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NICOLAS 1er (SAINT


les soins d’Odon de Béarnais les actes du concile de 853, en demandanl au p ; pe de confirmer la sentence prise contre Wulfade et ses compagnons. Pensait-il donner par là une satisfaction partielle à Nicolas I" et une preuve de sa s<umission au Siège apostolique ? Il prenait mal son temps. Nicolas I", toutefois, n’avait pas de raison d’infirmer les décisions de son prédécesseur ; il maintint la décision déjà portée : salvo tamen romanw Sedis in omnibus jussu alque judicio. Jaffé, n. 2720. Affirmation générale des droits métropolitains de Reims, cette lettre ne touchait qu’indirectement, et sans y faire d’allusion précise, l’affaire de’Wulfade et consorts.

Venu à Rome en 8(54, Rothade, qui sur cette question particulière avait toujors été (pp. : é à Hincmar, en présenta au pape, à sa manière, les tenants et aboutissants. Quand il vint en France, en 865, Arsène fut chargé d’enquêter sur tout ceci. Informé par lui, Nicolas I er, au printemps de 800, prescrit à Hincmar ou de rétablir immédiatement les clercs déposés ou de reprendre leur affaire dans un concile qui se rassemblerait à Soissons le 18 août, et auquel il prescrivait aux archevêques de Lyon, Vienne et Rouen de se rendre. Jafïé, n. 2802-2804. Le concile se tint à la date indiquée. Mansi, Concil., i. xv, col. 703 sq. L’influence d’Hincmar y fut. prépondérante et les décisions conciliaires marquent quelque humeur à l’endroit du Saint-Siège. Puisque celui-ci avait pris l’affaire en mains, qu’il la terminât à lui seul, sans demander aux évêques gaulois de se déjuger en un procès qui avait été jadis réglé dans un synode, où cinq provinces étaient représentées. Voir Epis(. synod., Mansi, col. 728. Les réponses de Nicolas, signées le 6 décembre 866, manifestent une vive irritation contre Hincmar. Jaffé, n. 2822-2825. Tout en prenant acte de la décision du concile et en rétablissant, de son autorité, les clercs déposés, le pape faisait sentir qu’il était mécontent de l’attitude prise par les prélats français et leur animateur.

Des attaques personnelles qui émaillaient les lettres pontificales, Hincmar témoigna d’abord le plus vif mécontentement. Mais il craignait d’autre part qu’on ne soulevât à nouveau l’affaire de Gottschalk, qui, de sa prison d’Hautvillers, ne cessait de réclamer justice. Il crut plus sage de donner au pape une preuve de soumission. Ses envoyés portèrent au pape, à l’été de 867, l’expression de sa bonne volonté ; c’était le moment où les nouvelles de Constantinople étaient tout à fait mauvaises. Nicolas I er, lui aussi, avait besoin d’Hincmar et de l’épiscopat gaulois. La lettre où il lui demande de tourner contre les schismatiques de Byzance l’activité de ses collègues, Jaffé, n. 2879, est un témoignage que le pape ne gardait pas rancune à l’archevêque. Entre temps, d’ailleurs, s’était tenu à Troyes, le 25 octobre un synode de six provinces ecclésiastiques gauloises, qui avait définitivement terminé l’affaire des clercs de Reims dans le sens demandé par Nicolas. Mansi, Concil., t. xv, col. 791. Le messagerqui transmettait à Rome les décisions du concile n’y trouverait plus Nicolas en vie : c’est le pape Hadrien II qui aurait connaissance de la victoire définitive, remportée par la diplomatie pontificale sur le plus puissant des métropolitains d’Occident.

IL Les idées de Nicolas I er sur le gouvernement de l’Église. — Les idées de Nicolas I er sur le rôle de la papauté dans l’Église ressortent avant tout des fails que nous venons d’exposer. Toutefois, elles ont revêtu dans les documents émanés de lui une expression si nette qu’elles ont exercé, aussi bien sur les contemporains que sur la postérité, une très profonde influence. Bon nombre de textes sortis de sa plume sont passés dans les collections canoniques du liant Moyen Age et n’ont pas peu contribué à la for mation des idées que l’on s’est faite à cette époque des pouvoirs de la papauté.

Il convient d’abord de se demander jusqu’à quel point les conceptions, exprimées par Nicolas I er, sont nouvelles, jusqu’à quel point leur expression est son œuvre personnelle, avant d’en esquisser une rapide synthèse.

1° Personnalité des conceptions de Nicolas I". — Pour neuves que paraissent de prime abord nombre des formules employées par lui, cette nouveauté ne doit pas donner le change. A plus attentif examen, Nicolas apparaît dépendant de textes antérieurs ; et d’autre part, la présence à la chancellerie pontificale, à son époque, d’un personnage de tout premier ordre et de grande influence, autorise à poser quelques questions sur l’originalité même des expressions dont la correspondance fait usage.

1. Sources des idées développpées dans la correspondance. — C’est avant tout dans les textes canoniques, rassemblés à son époque, qu’il faut chercher l’origine des idées de Nicolas I er. Jusqu’à quel point faut-il compter parmi ces textes la collection du Pseudo-Isidore, c’est la question qu’il faudra ensuite examiner.

a) Textes juridiques antérieurs. — La nouvelle édition des lettres de Nicolas dans les Monumenta Germaniæ kistoriie, Epist., t. vi, p. 257-690, permet au lecteur de se rendre un compte exact de l’usage fait par ce pape des textes antérieurs. — Comme tous ses contemporains, il dispose d’abord de ce Codex canonum compilé au début du vie siècle par Denys le Petit ; c’est là qu’il trouve, avec, les canons des conciles, les décrétales des papes du iv et du v siècle. Mais il connaît aussi les lettres des pontifes de l’âge suivant, conservées aux archives de la curie romaine ; il cite Pelage I er, saint Grégoire le Grand, Grégoire II, Hadrien I er, d’autres encore, et naturellement ses prédécesseurs immédiats Léon IV et Benoît III, sans compter les apocryphes sylvestrins. A le lire, on sent que la chancellerie romaine est en possession d’une tradition fort longue, et qu’elle n’entend pas laisser prescrire (étudier particulièrement à ce point de vue l’interminable lettre adressée à l’empereur Michel en septembre 865, Jaffé, n. 2796, ou encore la lettre aux évêques de France de janvier 865, Jaffé, n. 2785). Un certain nombre de Pères de l’Église sont également invoqués, et, chose plus surprenante, le Ccde Juslinien lui-même. Bref, c’est de toutes mains que Nicolas emprunte ses arguments.

A vrai dire.il a sa manière à lui de les utiliser et de leur faire rendre un son conforme à ce qu’il en attend. L’interprétation qu’il donne du canon 9 de Chalcédoine est restée célèbre. On y lisait qu’en cas de contestation avec son évêque, un clerc doit porter sou procès devant le synode de la province, que l’évêque en conflit avec le métropolitain porterait sa cause devant le primat du diocèse (civil) ou le siège de Constantinople, petat primatem diaceseos aul Scdem reç/iæ urbis Constantinopolitanse. Une savante exégèse permet à Nicolas d’affirmer que, suivant Chalcédi ine, la formule primas diœceseos désigne en définitive le primas diœceseon (au pluriel), c’est-à-dire le titulaire du Siège apostolique. Voir Monum. Germ.IIist., Epist., t. vi, p. 470-471. On trouverait d’autres exemples de cette exégèse tendancieuse.

b) Utilisation des « Fausses Décrétales ». — Plus grave serait l’accusation portée par certains historiens contre Nicolas d’avoir utilisé, pour défendre sa politique, la collection de Pseudo-Isidore, dont il aurait connu manifestement le caractère apocryphe. Voir H. Bohmer, art. Nilcolaus I., dans Prot. Realencyclopiidie, t. xiv, p. 69, qui parle même de « mensonge conscient ».