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NICOLAS D’AUTRECOURT


proposition pour en reconnaître la vérité, quel que soit l’état de nos sens, essel nota sempcr intellectis ierminis. — b. Quant à l’expérience, elle se réduit a ceci, que nous ne voyons plus du blanc : illud solum experimur in nobis : …amplius non experimur in nobis visionis qui incrat prius. Ibid. — b) Reste que notre proposition soit conclue. A partir de quoi ? Nous retrouvons le dilemme : proposilio nota ex terminis aut per experientiam : a. Impossible de faire d’albedo non est la conclusion d’un syllogisme dont les prémisses s’imposeraient, aussitôt leurs termes compris : semper illis [terminis ] intellectis intelligerctur lalis propo » ilio. — b. Il faut recourir à l’expérience, tirer notre certitude ex actibus sensuum qnos experimur in nobis. Mais da fait que nous voyons la blancheur, on conclurait plutôt son existence que sa non-existence. Reste le fait que nous cessons de la voir. Làdessus se fondent même ceux qui raisonnent comme suit : quia nigredo inest, ergo albedo non ; en effet : quod intelleclus dical : aduenienle nigredine tollitur albedo, hoc non est nisi quia vidit quod aduenienle nigredine desinil apud sensum visus apparicio albedinis.

Voici donc notre problème : du fait qu’une chose cesse d’apparaître aux sens, peut-on conclure qu’elle n’est plus ? Bodl., fol. 6 t°, col. A. — L’inférence ne vaut pas ; Nicolas le montre de trois façons, dont voici la première : il objecte une certaine constitution des formes naturelles : forme naturales sunt ila divisibiles in minima quod seorsum divisa a toto non possent habere actionem suam, et ita, licet existencia in toto videantur, dispersa tameu et divisa seu segregata non videntur. Par cette perspective d’atomisme, on échappe à la conclusion que ce qui n’apparaît plus est passé au néant. Nicolas ouvre encore deux autres possibilités, et conclut que l’on ne peut savoir qu’une chose passe de l’être au non-être ; il affirme ensuite l’éternité de toutes choses… Bodl., fol. 6 v, col. A. Mais, dans l’étude de la cedula « Ve michi », notre objet est d’éclairer seulement le non potest evidenler oslendi quin quelibet res sit eterna. — Ainsi Nicolas met en forme la certitude du changement : nous voici en face d’une proposition ; soit immédiatement, soit médiatement, son évidence doit naître de la signification de ses termes, ou d’une expérience ; mais notre proposition ne saurait être nota ex terminis, ni dépendre de telles propositions ; et d’autre part, l’expérience dont on pourrait la conclure admet d’autres interprétations. Voici un jugement qui n’est pas simple énoncé de ses termes ou de l’expérience : il n’est pas évident. Cette analyse de logicien nous laisse dans l’atmosphère des lettres à Bernard d’Arezzo. — A l’inévidence de la génération et la corruption, on peut lier un des arliculi missi de Parisius. L., p. 41*, 1. 27.

Sens de la controverse.

1. Scepticisme, phénoménisme,

expérimentalisme ? — On a proposé l’un ou l’autre de ces termes pour caractériser l’attitude de Nicolas adversaire de Bernard. — a) scepticisme d’abord : M. Gilson a dit quelles réserves appelle ce qualificatif, op. cit., p. 120 ; nous pourrions le préciser en montrant que Nicolas s’affirme le sceptique d’Aristote, et de quel Aristote. — - b) Phénoménisme suggère que la pensée s’arrête aux apparences sensibles : qualités sujettes à l’altération ; mais on parle ici de choses éternelles : — c) En faveur A’expérimentalisme : Nicolas veut que les hommes délaissent philosophe et commentateur, qu’ils se tournent vers les choses : convenant intellectum suum ad res, L., p. 37*, 1. 7-8 ; de cette intention témoignent les propositions extraites de VExigit ordo. Mais, auparavant, il a fallu considérer la doctrine d’Aristote, ses œuvres inutiles : Vidit in diclis Aristotelis et cornmentatoris mille conclusiones determinalas. L., p. 37*, 1. 20-21.

2. L’adversaire de Nicolas.

Le texte de la Discus

sio errorum évoque une conclusion — d’accent triomphal — -de la lettre deuxième : ex his sequitur, placeal vel non placeat, nec mihi imponant sed rationi vigenti, quod Arisloteles in lola pliilosophia sua naturali et melaphisica vix habuit talem certitudinem de duabus conclusionibus et forlasse nec de una. L., p. 12*, 1. 32 ; p. 13*, 1. 1. Frère Bernard disparaît presque ; voici Aristote au premier plan. Gilles l’a senti, L., p. 14*, 1. 18-21 ; il s’étonne de voir Nicolas admettre tant d’ignorance en un si grand philosophe. I, ., p. 22*, I. 21, et il vient le défendre. L., p. 23*. 1. 17-18… Mais Nicolas avoue son dessein : volebum mullipliciter concludere quod Aristololes non habuit evidenlem noticiam de subslantiis. L., p. 25*, 1. 10-12. Voici le sens de ces lettres : une polémique contre Aristote, sa physique et sa métaphysique ! Comment la polémique est-elle contruite ?

3. La dialectique de Nicolas.

Il faut que des arguments portent sur l’adversaire. Nicolas pouvait croire que les siens portaient : il part du premier principe du philosophe, reconnu de son disciple et de tous. Sans doute il traite comme équivalents le principe d’identité, qui porte sur l’être et sa formulation logique en règle de non-contradiction ; toute certitude, pour lui, doit se mettre en forme logique. Mais il a devant lui des péripatéticiens qui s’attachent précisément à la forme logique de l’aristotélisme qui vivent, et meurent presque, propter sermnnes logi&s. L., p. 37*, 1. 29-30. — En face de Nicolas, Gilles revendique le fait d’un ordre naturel : un ordre où il y a des causes et des substances autres que Dieu, et aussi un ordre des natures, au sens d’Aristote : principes de la génération, naturales transmutationes esse est mihi experimentaliter nolum… notum cerlissime. L. p. 22*, 1. 4-6. L’évidence du mouvement, c’est le cœur de l’aristotélisme. Cf. Gilson, Recherches sur la formation du système cartésien, dans Revue d’histoire de la philosophie, 1929, p. 126 sq. Or, si l’on peut concevoir le mouvement à part de tout le reste, nous dirions comme mouvement pur, on connaît mieux le mouvement naturel en le rapportant à une substance et à une cause ; sa réalité ne s’épuise pas dans un ensemble de choses, d’absolus, elle est relation aussi. Car la relation, c’est encore du réel, rclalio est res, L., p. 19, * 1. 17, mais une réalité dont l’essence est de se tourner vers autrui : esse relationis est ad aliud se habere. Ibid., 1. 19. Voici donc la position de Gilles : évidence du mouvement, intelligible par la substance et la cause, dans un monde où le rapport est une réalité. — Mais Nicolas prend les choses à par ?, celle-ci d’abird, (’; se et absolute, L., p 30*, 1. 20-21, celle-là ensuite, autre absolu ; quand les choses sont deux, leurs intellections sont séparables, et l’une ne peut rien à la perfection de l’autre, non apparel quod una res perfectius intelligatur ex eo quod altéra cognoscitur. L., p. 27*, 1. 20-23. En face de la diversité des choses, nous ne disposons, p ir hypothèse, que d’une lumière naturelle logiquement définie par la non-contradiction : l’intelligibilité, c’est l’identité ; d’où impossibilité de toute liaison du même avec l’autre ; de ce point de vue, on ne rencontre ni substances et accidents, ni causes et effets, ni fins et moyens, ni aucune relation de ce genre. Le discours est seulement analyse de l’intuition, et 1’ « intuition première », expérience brute, en nous donnant plusieurs choses, les présente toutes à la fois, sur le même plan. sans aucune préférence : non est unde talis primitas essel ibi. L., p. 27*, 1. 27. Avec ses apparences successives, l’expérience ne nous découvre pas de changements réel, de corruption de Vun qui soit génération de Vautre. — Ayant mis au commencement la logique aristotélicienne et son premier principe, Nicolas rencontre les choses de la physique et de la métaphysique aristotéliciennes ; il ne trouve