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NOMBRES (LIVRE DES). ORIGINE


habitants, xiii, 33 ; c’est tantôt Caleb seul, xiii, 31, tantôt Caleb et Josué qui tous deux calment les murmures du peuple, xiv, 6, 7, 30 ; tantôt Caleb seul est excepté de la punition divine, xiv, 24 ; tantôt Caleb et Josué, xiv, 38. On ne rend compte d’une manière suffisante de ces particularités dans les récits qu’en admettant l’hypothèse de leur rédaction à l’aide de deux documents.

Les textes législatifs, non moins que les récits historiques, permettent de semblables constatations : répétition de lois déjà promulguées dans d’autres parties du Pentateuque ou dans le livre même des Nombres, ainsi les prescriptions concernant les fêtes à célébrer, Num., xxviii-xxix, et Ex., xxiii, 14-29 ; Lev., xxiii ; Deut., xvi ; les différentes oblations, Num., xv, 1-16 ; xxviii-xxix, et Lev., i-vn ; xxii. 17-30 ; les fonctions des lévites, Num., m-iv, xviii ; les sacrifices qu’on doit offrir pour le péché commis par erreur, Num., xv, 22-31, et Lev., iv, 13-35 ; les villes de refuge pour le meurtrier involontaire, Num., xxxv, 9-34, et Deut., xix, 1-13.

On invoque encore contre l’unité de composition le manque de cohésion, de lien logique ou chronologique entre les différentes parties du livre des Nombres. En voici quelques exemples : déjà dans l’Exode, xxxviii, 25-26, il est fait allusion à un recensement du peuple alors que première mention n’en est faite qu’au début du livre des Nombres, i, 1-2 ; la formule de bénédiction est donnée, Num., vi, 22-27, alors que Aaron bénit le peuple, Lev., ix, 22 ; l’érection du Tabernacle est rapportée au chapitre xi. de l’Exode et différents épisodes qui la supposent sont racontés aux chapitres vii-x du Lévitique alors qu’il est question des offrandes des chefs de tribus au jour où le Tabernacle fut dressé, Num., vu ; d’après Num., xxiv, 25, Balaam s’en retourne chez lui de son voyage au pays de Moab, tandis que Num., xxxi, 8, il est dit qu’il fut tué dans un combat victorieux d’Israël contre les Madianites ; Moïse reçoit l’ordre de gravir la montagne pour voir la terre promise et ensuite mourir et à sa prière Josué lui est donné pour successeur, Num., xxvii, 12-13 ; or ce qui suit n’est pas le récit qu’on attendrait de la mort de Moïse (cf. Deut., xxxiv), mais la promulgation de nouvelles lois, le récit d’une campagne contre les Madianites et l’ordre de répartition des pays à l’est du Jourdain, etc. La juxtaposition d’éléments de provenance diverse n’est-elle pas l’hypothèse qui rend le mieux compte de cette série de remarques ?

La conclusion qui paraît bien devoir s’imposer à la suite de cet ensemble d’observations, c’est que le livre des Nombres, tout comme ceux de la Genèse et de l’Exode, a été composé à l’aide d’éléments provenant de plusieurs documents. Trois surtout auraient été utilisés. désignés par les critiques sous les noms de Jéhoviste ou Jahviste (J), d’Élohiste (E) et de Code sacerdotal (P =Priester Codex). Si dans tel ou tel détail la distinction des éléments respectifs de l’un ou de l’autre de ces documents présente quelque variété, dans l’ensemble, l’accord subsiste, surtout si l’on se contente de la désignation JE pour ce qui provient de cette double source, en raison de la difficulté à faire le départ entre les éléments jéhovist es et élohistes, difficulté plus grande ici que pour la Genèse ou l’Exode. Pour ce qui dérive du Code sacerdotal, on peut faire une remarque analogue : l’accord est assez facile si l’on n’essaie pas d’établir une distinction entre ce qui appartient au document original Ps (Grundschrift) et ce constitue des suppléments ou addition de date plus récente P s (sekundcire) ; cette distinction, surtout en ce qui concerne le livre des Nombres, n’est pas d’ailleurs tellement importante.

2° Répartition des documents. - Dans les grandes

lignes, le livre dans son ensemble et plus spécialement les chap. x, 11-xxv sont, comme la Genèse et l’Exode, dérivés de la compilation de deux anciens ouvrages, faite vers la fin du vue siècle, J, E, et d’une histoire sacerdotale des institutions religieuses d’Israël, Pe, écrite vers 500. L’œuvre ainsi combinée JEPg a été progressivement et considérablement augmentée au point de vue législatif, mais parfois aussi au point de vue historique, additions ordinairement désignées par le sigle P s.

Il n’est pas difficile de distinguer ce qui revient à JE, car les passages qui en proviennent sont pour la plupart juxtaposés et non mêlés aux extraits de P, ainsi x, 29-xii, 15 ; xx, 14-21 ; xxi, 12-32 ; xxii, 2-xxv, 5. Là même où il y a fusion des éléments de JE et de P, comme dans xm-xiv ; xvi ; xx, 1-13 ; xxi, 1-11, la séparation en est généralement facile. Il n’en est pas de même pour l’analyse des éléments respectifs de J et de E, y eût-il des doublets, comme c’est le cas pour l’histoire des espions envoyés en Canaan, xm-xiv, ou pour celle de la révolte de Coré, Dathan et Abiron, xvi. Aucune des analyses proposées ne s’impose ; on s’entend pourtant assez généralement pour attribuer à J : x, 29-32, le départ du Sinaï ; xi, 4-15, 18-24, 31-35, l’épisode des cailles ; xxii, 22-35, dans l’histoire de Balaam ; à E : xi, 16-17, 24 b -30, les soixante-dix vieillards : xii, 1-15, le murmure et la lèpre de Marie ; xx, 14-21, xxi, 21-24 a, les ambassades aux rois d’Édom et des Amorrhéens et xxii, 2-xxiv, 25, la plus grande partie de l’histoire de Balaam ; xiv, 11-24 enfin, plus récent que l’un ou l’autre des deux documents J et E serait une amplification du viie siècle ou l’œuvre du rédacteur combinant J et E. Quant au chap. xvi, il présente un intéressant phénomène, « non seulement il entremêle au point de vue littéraire deux récits distincts mais il combine ensemble, au point de vue historique, deux événements : la révolte toute politique des Bubénites contre Moïse et la protestation du lévite Koré contre l’organisation sacerdotale personnifiée par Aaron. Koré appartient à P ». L. Gautier. Introduction à l’Ancien Testament, 2e édit., p. 61.

Plus anciens que J ou E, certains éléments se rencontrent dans le livre des Nombres ; ce sont des poèmes ou fragments de poèmes, tels que : x, 35-36 : xxi, 14-15, 16-17, 27-30 ; xxiii, 7-10, 18-24 ; xxiv, 3-9, 15-17. Si les poèmes attribués àBalaam, à l’exception de xxiv, 18-24, peuvent avoir la même origine que les récits en prose, ce n’est certes pas le cas pour les autres, particulièrement pour ceux du chap. xxi, relatifs à la Palestine transjordane et à ses habitants et dont le premier est donné comme une citation du Livre des guerres de Jahvé, xxi, 14 ; c’est la plus ancienne indication bibliographique rencontrée dans l’histoire de la littérature israélite. Il est bien certain, en effet, que la chanson du peuple au puits de Béer, xxi, 17-18, est antérieure au récit lui-même ; quant à xxiv, 18-24, il est probable qu’il a été inséré après élaboration de JE et à peu près certain que le reste des poèmes de Balaam faisait partie du texte original de J et de E, soit que le rédacteur les ait empruntés à l’un ou à l’autre de ces documents, soit qu’il les ait tirés plutôt de quelque autre source antérieure au vme siècle ou bien plus ancienne encore. Cf. Gray, Numbers. p. xxxii.

A la fin du livre des Nombres se trouvent encore quelques éléments de JE au chap. xxxii, 1-17, 20-27, 34-42, qui racontent l’établissement des tribus de Buben et de Gad à l’est du Jourdain et les conquêtes des Manassites en Galaad. On y joint parfois xxv, 1-5, qui mentionne l’idolâtrie de Béelphégor (Steuernagel, Gautier, Binns).

Bien plus considérable est la part attribuée au Code