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NOMBRES (LIVRE DES). DOCTRINE


IV. Doctrine. -- Important pour l’histoire d’Israël, le livre des Nombres l’est encore davantage pour sa religion, par sou contenu sans doute, mais aussi par son caractère qui est celui d’un livre ayant un but didactique et religieux : rappeler au peuple des Hébreux les bienfaits et les miracles de Jahvé pour Israël, alin de l’inciter à la fidélité envers ce Dieu et sa loi.

D’uni’façon générale.ilcontinue.en la développant et l’adaptant, la révélation du Sinai’: aussi la vérité fondamentale que suppose toute la vie des Israélites au désert et qui est comme le thème central des Nombres, c’est que Jahvé est un Dieu personnel et vivant, soucieux de la lidélité et du salut de la nation qu’il s’est choisie. La vigilance qu’il exerce sur Israël durant son séjour au désert en est une preuve. Instrument et porte-parole de Jahvé, .Moïse apparaît de plus en plus comme le premier et le plus grand des prophètes, favorisé des communications divines, plus même que le grand prêtre Aaron. Num., xii, 1-15. Par lui, la vie sociale et religieuse d’Israël achève de recevoir, poulies siècles, à venir l’orientation qui fera sa grandeur.

lue étude doctrinale complète du livre des Nombres est inséparable de celle des autres livres du Pentateuque. Relevons seulement quelques traits caractéristiques de l’enseignement qu’on peut en dégager sur Dieu, son culte avec ses ministres, ses sacrifices et ses fêtes et sur un certain nombre de rites et d’usages particuliers.

Dieu.

Le monothéisme moral, dont l’origine,

d’après certains, ne remonterait pas au delà des prophètes des ixe et viiie siècles, s’affirme dans les Nombres, à maintes reprises, aussi bien dans les textes les plus anciens que les plus récents au jugement des critiques. Particulièrement significative à ce point de vue est l’histoire de Balaam, Num., xxii-xxiv (JE et éléments antérieurs, surtout les oracles). L’idée dominante du récit est celle de la puissance de Jahvé qui, pour défendre son peuple et réaliser ses intentions bienveillantes à son égard, triomphera de tous ses ennemis : rien ne saurait faire obstacle à ses desseins, contre lui les pratiques magiques elles-mêmes demeurent impuissantes. Ce peuple a vaincu jadis la résistance du pharaon et de l’Egypte au début de l’exode ; il triomphera de même de la résistance de Moab, à la fin de l’entreprise, sur le point d’entrer en Canaan ; Balaq, tout comme le pharaon, aveuglé par sa haine contre Israël, provoque la colère de Jahvé ; son insistance même tourne à sa confusion. Cf. Mich., vi, 4-5. Pour révéler les destinées de son peuple, Jahvé commande à Balaam, le serviteur de dieux étrangers ; pour ce Dieu souverain, la domination n’est pas confinée, en effet, aux limites de son peuple choisi et le devin moabite parlera de Jahvé, « son Dieu », comme le ferait un enfant d’Israël ; le titre de Saddaî, qu’il lui donne, Num., xxiv, 1, traduit ordinairement par Tout-Puissant, demeure incertain ; son étymologie et sa signification précise n’ayant pu être fixées.

La domination duDieu d’Israël s’affirme encore dans la manière dont il dispose en faveur de son peuple des territoires dont les autres dieux seraientles maîtres. Num., xxi, 21-35. C’est que lui seul est maître et souverain. L’épisode de l’idolâtrie d’Israël, Num-, xxv, 1-5 (JE), vient le rappeler sévèrement à ceux qui l’avaient oublié. Se conformant à la coutume antique d’honorer la divinité du pays où l’on se trouve, des Israélites, entraînés par des femmes de Moab, s’étaient adonnés au culte idolâtrique de Béelphégor. La mort fut le châtiment d’un grand nombre des coupables. Même en pays de Moab, seul Jahvé avait droit aux honneurs du culte de son peuple ; il ne fallait pas que, par ses concessions aux croyances et aux pratiques païennes, Israël fit de sa foi en Jahv, é une simple monolâtrie. tolérant aux côtés du vrai Dieu toutes

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

sortes de divinités étrangères. Cet incident n’est d’ailleurs qu’un épisode de ce dualisme aux manifestations si nombreuses au cours de l’histoire d’Israël : d’une part les tendances religieuses du milieu populaire qui trop souvent se manifestent par l’infidélité a Jahvé et d’autre pari la religion historique, fondée par une personnalité historique, conservée et développée par des personnalités historiques, en premier lieu les prophètes. L’expression « Dieu des esprits », « de toute chair », Num.. xvi. 22 : xxvii, 10 (P) indique assez que Jahvé ne doit pas être confondu avec une divinité locale, le dieu d’un clan ou d’une tribu.

Les différentes manières dont Jahvé se manifeste ne laissent pas moins entendre combien il est au-dessus de tous les êtres créés. Si, dans les Nombres, les manifestations de sa présence n’ont pas le caractère grandiose de celles du Sinaï, les termes employés pour la désigner : nuée, gloire, ange de Jahvé, sont des symboles plutôt que des images qui ne sauraient prétendre à une représentation de la divinité. On voit tout de suite quelle signification donner à des expressions comme celles de « sacrifice d’agréable odeur à Jahvé » ; si elles évoquent l’idée de ces dieux qui prenaient un réel plaisir à la fumée des sacrifices consumés par le feu, telles, dans l’histoire du déluge, ces divinités babyloniennes se pressant aussi nombreuses que des mouches au-dessus du sacrifice, cf. Gen., viii, 21, elles sont à tenir pour de simples foimules à entendre au sens métaphorique, d’autant plus qu’on les rencontre dans des passages atlribués par les critiques au document le plus récent, selon eux, du Pentateuque, Num., xv. 3, 7. 10 ; xviii, 17 ; xxviii, 2, 6, 8, 13, 24, 27 : xxix. 2, 8, 13, 36. Même remarque s’impose au sujet de cette autre expression : « mon aliment, ma nourriture », qu’emploie Jahvé en prescrivant les sacrifices à lui offrir, Num., xxviii, 1 ; de l’idée primitive, commune aux Grecs et aux Babyloniens, que les dieux mangeaient réellement les victimes qui leur étaient immolées, il ne reste plus qu’une formule, vide de toute conception anthropomorphique pour l’auteur sacré.

Ce Dieu n’en est pas moins une personnalité vivante dont l’activité se manifeste surtout dans ses interventions en faveur du peuple qu’il s’est choisi. Israël est vraiment son fils, objet de son inlassable sollicitude, spécialement lors de la sortie d’Egypte et du séjour au désert ; il le précède dans la marche vers la Terre promise, x, 33, combat pour lui, x, 35, xxi, 14, lui donne la victoire, xxi, 1-3. Qu’à cette conception des rapports de Jahvé et de son peuple, le Dieu d’Israël risquât d’être considéré comme un dieu national, tel Camos le dieu de Moab ou les divinités cananéennes qui se devaient également aux intérêts de leurs sujets, c’est ce qui n’apparaît que trop au cours de l’histoire et contre quoi ne cesseront de réagir les authentiques représentants de la vraie religion.

Un autre trait caractéristique de Jahvé, nettement marqué dans les Nombres, dans cette partie de ses récits surtout que la critique attribue à l’école sacerdotale, c’est la sainteté. L’emplacement de la tente à l’intérieur du camp symbolise la présence sanctifiante de Dieu au milieu de son peuple. Cette divine présence doit être préservée de tout voisinage profane : c’est pourquoi la tribu de Lévi sera toute proche de la tente pour la séparer des autres tribus, tandis que les prêtres en garderont l’entrée à l’Est ; c’est pourquoi tout ce qui est destiné à Jahvé : victimes et oblations. devra être exempt d’impureté et bien plus encore tous ceux qui doivent s’approcher de lui pour le servir, prêtres et lévites ; au peuple élu la sainteté divine impose des conditions de pureté et de perfection. Voir sur le sens de cette notion de sainteté l’art. LÉviTiyn :.

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