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    1. NOMINALISME##


NOMINALISME. SIGNIFICATION DES UNIVERSAUX

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attention à la nature ou propriété d’une chose, nous verrons que c’est précisément l’intellection. Et voici la signification intellectuelle : Inlellcctum quoque designare dicuntur, sive is sil iniellecius profcrentis vocem, sive audientis cam. Nam intelleclum proferentis in eo significare vox dicituT, quod ipsum auditori manifestât, dum consimilem in auditore générât. Éd. Geyer, p. 307, 1. 30 : p. 308, 1. 1. Je parle pour faire voir la nature des choses et découvrir ma façon de la voir.

1. Le problème : les universaux paraissent dépourvus de toute signification.

Les termes singuliers ont cette double signification : ils signifient une chose, et, la signifiant telle qu’elle est, ils en communiquent une saine intellection, sanus autem est omnis intelleelus.. pcr quem attendimus uti rcs se habenl. lbid., p. 326, 1. 30-31. Il ne paraît pas en être de même des universaux, et c’est pourquoi ils font question : Bene autem de universcdibus non de singularibus vocibus quastiones fiebant quia non ila de siqnificatione singularium dubitabatur. Ibid., p. 30, 1. 6-7. Les termes universels semblent n’avoir aucun sens : ex loto a signifieaiione videntur aliéna. Ibid., p. 19, 1. G ; ni signification réelle, ni signification intellectuelle. Les choses sont essentiellement individuelles ; les universaux ne les désignent pas ainsi. Ils pourraient les désigner en tant qu’elles conviennent entre elles, mais il n’y a rien en quoi elles conviennent : Rébus autem nullis videbantur imponi universalia nomina, eum scilicct omnes res discrète subsistèrent nec in realiqua, ut oslensum est, convenirent, secundum hujus rei convenienliam universalia nomina possint imponi. Ibid., p. 18, 1. 9-12. La même intuition joue toujours le rôle décisif : l’individualité radicale des choses, qui les empêchait d’être universelles, empêche les universaux de les signifier.

Avec la signification réelle, les universaux perdent la signification intellectuelle : la pensée ne trouve rien à saisir dans un universel, ipsa communitas impositionis ci est impedimento, ne quis possit in eo intelligi, sicut in hoc nominc « Socrates » e contra unius propria persona intelligitur, unde singulare dicitur. In nomine vero communi quod « homo » est, nec ipse Socrates nec alius nec Iota hominum colleciio ralionabililer ex vi vocis intelligitur, nec etiam in quantum homo est, ipse Socrates pcr hoc nomen ut quidam volunt, certificatur. Ibid., p. 18, 1. 24-30. C’est toute la critique du réalisme qui empêche les universaux de constituer des intellections. En effet, comme l’a vu Poëee, une intellection sans objet n’est pas une intellection : ex nullo subjecto fieri intellectus non potest. Ibid., p. 19, 1. 5-6.

L’essentiel du terme est de signifier ; nous en sommes à nous demander comment des termes universels sont possibles, du côté des choses et du côté des intellections. Du côté des choses d’abord :

2. Signification réelle des universaux.

L’erreur du réalisme n’est pas de reconnaître, mais de concevoir mal la ressemblance qui existe entre les choses. Abélard accorde que Socrate et Platon conviennent l’un avec l’autre : in eo conveniunt quod homines sunt. Ibid., p. 19, 1. 23-24. Mais il n’ajoute pas, comme les réalistes, qu’ils conviennent en l’homme : Non dico in homine, cum res nulla sit homo nisi discreta. Ibid., 1. 24-25. Tout homme est individu et tout homme est individuel. Aussi la convenance s’établit, non en l’homme ou en une chose quelconque, mais dans le fait d’être homme : in esse hominem. Esse autem hominem non est homo nec res aliqua. Ibid., 1. 25-26. Il faut donc concevoir entre les choses une convenance qui ne soit pas une chose de plus, une chose dans les autres : [convenientia ] secundum id accipienda est, quod non est res aliqua. Ibid., 1. 31. Mais n’être pas une chose, cela ne veut pas dire n’être rien ;

Abélard se défend d’unir des réalités dans le néant, in nihilo, p. 20, 1. 2. Il y a un état d’homme qui n’est pas rien et n’est pas une chose, stalum autem hominis, ipsum esse hominem quod non est res, vocamus. Ibid. p. 7-8. Si nous l’entendons bien, cette doctrine met entre les individus une ressemblance réelle, mais qu’on ne peut d’aucune façon réaliser à part, en une essence : la nature d’homme n’est que la convenance substantielle des individus, absolument indistincte des individus. Cette ressemblance suffit à rendre raison du terme universel, du côté des choses ; voilà ce que nous cherchions : comniunis causa secundum nomen impositum est, p. 19, 1. 15-16. Il y a dans les choses une raison de les nommer par des universaux.

Faut-il parler de « réalisme modéré » ? Geyer, Die Slellung A bælards in der V niversalienfrage nach neuen handschriftlichen Texlen dans Festgabe… Clemens Bacumker, p. 115 ; de Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, 5e éd., t. i, p. 154-156. En ce point de notre étude, rappelons seulement qu’Abélard a refusé toutes les manières, par lui connues, d’attribuer aux choses l’universalité, telle qu’il la définit. Par leur convenance mutuelle, les choses assurent aux termes une universalité qu’elles n’ont pas : universalilalem quam res voci confert, ipsa in se res non habet. Éd. Geyer, p. 32, 1. 8-9. Il y a assez en elles pour que des universaux puissent les signifier : communem causam impositionis nominis ad singulos, secundum quod ipsi ad invicem conveniunt. Ibid., p. 30, 1. 8-Ô.

Ayant assuré la signification réelle des universaux, considérons leur signification intellectuelle, voyons quelles intellections ils constituent.

3. Signification intellectuelle des universaux.

C’est toute une psychologie qu’Abélard introduit ici : nous en marquerons seulement les articulations essentielles. Avant de considérer l’intellection des universaux, il faut considérer l’intellection en général.

a) Intellection : conception d’une image.

Le sens use d’instruments corporels et ne peut donc percevoir que des objets corporels. Il n’en est pas de même de l’intellection : Intellectus autem sicut nec corporeo indigens inslrumento est, ila nec necesse est eum subjectum corpus habere in quo mittatur, sed rei simililudine contenlus est, quam sibi ipse animus conficit, in quam sua' intelligentia> aclionem dirigil. Ed. Geyer, p. 20, 1. 23-27. Il faut au sens la chose présente. Quand elle l’est, l’intellection l’atteint, comme le sens. Ibid., p. 21, 1. 18-26. Mais, si la chose est absente, il suffit à l’intellect de sa ressemblance, qu’Abélard désigne de multiple façon : rei similitudo, ibid., p. 20, p. 28 ; forma rei quam [intellectus ] concipit, ibid., 1. 20-30 ; res imaginaria quiedam et ficta, ibid., 1. 31-32 ; imago, p. 21, 1. 6 ; forma imaginaria, p. 313, 1. 36 ; instar quoddam., p. 314, 1. 1 ; rerum effigies, ibid., 1. 6, etc. Nous dirons simplement « image » et nous parlerons, comme Abélard, de leur « conception » par l’âme.

Grâce aux images, l’intellection trouve un objet, en l’absence de la chose même ; entre l’intellection et l’image, il y a l’opposition d’une action de l’âme à l’objet où elle tend, même opposition qu’entre le sens et la chose sentie : Sicut autem sensus non est res sensila, in quam dirigitur, sic nec intellectus forma est rei quam concipit, sed intellectus actio quædam est animée, unde intelligens dicitur, forma vero in quam dirigitur res imaginaria quædam et ficta. Ibid., p. 20, 1. 28-32. Dans* l’image, l’àme se donne un objet ; cela se produit dans l’intellection de toutes choses, même non sensibles, à l’exception des images elles-mêmes : Sed et ipsam imaginem rei si cogitamus per se ipsam, non pcr aliam imaginem accipere videmur, quia cum ipsa se prasenlel intellcctui, non est opus pro ea aliam supponere. C.elcras vero res insensibiles non nisi per ima-