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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. CRITIQUE DU RÉALISME

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faite une science ? — De propositions : Scienlia quælibet est tantum de propositionibus lanquam de Mis quæ sciuntur, quia solæ propositiones sciuntur. Il va, pour une proposition, trois modes d’être, triplex esse, scilicet in mente, in voce et in scriplo ; il y a des propositions simplement pensées, d’autres parlées, d’autres écrites. Entre le plan de la pensée et les deux plans du langage, il y a une correspondance telle que l’analyse de la pensée suit les articulations du langage : sicut propositio prolata vere componitur ex vocibus, et proposilio scripta vere componitur ex scripturis, ita proposilio tantum concepta tantum componitur ex intellectionibus vel conceptibus seu intentionibus animée. Une proposition se décompose en termes, partes proposilionis, dont chacun possède également trois modes d’être, in mente, in voce, in scriplo. Ainsi, les universaux, prædicabilia, universalia quæ sunt termini propositionum. q. iv, A A. Écrits, parlés, pensés, ce sont toujours des termes, mais, écrits ou parlés, ils appartiennent à une langue particulière ; pensés, ils ne sont d’aucune : pars proposilionis consimilis [voci] in mente… circumscribendo omnem vocem… nullius linguæ est, q. iv, M. Cette logique qui se réclame de Boëce nous rappelle justement Abélard.

3. Théorie de la Suppositio.

Les termes d’une proposition y possèdent un sens : ils s’y rapportent à quelque chose dont ils sont les signes, relation qu’Occam exprime par supponere pro ; la suppositio est cette fonction de signification que le terme remplit dans la proposition. Précisons sur un exemple : le terme homo entre dans trois propositions, que nous considérerons in voce, in istis propositionibus prolatis et auditis auribus : a) homo est vox dissyllaba, b) homo currit, c) homo est species, q. iv, M.

a) Suppositio materialis.
Quand je dis : homo est vox dissyllaba, il s’agit du mot même, homo, du son dont il est fait, Ma vox tenetur materialiler, quia Ma vox ibi secundum quod proposilio estvera stat et supponil pro seipa. Quand le mot se prend pour le son dont il est fait, c’est la suppositio malerialis.

b) Suppositio personalis.
Je dis maintenant : homo currit, ce qui court, ce n’est pas le mot, ce sont les hommes, des individus réels, ibi [vox] stat personaliter, quia supponil pro ipsis hominibus non pro voce, quia Ma vox non potest currere. Quand le mot se prend pour les choses mêmes qu’il signifie, pro ipsis rébus significalis, pour un ou des individus, c’est la suppositio personalis.

c) Suppositio simplex.
Si je dis : homo est species, il ne s’agit plus des hommes, d’individus, mais de quelque chose qui leur est commun, Ma vox supponit simpliciler pro aliquo communi. Il y a suppositio simplex quand le mot est pris, non pour des individus, mais pour quelque chose de commun.

Au lieu de : homo est species, je pourrais dire : homo est universale. Cet aliquod commune auquel homo se rapporte dans la suppositio simplex, c’est précisément l’universel dont nous discutons la nature, Mud quod immédiate et proxime denominatur ab intentione universalis, q. iv, A. Mais, en traitant de natura universalis, nous quittons la logique, nous sommes en métaphysique : logicus præcise habet dicere quod in isla proposilione : homo est species, subjectum supponil pro uno communi et non pro aliquo significalo suo (pour un des individus qu’il désigne). Utrum autem Mud commune sil reale vel non sit reale, nihil ad eum sed ad metaphysicum, dist. XXIII, q. i.

4. Le problème métaphysique.

Arrêtons-nous à ce passage de la logique à la métaphysique. Au cas où un nom commun, homo, par exemple, ne désigne plus les individus auxquels il s’applique, mais se prend pour ce quelque chose qui leur est commun, pro aliquo communi, il s’agit de déterminer ce que précisément il recouvre : une chose en quelque façon réelle extra animant, — c’est la réponse des « réalistes », ou bien un terme simplement pensé, in anima, — c’est la réponse des « nominalistes » ou « terministes » ; cf. Michalski, Le criticisme et le scepticisme dans la philosophie du XIV siècle, Cracovie, 1926, p. 78-80. Qu’on ait à discuter le réalisme, utrum universalia sint res extra unimam, ou à préciser une position nominal iste, utrum [universalia] sint subjective in anima, an objective tantum, dans les deux cas, on dépasse la logique, on fait de la métaphysique.

Voici deux textes d’Occam, décisifs : parus logicus non habet disputare utrum universalia quæ sunt termini propositionum sint res extra animam vel tantum in anima vel in voce vel in scriplo, dist. II, q. iv, A A ; — utrum autem talia (homo, animal, etc.) sint realilcr cl subjective in anima, an objective tantum, non hoc spécial determinare ad logicum, dist. XXIII, q. i, D. Nos questions iv à vin de natura universalis sont toutes de la métaphysique : il s’agit partout de la possibilité ou de l’impossibilité de inodes d’existence, soit hors de l’âme, soit en l’âme. Mais sur la question in anima, on n’atteint qu’à la probabilité ; sur les questions extra animam, on touche à l’évidence ; là d’ailleurs se joue l’essentiel du débat ; c’est là que le nominalisme se sépare du réalisme. Examinons ces conclusions des questions iv-vii, auxquelles Occam tient si fort, où paraît l’absurdité du réalisme, l’évidence du nominalisme. D’une logique qui analyse la pensée à partir du langage et nous rappelle la logique d’Abélard, nous allons vers une métaphysique : y retrouverons-nous l’esprit d’Abélard ?

L’absurdité du réalisme : l’idée d’individu.

Chaque forme de réalisme se définit par la façon dont elle distingue l’universel des individus où il se réalise :
1. realiter ;
2. formaliler ;
3. secundum rationem ;
cf. supra 1°, 2.

1. Realiter.

La première forme du réalisme se subdivise à son tour en deux selon que l’universel se multiplie ou non, d’un individu à l’autre ; col. 734 au bas.

a) Non multiplicatur.
En face de l’idée d’une chose qui existerait en plusieurs tout en restant identique à soi, la position d’Occam est extrêmement nette : isla opinio est simpliciler falsa et absurda ; cette note d’absurdité revient maintes fois : …quæ absurda sunt et multa alia absurda quæ tiullus sanæ mentis caperet sequunlur…, …ex Mo sequuntur multa absurda. .. I Sent., dist. II, q. iv, D.

Parmi cette surabondance d’absurdités, essayons de distinguer une note dominante. Le premier argument qu’apporte Occam s’énonce ainsi : talis res [universalis ], si poneretur, essel una numéro, ergo non essel in pluribus singularibus, nec de essentia illorum. Le second confirme le premier et s’achève ainsi : ergo est una numéro. Quant au troisième, voici encore sa conclusion : ergo non est aliqua res universalis de essentia istorum individuorum. Nous voulons mettre dans les individus une chose universelle, absolument une en soi et essentielle à eux tous ; mais cette chose, ce n’est plus un universel, c’est un individu de plus, est una numéro, extérieur aux autres, non est de essentia istorum. Occam s’explique on ne peut plus clairement : vere et proprie potest dici… quod Ma res universalis est una numéro, sicut essentia divina est una numéro, et sicut intelleclus possibilis qui fingitur a Commentatore est unus numéro, et sicut quicumque angélus est unus numéro, et anima intellectiva secundum rei veritatem est una numéro ; comme Dieu, l’intellect d’Averroës, l’ange, l’âme intellective, notre universel est un individu « séparé ». Il est séparé du sensible ; Occam peut évoquer plus loin le platonisme, opinio Platonis, — et il devient proprement individuel, singulier : et ita per consequens cum omnis res una numéro sit vera res singularis, omnis