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    1. NOMBRES (LIVRE DES)##


NOMBRES (LIVRE DES). PRESCRIPTIONS CULTUELLES

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Le culte.

La législation concernant le culte est

de beaucoup la plus importante dans le livre des Nombres, les lois d’ordre social ou civil n’y tenant qu’une place assez restreinte. Elle a pour objet d’assurer cette pureté et cette sainteté requises du peuple de Jahvé, de régler l’offrande des sacrifices de chaque jour et des fêtes, de préciser les fonctions des prêtres et des lévites et de déterminer leurs-revenus.

Pour juger de ces innombrables prescriptions avec leur souci du détail et de la réglementation qui exclut toute initiative, il faut se rappeler qu’elles ne sont en définitive que l’affirmation pratique du souverain domaine de Jahvé sur toutes choses ; qu’il s’agisse de personnes, de temps, d’animaux, de produits du sol, hommage doit lui en être fait en reconnaissance de ce droit divin sur tout être. De même, pour juger de la valeur morale de l’observation de toutes ces règles, il ne faut pas perdre de vue qu’elle n’est qu’obéissance à la loi divine et qu’elle - n’est pas à opposer à la foi ou à l’amour pour Dieu, plus en relief dans d’autres parties du Pentateuque, dans le Deutéronome par exemple. Cette obéissance ne constitue pas, en effet, comme le prétend volontiers la critique moderne, une religion de qualité inférieure, « la religion des œuvres », car cette obéissance, loin d’exclure, suppose cette foi et cet amour qu’elle a précisément pour objet de sauvegarder en les tenant à l’abri des influences païennes. Si ce résultat n’a pas toujours été atteint, si, en fait, la pratique d’un culte aux multiples observances est parfois devenu le tout de la religion, la faute n’en est pas aux prescriptions rituelles, mais à ceux qui, malgré les avertissements répétés des prophètes, en méconnaissaient trop souvent le véritable esprit et la valeur religieuse.

A ces remarques générales sur la nature des institutions cultuelles du livre des Nombres, il suffira d’ajouter quelques précisions qui compléteront ce qui a déjà été dit, à l’article Lévitique, sur le sacerdoce et sa hiérarchie, les sacrifices et leur signification.

Minisires du culte.

Une place importante est

réservée dans les Nombres à ceux qui ont la charge du culte : prêtres et lévites. A maintes reprises sont mentionnés les privilèges de la tribu de Lévi ; l’histoire de la révolte de Coré, Dathan et Abiron est là pour rappeler le danger qu’il y aurait à usurper ces privilèges. Organisée hiérarchiquement, la tribu de Lévi a à sa tête le grand-prêtre ; s’il en est peu parlé au livre des Nombres, quelques brèves allusions suffisent à lui marquer son rang ; c’est ainsi que, dans la loi sur les villes de refuge, il est dit que le meurtrier demeurera dans la ville où il s’est enfui jusqu’à la mort du grand-prêtre qui a été oint de l’huile sainte, Num., xxxv, 25, 28, 32. Après lui viennent les prêtres, les seuls descendants d’Aaron ; leurs droits et leurs devoirs sont brièvement rappelés, iii, 10 ; iv, 11-16 ; xviii, 5-7 ; leurs revenus indiqués, v, 5-10 ; vi, 19-20 ; xv, 20-21 ; xviii, 8-19, 25-32 ; xxxi, 25-29. Puis les lévites dont il est plus longuement question ; objet d’une consécration spéciale, vin, 5-22 ; ils sont au service des prêtres auxquels ils demeurent subordonnés, iii, 5-6, 9 ; iv, 19, 27-28, 33 ; xviii, 2, 4-6 ; à eux incombent la charge du matériel de la tente de réunion et le ministère du tabernacle, 1, 48-53 ; m ; mais l’approche de l’autel et des ustensiles du sanctuaire leur est interdite, iv, 15, 17-20 ; xviii, 5 ; pour assurer leur subsistance des revenus leur sont assignés, xviii, 21-24 ; xxxi, 28-30, 47 ; xxxv, 1-8. Cf. A. Eberharter, Der isrælilische Levitismus in der vorexilischen Zeit, dans Zcitschrifl ftir katholische Théologie, 1928, p. 492-518.

Cette dernière question des revenus des prêtres et des lévites, telle qu’elle est traitée au c. xviir des Nombres, constitue une contribution importante à l’histoire du sacerdoce en Israël. Les revenus assignés

dans ce passage aux lévites sont plus considérables que ceux qui leur sont concédés par ailleurs, soit dans le Deutéronome, soit dans telle autre partie de la littérature préexilienne ; ils sont plus considérables aussi que ceux des prêtres dans le livre d’Ézéchiel, mais moindres que ceux fixés dans la Mischna ou à certain point de vue dans le Lévitique, xxvii, 30-33. Si, au sujet de cette réglementation spéciale de la loi mosaïque, des modifications et surtout des précisions ont été apportées au cours des siècles, si l’on ne trouve mention de leur mise en application qu’à la période postexilienne, ce n’est pas à dire que, dans les temps anciens, rien n’ait été prévu ou réglé à cet égard. Bien avant l’exil, en effet, les prêtres avaient leur part dans les sacrifices offerts et recevaient des dons de ceux qui se rendaient aux sanctuaires, s’attribuant même parfois beaucoup plus que la loi ou la coutume leur concédaient. Cf. I Reg., ii, 12-17. La forme même des sacrifices, aussi bien dans les récits que dans les codes antérieurs à l’exil, selon laquelle une portion plus ou moins considérable de la chair du sacrifice était consommée par l’offrant et sa famille, laisse supposer qu’une part également était réservée aux prêtres dais ce repas sacrificiel. Cette simple participation ne pouvait évidemment constituer le moyen ordinaire de subsistance des prêtres et des lévites ; il en existait d’autres ; des pains consacrés leur étaient réservés, I Reg., xxi, 3-6 ; cf. IV Reg., xxiii, 9 ; l’argent des sacrifices pour le délit et des sacrifices pour le péché allait aux prêtres, IV Reg., xii, 16 ; cf. Deut., xviii, 1-5 ; les premiers fruits de la récolte et la dîme, qui figurent parmi les plus importants revenus des prêtres, étaient également déjà prélevés avant l’exil, mais dans des proportions très variables. Cf. Ex., xxiii, 19-xxxiv. 26 (JE) ; Deut., xii, 6, 11, 17-19 ; I Reg., viii, 15.

Pour ce qui est des cités lévitiques, Num., xxxv, il est certain que très anciennement certaines cités apparaissent réservées aux prêtres : Silo, par exemple, I Reg., iv ; Nobé, appelée ville des prêtres, du temps de Saûl, I Reg., xxii, 19 ; Anathoth, Bethel peuvent, elles aussi, être appelées de même, Jer., i, 1 ; Am., vii, 10. Il n’est pas dit pourtant que les prêtres en aient été les propriétaires.

Ces quelques allusions, relevées ça et là dans la littérature antérieure à l’exil, ne suffisent sans doute pas à établir l’origine mosaïque des moindres prescriptions relatives aux revenus des prêtres et des lévites, elles témoignent du moins de l’existence, aux temps anciens, d’une législation ayant pour objet la subsistance des ministres du culte. Il n’en va pas autrement d’ailleurs chez les peuples voisins d’Israël. L’antique rituel babylonien prévoyait pour les prêtres et les serviteurs du temple une part des victimes et des offrandes. Cf. Dhorme, Textes religieux assyro-babyloniens, p. 391-393 ; dans l’ancienne Egypte, des terrains étaient alloués aux prêtres pour l’entretien des temples, de même en Syrie où des villes s’y trouvaient comprises. Cf. Sayce, The early history of the Hebrews, p. 237 ; Erman. Life in ancient Eyypt, p. 299 ; Lagrange, Études sur les religions sémitiques, le tarif de Marseille, p. 395-397 ; van Hoonacker, Le sacerdoce lévitique.

4° Sacrifices, Fêtes, Oblations. — La législation des Nombres complète et développe sur ces différents sujets celle du Lévitique. Non mentionné dans ce dernier est le sacrifice quotidien. Chaque matin et chaque soir, on doit offrir un agneau d’un an, accompagné des oblations ordinaires. Cf. Ex., xxix, 38-42. C’est l’holocauste perpétuel, élément essentiel du culte, puisqu’il se renouvelle aux sabbats et aux autres fêtes de l’année, avec modification seulement du nombre et de l’espèce des victimes ; tout un traitédela Mischna, Tâmîd, lui est consacré ; sa cessation est considérée comme la pire des calamités, car elle ne signifie rien