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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. SIMPLICITE ABSOLUE DE DIEU

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les universaux ne sont pas le réel, mais des signes du réel. Le noininalisme opère partout la même division de la réalité des choses et des termes que nous affirmons. Penser, c’est signifier.

b)La multiplicité des attributs.
Autre difficulté : les attributs divins sont multiples, c’est un fait : comment expliquer cette multiplicité si Dieu est radicalement simple ? Il semble bien qu’il faille concevoir en lui une certaine diversité, pour fonder par exemple cette vérité qu’il connaît par l’entendement et non par la volonté, Deus… intelligit per intellectum non per voluntatem et vult per voluntatem, non per intellectum, loc. cit., q. i, C.

— Réponse d’Occam : que signifient les termes intellectus, voluntas ?

Si, par ces termes, la pensée visait précisément ce qui est en Dieu entendement ou volonté, illa res quæ est formaliter intelleclus, illa res quæ est formaliter voluntas, ibid., IJ Ii, intellect et volonté signifieraient une seule et même chose, et il serait vrai de dire : Deus intelligit per voluntatem, car Dieu connaît par son essence, qui est volonté aussi bien qu’entendement : Deus intelligit per intellectum et per illam rem quæ est realiter et formaliter voluntas, ibid.

Mais, par les termes : intelleclus, voluntas, la pensée ne vise pas seulement Dieu qui est entendement et volonté, mais encore les créatures, objets d’entendement et de volonté. L’objet de l’entendement, ce sont toutes les créatures possibles, celles qui sont et celles qui ne sont pas ; l’objet de la volonté, ce sont les seules créatures existantes : Deus vult a : per istam importatur quod a sil ; hoc autem non importatur per istam : Deus intelligit a, ibid. On dit que Dieu connaît par son entendement, on ne dit pas qu’il connaît par sa volonté, parce que l’objet de la volonté ne couvre pas l’objet de l’entendement, dicitur tamen non intelligere per voluntatem, quia non omne quod intelligit intelligit universaliler per voluntatem, ibid. Ainsi les attributs divins signifient essentiellement Dieu qui est un, accessoirement le créé qui est multiple : ce sont des termes connotatifs. De la leur pluralité, aliqui lermini possunt eamdem rem principaliter importare et alia distincta connotare, propter quæ distincta connotata potest aliquid vere prædicari de uno et verc negari de reliquo, aliquid vere prædicari de uno et vere negari de reliquo, ibid.

c) Retour à Pierre Lombard.
La multiplicité des attributs divins n’est qu’une diversité de concepts ou de noms, qui se rapportent à l’unité de l’essence divine et la multiplient pour ainsi dire relativement à la multiplicité du créé. Occam retrouve sa pensée dans Pierre Lombard : hoc est quod dicit Magister, l. I, dist. XXV, quod Deus propter diversos effectus sortitur diversa vocabula sicut providenliam, prædestinationem, prœscientiam et sic de aliis, ibid, CC.

Occam a conscience de tenir une position traditionnelle : « les attributs divins », c’est une expression et une pensée récentes, « les noms divins » ; voilà la formule et l’idée anciennes : Sancti antiqui non utebantur isto vocabulo attributa, sed pro islo utebantur hoc vocabulo nomina. Unde sicut quidam moderni dicunt quod attributa divina sunt distincta et diversa, ita dicebant antiqui… quod nomina divina sunt distincta et diversa, ita quod non posuerunt distinctionem nisi in nominibus et UNITATEM in re significata et diversitatem in signis, sicut dicit Augustinus, VI de Trinilate : « Deus, inquit, cum mullipliciler dicatur, vere et summe simplex est. » Quod exponens Magister Sententiarum, l. 1, dist. VIII, dicit sic : « Hoc diligenler notandum est quod dicit Augustinus solum Deum vere simplicem, cum dicat eumdem multipliciter dici, sed hoc non propter diversilaiem accidentium vel parlium dici, sed propter diversilaiem et mulliplicationem nominum quæ de Deo dicuntur, quæ licet multa sint, unum tamen signifteant, scilicet divinam naturam. » Quodl., III, q. ii. Nous avons noté la même pensée chez Abélard (col. 732). Dans sa doctrine des noms divins, le nominal isme du xiv° siècle retrouve, à travers le Maître des Sentences, le nominalisme du xir 2 siècle.

4. Le problème de l’ordre en Dieu.

Si l’on trouve en Dieu quelque diversité, on peut y établir un ordre. Duns Scot le fait sans cesse ; pour lui, l’ordre essentiel quedes choses auraient entre elles, siellesétaient réellement distinctes, elles le conservent si elles ne se distinguent plus ainsi, quæcumque huberent ordinem essentialem, si essent distincta realiter, eodem ordine se habent quoeumque sint distincta ; sed si essenlia esset distincta ab aliis perfectionibus realiter quæ sunt in divinis, ipsa esset simpliciter primum origine et perfectione…, ergo simili modo ubi sunt distincta secundum rationem essenlia est primum… I Sent., dist. XXXV, q. iii, Ii. Il faudra reconnaître un ordre de dépendance et de perfection entre l’essence et les perfections divines, une primauté de l’essence sur tout le reste : omnia alia quasi ab essenlia fluunl, ibid. Il y aurait dans les choses divines comme un mouvement intérieur et plusieurs moments : dicunt quod isle est processus, quod in primo instanti originis sunt omnia essenlialia, pula : essenlia, intelleclus et voluntas, actus intelligendi, actus volendi, in secundo instanti vel signo originis, Pater générât Filium, et in tertio signo producit Spiritum Sanclum, et lotus iste ordo originis completur in primo instanti naturæ, et in secundo instanti naturæ intelleclus divinus et voluntas feruntur respecta objectorum secundariorum, ita quod iste est ordo, quod essenlialia sunt prius notionalibus et nolionalia sunt priora essentialibus respectibus ad extra. Isla declarantur in diversis locis a Subtili Doctore, I Sent., dist. IX, q. iii, E. A partir de l’essence, les choses divines, quoique réellement une, s’ordonnent comme si elles étaient plusieurs.

Tout ordre repose sur une diversité ; Scot l’admet ici, Occam la nie ; où l’un peut admettre quelque ordre, l’autre doit nier tout ordre : ex hoc ipso quod aliqua] ponuntur idem realiter nullum ordinem habent, nec secundum rem, nec secundum rationem. Scot fait procéder la sagesse de l’essence, mais la sagesse et l’essence ne font qu’un : oslensum est prius quod sapienlia divina nullo modo distinguitur ab essenlia, ergo nullo modo (luit ab ipsa, I Sent., dist. XXXV, q. iii, O. La simplicité de Dieu exclut tout ordre intérieur.

Avec de la dépendance, l’ordre essentiel mettrait dans les choses divines du plus parfait et du moins parfait, donc de l’imparfait, omne posterius perfectione est imperfeclius, sicut omne prius perfectione est perfectius, sed nihil in Deo realiter est imperfeclius quoeumque tune enim aliquid imperfectionis esset in Deo ; ergo nihi’est ibi posterius perfectione, ibid., C. La perfection des choses divines leur interdit de s’ordonner ; même distincts, l’entendement et la volonté de Dieu n’auraient aucune priorité l’un sur l’autre, posilo quod intelleclus et voluntas aliquo modo distinguerentur in Deo ex natura, non tamen sequeretur quia haberent talem ordinem perfectionis vel originis, I Sent., dist. XI, q. i, F. L’ordre n’est pas moins exclu par la perfection que par la simplicité divines : tout ce qui est en Dieu est Dieu, donc un et également parfait.

La multiplicité et l’ordre ne sont que dans les concepts et les mots, nullement dans la réalité divine.

5. La perfection divine.

Arrêtons-nous à cette réalité simple qui est Dieu ; considérons à quel point, dans sa simplicité, elle est donnée tout à la fois, et la force d’Occam à marquer ce caractère.

On a dit, par exemple, que l’essence comme essence était, en Dieu, principe de l’acte d’être et l’essence comme entendement principe de l’acte de connaître : tout cela n’a point de sens, et pour la même raison.

Considérons d’abord l’essence dans son rapport à l’existence : quando aliqua sunt unum et idem omnibus