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    1. NOMBRES (LIVRE DES)##


NOMBRES (LIVRE DES). VALEUR HISTORIQUE

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Cf. J. Calés, Bulletin d’exégèse de l’Ancien Testament, dans Recherches de science religieuse, 1923, p. 178-180. A son tour, un autre savant protestant, Hugo Gressmann, après avoir loué l’œuvre utile de la critique littéraire, surtout dans l’élucidation des sources du Pentateuque, blâme ses exagérations qui lui ont fait rajeunir indûment les neuf dixièmes de l’Ancien Testament. Il est temps, ajoute-t-il, de changer de méthode. Le proche Orient, avec lequel il faut comparer Israël pour voir en quoi il lui ressemble, en quoi il en dill’ére, sur quels points il subit son influence, comment il résiste et réagit, aidera à apprécier plus justement l’Ancien Testament et sa religion. Die Aufgabe der alttestamentlichen Forschung, dans ZcilschriftfiirA. T. Wissenscha/t, 1924, p. 1-33. Dans cette même revue, fondée par R. Stade et continuée par K. Marti, dont on sait les tendances nettement radicales, V. Stærk fait encore cette remarque : « L’opposition scientifique à la méthode et aux résultats de la critique du Pentateuque telle que l’a pratiquée l’école de critique littéraire grandit manifestement en puissance et en autorité ». Zur altlestamentlichen Literalurkritik, Grundsalzliches und Methodisches, 1924, p. 3474. Cité d’après J. Calés, Recherches de science religieuse, 1925, p. 461. Plus significatif encore la brochure ou plutôt le manifeste du pasteur Kegel, Los von Wellhausen, ein Beitrag zur Neuorienlierung in der alttestamentlichen Wissenschaft, Gûtersloh, 1923, qui souligne, en l’exégarant parfois, la même tendance.

Comme conclusion enfin à son aperçu de l’histoire de la critique du Peutateuque, Sellin constate que cette dernière est arrivée à une époque de « fermentation et de transition » et que, sur bien des points, une orientation nouvelle se produit ; il faut en particulier, notet-il, reconnaître que, dans des documents de rédaction récente, se trouvent bien des éléments très anciens tant historiques que législatifs et qu’il n’est pas aussi simple qu’on l’avait cru de définir et de déterminer les différents documents. Einlcitung in das Alte Testament, 5° édit., Leipzig, 1929, p. 19-20.

II. d’après la critique catholique. — Les conclusions de la critique indépendante, tant au point de vue littéraire qu’au point de vue historique, ne sont pas, dans l’ensemble, admises par les catholiques qui croient pouvoir garder au Livre des Nombres son authenticité mosaïque au moins substantielle et surtout y voir une source d’information véridique pour les temps de l’exode et du séjour des tribus israélites dans le désert.

Authenticité.

Laissant de côté les arguments

empruntés au Peutateuque en général, retenons seulement quelques-uns de ceux empruntés au Livre des Nombres lui-même. — C’est d’abord l’affirmation que Moïse a composé au moins telle partie du livre ; ainsi Num., xxxiii, 1-2, il est dit : « Voici les campements des enfants d’Israël, quand ils sortirent du pays d’Egypte, selon leurs troupes, sous la conduite de Moïse et d’Aaron. Moïse mit par écrit les lieux d’où ils partirent, selon leurs campements, d’après l’ordre de Jahvé ». Strictement il n’est question que de la liste des stations d’Israël dans le désert, xxxiii, 3-49. A la remarque que cette attribution d’un passage en particulier a Moïse laisserait entendre que le reste du livre n’est pas de lui, on répond que la rédaction de tels passages, faite par ordre exprès de Dieu, en vue d’assurer le souvenir d’événements plus notables, n’exclut pas pour autant la relation par le même auteur d’autres événements. « Les passages de l’Exode et des Nombres qui attribuent explicitement à Moïse la rédaction de quelques écrits ne restreignent pas son activité littéraire à ces récits. Ils disent qu’il est l’auteur de ces morceaux ; ils ne disent pas qu’il n’a écrit que cela. »

E. Mangenol, L’authenticité mosaïque du Pentateuque, p. 211.

On applique aussi parfois à la section législative de l’Exode, du Lévitique et des Nombres ce qui osl dit au c. i, 5, du Deutéronome, à propos de l’explication que Moïse va faire d’une loi certainement antérieure ; certes la promulgation de la Loi par Moïse y est affirmée, mais non la rédaction par lui des livres qui la renferment.

On a relevé dans les Nombres quelques-uns des indices, recueillis çà et là dans le Pentateuque, qui vont à suggérer, sinon à imposer, la rédaction par un contemporain et un témoin oculaire des événements. La mention, par exemple, de la nourriture que regrettent les enfants d’Israël, dégoûtés de la manne, Num., xi, 5, et qui n’est autre que celle des ouvriers égyptiens ; celle de la date de la fondation d’Hébron, sept ans avant celle de Tanis d’Egypte, Num., xiii, 23 : ne supposent-elles pas un écrivain au courant des coutumes et de l’histoire d’Egypte par un séjour dans ce pays ? Cet écrivain, ajoute-t-on, ne saurait être que Moïse ; quel autre, en effet, que lui-même aurait osé rapporter les fautes et les faiblesses d’un si grand chef et d’un si grand législateur, son découragement dans les difficultés, Num., xi, 10-15 ; ses doutes au sujet de la puissance divine, xi, 21 ; xx, 10 ; les murmures du peuple contre lui, xi, 1-6 ; xiv, 1-4 ; xx, 2-5 ; xxi, 4-5 ; la protestation d’Aaron et de Marie à propos de la femme coushite qu’il avait prise, xii, 1-2 ; le châtiment enfin que Jahvé lui inflige en lui interdisant l’entrée de la terre promise, xx, 12 ? Or, si Moïse a écrit lui-même les récits historiques du livre des Nombres, il a dû également rédiger les parties législatives qui leur sont si intimement unies. Cf. A. Bea, De Pentateucho, Rome, 1928, p. 18-20 (Institutiones bibliese, ii, 1).

Le but et la tendance générale des récits des Nombres comme de ceux de l’Exode viennent corroborer cette conclusion. Ces récits, en effet, « en rappelant les promesses, en consignant le souvenir des interventions du Très-Haut, tendent à calmer le peuple, irrité par les souffrances du désert, à entretenir sa persévérance, à vaincre ses résistances. Ces données nous ramènent à l’époque de Moïse, elles nous ramènent à lui. Un auteur de date tardive n’aurait pas recueilli tant d’anecdotes défavorables aux ancêtres. De même la disposition des législations, dans lesquelles par le mélange des ordonnances cultuelles avec les prescriptions morales et sociales, on s’applique à mettre en relief le caractère unique de la constitution politico-religieuse d’Israël, invite à les regarder comme remontant aux origines mêmes de la nation ». J. Touzard, Moïse et Josué, dans A. d’Aies, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. iii, col. 728.

Cette authenticité n’est pas contredite par la répétition de récits relatant certains événements à peu près identiques : tel le double récit de l’eau miraculeusement donnée par Jahvé, Num., xx, et Ex., xvii, ou celui des cailles tombées du ciel, Num., xi, et Ex., xvii. Il n’y a pas double relation d’un seul et même événement, mais deux récits rapportant deux événements différents dont les circonstances sont loin d’être identiques. « Il n’est pas étonnant que les cailles aient deux fois servi de nourriture aux Israélites, puisque ces oiseaux ont coutume chaque année de survoler le désert. A deux reprises donc Dieu a produit le miracle pour nourrir les Israélites. Il n’est pas plus étonnant qu’à la fin de leur voyage au désert ceux-ci aient été de nouveau abreuvés miraculeusement ; c’était alors une génération nouvelle, les descendants de ceux qui, près de quarante ans auparavant, avaient vu le premier miracle. C’est de l’arbitraire que de nier simplement en pareil cas la répétition du même fait. (Voir dans le Nouveau Testament la double multi-