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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. CONNAISSANCE ET VOLONTE DIVINES

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moclis ex parte rei, unum non est principium alterius ; sed essentiel et esse secundum istum sunt unum in Deo omnibus medis ex natura rei ; ergo essentiel non est principium esse plus quame converso. Entre essence et existence, pas de distinction formelle, ri de distinction de raison : Si dicatur quod difjerunt ratione, contra hec aryutum est prius : quia sic nulla res difjert ab aliquo reali, 1 Sent., dist. VI, q. i, C. L’essence est Dieu, l’existence est Dieu, esse quod est ipse Deus, ibid. De Dieu à Dieu, il n’y a aucune division ni priorité.

Considérons maintenant l’essence comme entendement, dans son rapport à l’acte de connaître, intelligere nullo modo est ab essentia divina in quantum ipsa est intellectus. quia intelligere nullo modo est ab essentia cum sit ipsa essentia divina omnibus modis ex natura rei, et ita non plus est intelligere divinum ab essentia divina quam essentia divina ab intelligere divino, loc. cit., F. En Dieu connaître ne dépend pas plus d’être qu’être de connaître. Si on accorde que les choses sont ainsi en soi, niais pas de notre point de vue, si dicatur quod intelligere est actus secundus, ergo saltem secundum modum nostrum intelligendi est ab essentia tanquam ab actu primo, Occam répond que notre point de vue est faux : dico quod intelligere divinum non est actus secundus plus quam essentia divina, et ideo non est ab essentia divina nisi secundum modum intelligendi falsum, quia atlribuil rei quod sibi répugnât, ibid. La loi de la pensée est dans son objet ; nous n’avons aucun droit à concevoir les choses autrement qu’elles ne sont, à mettre en Dieu les dépendances, les distinctions qu’il exclut. Certains disent : il n’en est pas ainsi en Dieu, c’est là notre manière humaine de penser et de parler. Occam reprend : nous devons changer de manière, si celle-ci est fausse, et il refuse toute analyse des choses divines.

Dans ces problèmes des attributs et c ! c l’essence divines, la théorie des distinctions commande, tout comme dans le problème des universaux et ce l’individu, et fait apparaître, dans les deux cas, l’unité du réel sous la multiplicité des noms et des concepts : universaux et attributs ne sont que des signes ; comme la substance individuelle est coulée d’un bloc, sans division ni degrés d’individualité, Dieu, Être parfait, est donné tout à la fois, sans distinction aucune ni degrés de perfection. Ici paraît l’unité du nominalisme : sa théologie n’est qu’une application de sa métaphysique, elle-même assurée sur sa logique.

La connaissance et la volonté divines.

Ayant traité de l’essence et des attributs en général, nous allons examiner les problèmes particuliers de la science et du vouloir divin.

1. La science divine.

Nous traiterons, avec Occam, de la science divine en n’oubliant jamais qu’elle est radicalement une avec l’essence de Dieu, [scientia] est tanta et omni identilate eadem divines essentia.’quam essentia est eadem divinæssentiæ, I Sent., dist. XXXV, q. i.

a) Dieu source des intelligibles ?
Duns Scot reconnaît un ordre des connaissances divines : ponitur quod Deus in primo intelligil essentiam sub ratione absoluta, in secundo instanti producit lapidem in esse intelligibili et intelligit lapidem, in tertio instanti, etc., / Sent., dist. XXXV, q. iv, D. — M. Gilson cite ce texte « très curieux » où paraît « une postériorité des essences par rapport à l’essence infinie de Dieu » et ajoute qu’ « un Dieu véritablement infini doit apparaître bien moins comme le lieu que comme la source des idées », La philosophie au Moyen Age, t. ii, p. 79, 84. Mais le dynamisme interne du Dieu scotiste n’apparaît que par l’établissement d’un ordre, d’un processus entre les choses divines.

Nous savons déjà qu’Occam refuse cet ordre : cela suflit à ruiner la doctrine de Scot : circa istam opinionem, potest argui per dicta prius, ubi oslensum est… quia talia inslaniia non sunt ponenda et ita impossibile est dari primo aliquod instans in quo prius intelligatur essentia quam creatura, ibid. Dieu ne connaît pas son essence avant de connaître les créatures ; toute sa connaissance, une avec son essence, est un acte indivis : Deus intelligil omnia quæcumque intelligit unico actu indistincto, ibid. Que ce terme d’acte ne nous trompe pas ; il ne faut voir dans la connaissance divine aucune production, car il n’y a pas d’intelligibles à produire : les créatures n’ont pas un être intelligible, éternel, esse intelligibile creatura’sibi conveniens ab œlerno, I Sent., dist. XXXVI, q. i, G, distinct de leur être réel, créé : esse cognitum creatura’est ipsa creatura, vel esse existere creatura, et sic est idem realiter cum creatura, ibid., X. Lorsque Dieu connaît la pierre, il n’y a en présence que le créateur et la créature : prœter Deum et ipsum lapidem intellectum nihil est imaginabile, ibid., S. On peut, si l’on y tient, dire que la pierre est en Dieu, mais elle est en Dieu de telle façon qu’elle n’est aucunement Dieu, aussi extérieure à Lui que la blancheur d’un mur est extérieure à l’œil qui la voit : isle lapis qui est cognitus a Deo isto modo continetur in Deo quod nullo modo est Deus, et isto modo, si esset usilatus modus loquendi vere posset diei quod albedo in pariete existens est vel continetur in oculo quia videtur in oculo meo. ibid., E. Pour une doctrine qui éloigne de la simplicité divine l’ombre de toute diversité, la connaissance divine ne peut être qu’une vision radicalement simple d’une multiplicité extérieure à Dieu : prsecise est pluralitas in cognitis et nulle modo in cognitione nec secundum rem nec secundum rationem, I Sent., dist. XXXV, q. v, F. De même que la pluralité des intelligibles scotistes, le nominalisme exclut la pluralité des idées thomistes.

b) Dieu, lieu des idées ?
Saint Thomas tient que Dieu connaît les créatures par leurs idées, unes en réalité avec son essence, mais distinguées par raison : idea est realiter divina essentia, et tamen difjert ratione ab ea ; l’idée, c’est l’essence divine considérée comme imitable par la créature : idea nihil aliud est de ratione sua formali quam respeclus imitabililatis ex consideralione intellectus in ipsa divina essentia, I Sent., dist. XXXV, q. v, B. « L’idée d’une créature, c’est donc la connaissance qu’a Dieu d’une certaine participation possible de sa perfection par une créature. » Gilson, La philosophie au Moyen Age, t. ii, p. 26. On peut dire que, pour saint Thomas, « Dieu trouve en soi, préexistants de toute éternité et déjà préformés, les types de toutes les choses qui peuvent exister, » ibid., p. 79 ; Dieu est le lieu des idées.

De même qu’il a identifié l’être intelligible à l’être réel, Occam identifie l’idée à la créature ; il garde le mot, mais en chasse le sens : ipsæ ideæ sunt ipsœmet res a Deo producibiles, I Sent., dist. XXXV, q. v, G. Les idées sont les choses mêmes que Dieu connaît, nullement ce par quoi il connaît : idea non est ratio cognoscendi, sed est illud quod cognoscitur. ibid., S. La métaphore de la vision s’impose encore à nous : Deus ipsasmet res cognoscit, quas postea producit, et illas aspicit in producendo, ibid., P. Dieu voit les choses mêmes qu’il produit.

Occam parle encore d’idées. Mais l’historien doit expliquer que, pour lui, Dieu étant radicalement simple, il n’y a pas d’idées divines ; son essence n’est donc, ni la source des idées, comme pour Scot, ni le lieu des idées, comme pour saint Thomas ; ici apparaît, pour ainsi dire, la personnalité du Dieu occamiste, en face du Dieu thomiste ou scotiste. et aussi du Dieu cartésien, radicalement simple, mais essentiellement actif : causa sui. Dieu est donné, et donné aussitôt comme connaissant : ex hoc ipso quod Deus est Deus, Deus cognoscit omnia ; sa connaissance, c’est encore son