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NICOLAS V

NICOLAS (JEAN-JACQUES-AUGUSTE)

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Manetti, Aurispa, Tortello, Filelfe, et tant d’autres qui traduisirent, à l’usage du public, les chefs-d’œuvre de l’antiquité grecque et certains des ouvrages des Pères de l’Église. Si l’on peut adresser un reproche à Nicolas V, c’est, d’avoir trop protégé un Valla, un Pogge, ou un Marsuppini outre mesure. Il eût dû écarter de ses faveurs les littérateurs, dont les écrits licencieux font encore justement scandale. Mais Nicolas V ne considérait de telles œuvres que comme anodines, et comme des badinages sans péril pour la foi et les mœurs.

Le pape immortalisa son nom par la réalisation d’une œuvre qui subsiste de nos jours : la création de la bibliothèque Vaticane. Il fallut rechercher des manuscrits non seulement en Italie, mais par toute l’Europe et jusqu’en Orient. Bientôt les collections Vaticanes comprirent 795 manuscrits latins. Ce chiffre qui nous paraît actuellement dérisoire, n’en était pas moins considérable pour l’époque. En tout cas, il ne correspond nullement à la réalité, car dans l’inventaire sur lequel il est basé ne figurent ni les ouvrages grecs que Nicolas V se procura en Orient, ni les œuvres en langue vulgaire qu’il dut posséder. Si elle n’eût pas surpassé par sa richesse les autres bibliothèques, celle du Vatican n’eût pas excité l’admiration des contemporains.. Aussi bien le chiffre de 1209 mss proposé par Pastor (édit. allemande, p. 508) paraît faible.

J. Guiraud, L’Église romuine et les origines de la Renaissance, 5e édit., Paris, 1921, p. 171-252 ; L. von Pastor, op. cil., t. ii, p. 154-202, et la 7e édition allemande, t. i, p. 513-570 ; Fabre et Miintz, La bibliothèque du Vatican au XVe siècle, d’après des documents inédits, Paris, 1887 ; E. Miintz, Les arts à la cour des papes pendant le XV" et le XVIe siècle, recueil de documents inédits, Paris, 1878-1879.

VII. Jugement sur le pontificat de Nicolas V.

— Les humanistes qui ont participé aux faveurs de Nicolas V n’ont pas manqué de célébrer les grandeurs du pontificat de leur bienfaiteur, dans les termes les plus louangeurs. Leurs éloges ne paraissent pas avoir dépassé la mesure, quoique des censeurs chagrins aient trouvé à redire à la préférence que le pape accordait aux lettrés, aux savants et aux artistes. La cour pontificale, murmurait-on, semblait se transformer et accueillir plus volontiers les laïcs que les ecclésiastiques. Les religieux se sentaient évincés, et ne cachaient pas leur hostilité contre la Renaissance. D’aucuns faisaient remarquer que les sommes d’argent, dépensées en constructions ou en achats de coûteux manuscrits, eussent été mieux employées à organiser une croisade contre les Turcs. Nicolas V n’ignora rien des reproches que lui adressèrent, dès son vivant, quelques mécontents. Voilà pourquoi il tint à se justifier à l’heure de la mort. La postérité a, d’ailleurs, ratifié son propre jugement et estimé à sa juste valeur l’œuvre qu’il accomplit. Son plus beau titre de gloire sera toujours d’avoir redonné à l’Église une autorité qu’elle avait perdue précédemment, et d’avoir prouvé que l’union de la foi et de la raison était possible.

Sources. — Vespasiano da Bisticci, Vile di uemini illustri del secolo XV, édit. L. Frati, dans la Collezione di opère inédite o rare, Bologne, 1892 (la biographie de Nicolas V est importante parce que l’auteur a été son contemporain et l’a fréquenté) ; J. Calmette, L’élection de Nicolas V (1447) d’après une lettre du prieur Catalan de Sent Lorens del Mont, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. xxiii, 1903, p. 419-425 ; G. Bourgin, Les cardinaux français et le diaire caméral de 1439-1486, ibid., t. xxiv, 1904, p. 287-290 ; G. Manetti, Vita Nicolai V libri IV, dans Murât ori, Rerum italicarum scriplores. Milan, 1723, t. iii, 2° partie, col. 907-961 ; Inl’essura, Diarium urbis Roma>, ibid., col. 1114-1252 ; Platina, Lifter de vita Christi ne de vilis sumrnorum pontificum, Cologne, 1662.

Travaux. — On trouvera une bibliographie très complète dans L. von Pastor, Histoire des papes depuis la fin du Moyen Age, Paris, 1911, tomes i et n. La septième édition allemande doit être consultée de préférence (Fribourg-en-Brisgau, 1925), car le texte primitif a subi d’importants remaniements ; G. Sforza, Ricerche su Niccolo V. La palria, la famigliae la giovinezzadi Niccolo V, Lucques, 1884 ; L. Fumi, Chiesae Stato sul dominio di Francesco l Sforza, dans Archivio slorico lombardo, t. li, 1924, p. 1-8 ; J.-B. Christophe, Histoire de la papauté pendant le XV siècle, Lyon 1863.

G. Mollat.

6. NICOLAS Jean-Jacques-Auguste (18071888), savant apologiste, naquit à Bordeaux, le 6 janvier 1807, de modestes commerçants. Un apôtre aident, l’abbé Dasvin, s’occupa de lui et le fit entrer au lycée, où il fut un élève médiocre. Ses études finies, il aida ses parents dans leur commerce, mais alors il fut pris par le goût des études sérieuses. Il alla commencer des études de droit à Toulouse ; en novembre 1829, il vint à Paris où il préparait sa licence, lorsqu’éclata la Révolution de juillet 1830. En novembre, on le trouve avocat à Poitiers, puis il revint à Bordeaux où il fit un stage au barreau et devint le secrétaire de M. Lacoste, à qui il devait dédier un de ses ouvrages ; dès cette époque, il était apôtre zélé. Falloux, devenu ministre après la Révolution de 1848, l’appela auprès de lui, comme chef de division, le 1 er mars 1849. Il quitta le ministère des cultes, le 1 er mars 1854 et fut nommé inspecteur des bibliothèques publiques (1854-1860) ; en février 1850, il était juge au tribunal de la Seine (18601867), puis conseiller à la cour impériale de Paris (1867-1877). Enfin, le 7 janvier 1877, il prit sa retraite et se retira à Versailles où il mourut le 17 janvier 1888.

A peu près tous les ouvrages d’Auguste Nicolas se rapportent à l’apologétique catholique, et on peut dire qu’il fut le grand apologiste du xix c siècle ; c’est pourquoi il est utile de donner quelques détails sur ses écrits qui furent, presque tous, inspirés par les circonstances, et, par conséquent, indiquent les divers mouvements de la pensée catholique durant ce siècle.

Le premier écrit d’Auguste Nicolas est intitulé : Observations soumises à la Cour royale et au tribunal de première instance de Bordeaux, in-8°, Bordeaux, 1833 ; il a pour objet le rétablissement de l’image du Christ dans les salles de justice. Un second opuscule fut publié, en 1840, sous le titre : Du tour des enfants trouvés et de l’arrêté de M, le Préfet de la Gironde. Cet écrit attira l’attention du public, et, neuf ans après, le Ministre de l’Intérieur, Dufaure, désigna Auguste Nicolas comme membre d’une commission établie, pour préparer un projet de loi sur le service des enfants trouvés.

Sur ces entrefaites, une circonstance providentielle fit de lui un apologiste et lui découvrit sa vocation. Quelque temps après son mariage, en 1835, son beau-frère, ayant perdu un enfant, lui écrivit qu’il désirait revenir à la foi de son enfance, et le pria de résoudre ses doutes et de lui exposer les fondements du spiritualisme et de la religion chrétienne. A ce moment, il n’y avait point d’apologétique sérieuse, et le Génie du christianisme s’adressait surtout aux artistes. Sur les conseils d’un parent de sa femme, l’abbé Buchou, Nicolas se décida, après quelques hésitations, à composer une apologie. A cette époque, le P. Lacordaire vint prêcher à Bordeaux et fut vivement attaqué par un professeur de lycée, M. Bersot ; Nicolas prit la défense du dominicain, dans des articles très vivants. Alors fut décidée la publication dfe l’ouvrage déjà composé par Nicolas. Il parut en ascicules et par souscription ; la première livraison parut en juin 1842, sous le titre : Études philosophiques sur le