réelles et de distinction formelle, ces relations et cette distinction le ramènent à la même difficulté fondamentale : comment ce qui est plusieurs peut-il aussi être un ? La même raison qui a ramené à la simplicité radicale de l’essence la multiplicité des noms divins est incapable de concevoir, si faiblement que ce soit, comment la Trinité est possible. Notre esprit doit finalement constater que le pouvoir ne lui est pas donné de parvenir ici à quelque intelligence de la foi.

L’unité divine.

La Trinité échappe aux prises de la raison, l’unité de Dieu également, mais à un degré moindre.

1. Le Dieu de la foi et le Dieu de la raison.

Le mot « dieu » se prend en un double sens, hoc nomen deus potest habere diversas descriptiones, Quodl., i, q. t ;
a) una est quod deus est aliquid nobilius et aliquid melius omni alio a se ;
b) secundo quod deus est idem quo nihil est melius prius vel perfectius.

Parler de Dieu, c’est se placer dans la perspective d’une hiérarchie des êtres : le premier, le meilleur, le plus parfait, voilà Dieu. Mais sa primauté peut s’entendre de deux façons :
au premier sens a), c’est une primauté sur tout être possible ; nous avons un Dieu qui est Entendement parfait, Volonté souveraine, Toute-Puissance, celui-là même dont nous avons étudié les attributs ;
au second sens b), il s’agit seulement d’une primauté sur tous les êtres réels ; nous n’avons plus l’être le meilleur possible, mais le meilleur des êtres réels.

Ces définitions posées, à la question de savoir si la raison peut prouver qu’il n’y a qu’un seul Dieu, ulrum possit probari per rationem naturalem quod tantum sit unus Deus, ibid., la réponse d’Occam est parfaitement claire :

Au sens a), l’existence de Dieu est indémontrable, et donc son unité, accipiendo Deum secundum primam descriptionem non potest démonstrative probari quod tantum est unus Deus. Cujus ratio est : quia non potest evidenter sciri quod Deus est… — - D’ailleurs, si l’on pouvait démontrer qu’il y a un Dieu, en ce sens, on pourrait démontrer aussi qu’il n’y en a qu’un, secundo dico quod si possit evidenler probari sic accipiendo Deum quod Deus est, tune unilas Dei posset probari.

Au sens b), on démontre bien l’existence de Dieu, mais on ne peut démontrer qu’il n’y en a qu’un : tertio dico quod unitas Dei non potest evidenter probari accipiendo Deum secundo modo…, sciendum tamen quod potest demonstrari Deum esse accipiendo Deum secundo modo prius diclo. Occam nous indique le principe de sa démonstration de Dieu ; il est nécessaire de poser un premier être pour éviter la régression à l’infini dans l’ordre des causes efficientes : quia aliter erit processus in infinitum nisi esset in entibus quo nihil esset prius et perfectius, ibid. ; cf. Quodl., II, q. i : standum est ad primum efficiens et non est processus in infinitum. Il faut s’arrêter à une première cause, ou à des premières causes, puisqu’on ne peut démontrer qu’il n’y en a qu’une, ex hoc non sequitur quod possit demonstrari quod tantum unum est taie, sed hoc tantum fide tenemus. Quodl., i, q. i. L’unité de Dieu n’est point une évidence, c’est un article de foi.

Conclusion : Au sens où l’on pourrait démontrer de Dieu qu’il n’y en a qu’un, on ne peut démontrer qu’il existe ; au sens où l’on démontre qu’il existe, on ne peut démontrer qu’il n’y en a qu’un.

Si nous appelons Premier Être, Primum Ens, l’Être le meilleur possible, et premier efficient, primum efficiens, le meilleur des êtres réels, auquel s’arrête de nécessité la régression causale, nous pouvons dire que la raison prouve qu’il y a un premier efficient, sans pouvoir démontrer qu’il n’y en a qu’un ; pour ce faire, il faudrait qu’elle démontrât que le premier efficient est aussi le Premier Être, ce que tient la foi seule : la distance du premier efficient au Premier Être mesure la distance du Dieu de la raison au Dieu de la foi.

2. Le premier efficient.

La preuve par la cause efficiente est la preuve philosophique par excellence, est ratio omnium philosophorum. Occam l’expose comme suit : Quicquid realiter producitur ab aliquo conservatur quamdiu manet in esse reali, sed iste efjectus producitui, ergo ab aliquo conservatur quamdiu manet. De Mo conservato quæro : aut producitur ab alio, aut non, si non est efficiens primum, sicut est conservons primum, quia omne conservans est efficiens… Si autem producitur ab aliquo, ergo conservatur ab alio, et de Mo alio quæro sicut prius, et ita vel oportet ponere processum in infinitum vel stare ad aliquod primum quod est conservans et nullo modo conservatum et taie erit primum efficiens, sed non est processus in infinitum in conservantibus, quia tune aliqua infmita essent in actu, quod est impossibile sicut patet per rationes Philoscphi et aliorum quæ sunt satis rationabiles, sic ergo videtur per istam rationem quod est dare primum conservans et per consequens primum efficiens. I Sent., dist. II, q. x, O. Le point de départ de la preuve, c’est le fait de la conservation de choses d’abord produites ; il y a des choses qui naissent, qui sont produites ; une fois produites, elles continuent d’être ; c’est qu’elles sont conservées. Les causes qui assurent leur conservation doivent exister en même temps que ces choses qu’elles conservent : s’il y avait une infinité de causes conservatrices, nous serions en face d’une infinité actuelle, qui est impossible. Le poids de la preuve porte sur l’impossibilité de l’infini actuel. C’est pourquoi Occam préfère la preuve par les causes conservatrices, où cet infini est en question, à la preuve par les causes productrices, où il ne l’est point -.semper omne conservans sive médiate sive immédiate est cum conservalo, non autem omne producium requiril omne producens esse médiate vel immédiate cum producto, et ideo quamvis posset poni processus in infinitum in producenlibus sine infinitate actuali, non tamen in conservantibus cum actuali. Ibid. Il y a des choses qui, une fois produites, sont conservées dans l’être ; les causes qui expliquent cette conservation devant exister à la fois,