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N0M1NALISME. LA TRINITÉ

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Père n’est pas le Fils : deux personnes. C’est donc que ce par quoi le Père est Père n’est point ce par quoi il est Dieu, Pater non est Pater co quod Deus. 1 Sent., dist. XXX, q. iv, B : la paternité n’est pas l’essence.

Mais la paternité ne convient au Père que relativement au Fils : c’est une relation, manifestum est palernitatem esse relation.em.Loc. cit., A. La distinction de chaque personne d’avec l’essence suppose qu’une relation possède une réalité propre ; la multiplicité des personnes suppose en Dieu une multiplicité de relations réelles.

" Le Père est Dieu, la paternité n’est pas l’essence : nous sommes en face d’une distinction formelle jointe à une identité réelle. C’est bien l’enseignement de la tradition : teneo propter dicta sanctorum quod paternitas vere et realiter est in Deo et quod paternitas non est formaliler divina essentia… quia secundum beatum Auguslinum Pater non est eo Pater quo Leus, et manifestum est quod loquitur de ilto a parte rei quo realiter Pater est Deus et quo realiter Pater est Pater. Loc. cit., B. La réalité propre des relations et des personnes divines se fonde sur une distinction formelle.

Pour tenir la Trinité, il faut admettre des relations réelles et la distinction formelle : ce qu’exclut expressément, à partir du principe de non-contradiction, par la théorie capitale des distinctions, la métaphysique du nominalisme ; cf. supra, II, 6°, 1 (col. 748). A suivre la notion du réel que nous impose la raison, on ne peut concevoir dans l’identité d’une essence une pluralité de relations et de personnes : difficultas istius quæstionis oritur ex identitale divinæ essentiæ cum relatione et persona, quia si essentia et relatio et persona sint simpliciter una res numéro indistincta, difficile est videre quomodo sunt plures relaliones et plures personæ et non plures essentiæ. I Sent., dist. II, q. xi, B. La difficulté est extrême ; nous allons le constater en examinant tour à tour le problème des relations réelles et le problème de la distinction formelle.

2. La difficulté des relations réelles.

Nous avons dit comment Occam dénie aux relations toute réalité propre ; supra, 11, 5° (col. 745 sq.). Au moment où il pose cette doctrine, il a soin de préciser le plan de pensée où il se tient ; on y considère les choses du point de vue de la seule raison, l’ordre d’autorité de la foi mis à part : utrum, omni auctoritate fîdei… exclusa, facilius posset negari omnis relatio esse aliquid a parte rei quoeumque modo distinctum ab omni absolulo et absolutis quam teneri. I Sent., dist. XXX, q. i, A. Il ne s’agit pas tant de la vérité des choses que des possibilités présentes de notre raison, et nous ne devons pas nous dissimuler qu’à vouloir suivre seulement cette raison, en rejetant toute autorité, nous serions conduits à nier la Trinité : circa islam quæstionem primo sciendum pro intellectu quod non est quæstio de verilate : quid secundum vcrilatem sil tenendum, sed est : quid teneret volens præcise inniti rationi possibili pro statu isto et nolens aliquam seclum vcl auctoritatem recipere, sicut qui vellet præcise inniti ralione sibi possibili, et qui nollet accipere quamcumque auctoritatem diceret quod impossibile est 1res personas realiter distinctas esse unam rem simplicissimam. Ibid., B. On n’éclaircit point la pluralité des personnes dans l’unité de l’essence en distinguant les personnes de l’essence et entre elles par des relations réelles, car, du point de vue de la pure raison, la réalité propre d’une relation n’est pas moins inconcevable que la Trinité elle-même : quidquid sit de verilate, volens inniti rationi, quantum est possibile homini judicare ex puris naturalibus pro statu isto, facilius teneret negando omnem talem relationem de génère relationis esse aliam rem modo exposilo priusquam ejus opposilum, quia rationes difflciliores sunt ad istam partem quam ad aliam. Imo etiam dico quod rationes quæ non innituntur Scripturæ et dictis sanctorum ad probandum talem rem in nullo penitus sunt efficaces. El ideo dico : sicut ille qui vellet præcise sequi ralionem et non recipere auctorilatem Scripluræ Sacræ diceret quod in Deo non possunt esse très personæ cum unitale naturæ, ila qui vellet præcise inniti ralione possibili nobis pro statu isto habet œque bene tencre quod relatio non esset aliquid tale in re sicut multi imaginantur, quia ex principiis notis ex puris naturalibus et non creditis nullum sequitur inconveniens ad negativam partem. Ibid., P. Bien loin que la réalité des relations puisse jeter quelque lumière sur le mystère de la Trinité, si nous n’acceptions pas ce mystère, nous n’aurions aucun motif d’admettre leur réalité ; tout au contraire, laissée aux forces présentes de sa nature, la raison dénie aux relations toute réalité propre. Quand la foi nous apporte le fait de la Trinité, nous n’avons pas en notre pensée de quoi l’assimiler : la raison et la foi restent extérieures, car leurs enseignements sont, en ce point, exactement opposés.

Nous savons que le problème de la relation est une question dedistinction ; supra, II, 5° (col. 745) ; en examinant la distinction dans la Trinité, nous préciserons davantage la position d’Occam.

3. La difficulté de la distinction formelle.

Nous avons vu Occam nier la distinction formelle dans les créatures ; supra, II, 4° (col. 742). Il ne l’accepte en Dieu qu’en raison de la Trinité.

Quand il refuse la distinction formelle entre les attributs divins, Occam note qu’elle est à tel point in concevable qu’il faut seulement l’admettre là où la fol l’exige ; c’est une conséquence de la foi, ce n’en est d’aucune manière un éclaircissement : quamvis talis distinctio vel non identitas formalis possit poni œque faciliter inler essenliam divinam et sapienliam divinam sicut inter essentiam et relationem, quia tamen est difficillima ad ponendum ubicumque ponatur, non credo eam esse faciliorem ad tenendam quam trinitatem personarum cum unitale essentiæ ; ideo non débet poni nisi ubi evidenter sequitur ex traditis in Scriptura vel determinalione Ecclesiæ, propter cujus auctoritatem débet omnis ratio captivari. 1 Sent., dist. II, q. i, F.

En dehors de l’autorité de la foi, il n’y a aucune raison d’ac’.mettre ici la distinction formelle, que l’on refuse ailleurs : entre les personnes et l’essence, et pas entre les attributs et l’essence ; en Dieu, qui est infini, et pas dans les créatures, qui sont finies. Partout elle fait la même difficulté ; Occam suivra donc la raison qui la nie partout où il le pourra, sans contredire la foi. : Et ideo cum omnia tradita in Scriptura Sacra et determinatione Ecclesiæ et dictis sanctorum possunt salvari non ponendo eam inter essentiam et sapientiam, ideo simpliciter nego talem distinctionem ibi possibilem, et eam universaliter nego in creaturis, quamvis posset teneri in creaturis sicut in Léo. Ha enim credo facile est tenere trinitatem personarum cum unitale essentiæ in creaturis, sicut in Deo, nec difficilius est quantascumque rationes in oppositum ; quia credo quod pro statu isto œque potest satisfieri ralionibus probantibus non esse très personas in una essentia in creaturis sicut in Deo, nec potest evidenter cognosci quod plus facit infmitas ad hoc quod sint plures personæ in una essentia quam fmitas. Quia tamen unum est expressum in Scriptura, et aliud non, et videtur repugnare rationi, ideo unum est ponendum et aliud negandum. Ibid.

La raison, qui va de toute sa force contre la distinction formelle, est limitée par un fait d’autorité, qui la contredit au cœur ; c’est l’égalité de toute contradiction qui nous a conduits à n’admettre qu’une distinction ex natura rei : la distinction réelle ; mais en Dieu le syllogisme qui partout fonde la distinction réelle : omne a est b, c non est b, ergo c non est a, ne la fonde plus du fait de la Trinité : quia essentia divina est Filius, et tamen Pater non est Filius, et tamen Pater est essentia ; le Père est réellement identique à l’essence, mais s’en