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NICOLAS 1er (SAINT)


bon ordre de l’Église, il était en même temps très ancré sur les principes canoniques de l’époque qui confiaient aux métropolitains une juridiction véritable a l’endroit de leurs sufïraganls. De cette supériorité il avait un sens très aigu et n’admettait pas volontiers les observations, à plus forte raison les résistances ; l’idée qu’un pouvoir supérieur avait le droit d’intervenir entre lui et ses évêques, si elle ne lui était pas étrangère, lui inspirait néanmoins d’assez vives répugnances. On le vit bien à diverses reprises et notamment dans l’affaire de Rotbade, évêque de Soissons, et dans celle de Wulfade et des autres clercs ordonnés par Ébon. Ces deux affaires amenèrent de vifs démêlés entre le métropolitain de Reims et le pape Nicolas I er. Sur tous ces démêlés, le livre capital reste H. Schrôrs, Hinkmar Erzbischof von Reims, Fribourg-en-B., 1884.

a. L’affaire de Rothade évêque de Soissons. — Rotbade, évêque de Soissons depuis 832, représentai ! dans la province de Reims l’esprit qui allait bientôt se concrétiser dans les Fausses Décrétâtes, ave : ses deux principes essentiels : limitation du droit des métropolitains, limitation des droits de la puissance séculière. Les rapports entre lui et l’archevêque, assez tendus dès la nomination d’Hincmar à Reims en 845, étaient devenus pénibles depuis le synode de Soissons de 853, où avait été prononcée la déposition des clercs rémois ordonnés par Ébon (voir ci-dessous). Hincmar ne cherchait qu’une occasion de se débarrasser de ce sufîragant. Pour des raisons dans le détail desquels il est inutile d’entrer, Rothade, en 861, regulis ecclesiaslicis obedirc nolens, est excommunié parson métropolitain. Il passe outre à la sentence ; au concile de Pistes, qui groupait les évêques de quatre provinces, Hincmar semble décidé à le déposer. Rothade parle d’en appeler à Rome, on surseoit donc au jugement ; puis il se ravise, demande la contitution d’un tribunal de douze juges désignés par lui-même. Mal lui en prend ; l’affaire est réglée à Soissons à l’automne de 862 : Rothade est déposé, enfermé dans un couvent et remplacé sur son siège épiscopal.

Jusqu’à quel point Rothade avait-il retiré l’appel au Saint-Siège dont il avait parlé au moment du concile de Pistes, c’est ce qu’il est difficile de dire. Quand il se sentit sur le point d’être condamné à Soissons, il fit grand état de cet appel. Quoi qu’il en soit, le pape, dès le début de 863, intervient avec vigueur. Une. lettre à Hincmar déclare l’archevêque suspens a divinis, si, dans les trente jours, il n’a pas remis Rothade en possession de son siège ou s’il ne l’a pas envoyé à Rome, avec des représentants de l’adverse partie pour que son affaire y soit ventilée. Jaffé, n. 2712 : cf. lettre conforme à Charles le Chauve, n. 2713. Sur quoi, sans mettre encore Rothade en liberté, Hincmar expédie à Rome Odon, évêque de Beauvais. Nicolas s’indigne ; une série de lettres datées du 28 avril 863 rappellent à l’archevêque et à ses suffragants les droits du Siège romain : Rothade n’eùt-il pas interjeté appel, que l’on aurait dû, avant d’exécuter la sentence, attendre l’avis de Rome. La démarche du concile de Soissons constitu ut « une injure à l’endroit de saint Pierre, une atteinte aux privilèges du Siège apostolique, une transgression des saints canons. » Jaffé, n. 2723, aux évêques du concile de Soissons ; n. 2721, à Hincmar ; n. 2722, à Charles le Chauve.

Hincmar crut de bonne politique de temporiser. Mais un nouvel avertissement du pape (pas conservé) lui arrive ; il se décide alors au début de l’automne 863 à envoyer à Nicolas le diacre Liudo. Celui-ci annoncerait au pape que Rothade avait été mis en liberté, confié à un évêque ami qui le conduirait à Rome. C’est d’ailleurs en juin 864 seulement que l’évêque de Soissons arrivait au terme de son voyage ; mais Hinc mar ne remplissait parla qu’une des volontés du pape. Au lieu de se présenter ou de se faire représenter à Rome pour y soutenir l’accusation contre son sufîragant, il se contentait de l’envoi d’un mémoire. P. !.. t. cxxvi, col. 25-46. Cherchait-il à gagner du temps’.' Pensait-il empêcher le pape de prononcer un jugement définitif ? C’était mal connaître Nicolas. La veille de Noël 864, celui-ci, dans la basilique de Sainte-Marie Majeure, réhab.lite Rotbade et lui fait reprendre les insignes épiscopaux, un mois plus tard, dans la basilique de Sainte-Agnès, le jour de la fête de la martyre, 21 janvier 865, un synode reçoit les explications de Rothade, qui, le lendemain, est solennellement restauré en sa dignité. Une série de lettres portent cet événement à la connaissance des ayants cause : Charles le Chauve, Hincmar, l’épiscopat du royaume, le peuple de Soissons. Jaffé, n. 2783-27K6. On remarquera tout spécialement la lettre à l’épiscopat gaulois, qui s’étend sur les considérants de la sentence prise par le Saint-Siège, sur les textes canoniques qui la légitiment. Il est incontestable que l’influence des Fausses Décrétâtes s’y fait sentir. Voirci-dessous. Mais, comme le dit très bien E, Perels, les Fausses Décrétâtes n’auraient pas existé que Nicolas I" n’aurait pas agi autrement. Rothade finalement revint sur son siège épiscopal où il mourra vers 869.

b. L’affaire de Wulfade et des clercs ordonnés par Ébon. — Une autre affaire n’allait pas tarder à soulever un nouveau conflit entre l’archevêque de Reims et le Saint-Siège ; sans aucun doute, c’était la présence de Rothade à Rome qui avait attiré l’attention sur une autre question rémoise, demeurée pendante depuis de longues années. Cf.L. Sait et. Les réordinations. p.l25sq.

L’archevêque de Reims, Ébon, avait pris en 833 le parti de Lothaire révolté contre son père Louis le Pieux. Après la restauration de ce dernier, Ébon porta la peine de cette rébellion. Déféé à un concile de Thionville en 835, il avait dû se reconnaître indigne de l’épiscopat et avait é’é déposé. L’intervention du pape Grégoire IV avait empêché toutefois de procéder à son remplacement. A la mort de Louis le Pieux en 840, Ébon avait été restauré sur son siège par un acte de l’autorité impériale contresigné par dix-huit évêques ; rentré à Reims en décembre 840, il avait fait les fonctions épiscopales et en particulier ordonné un certain nombre de clercs. Lothaire vaincu, Ébon, en 843, avait été de nouveau expulsé, et le pape Serge II l’avait simplement reçu à la communion laïque. En 845, Hincmar était élevé au siège de Reims et, dès son installation, il frappait de suspense les clercs ordonnés par Ébon durant la restauration (840-842) ; on sait le nom d’un prêtre, Wulfade ; il y avait eu d’autres victimes ; en 866, il en restait encore neuf. Après diverses alternatives de sévérité et de douceur, Hincmar avait fait régler définitivement la question dans un concile de Soissons de 853 ; la restauration d’Ébon était déclarée nulle, nulles dès lors (ou du moins illicites, on ne distinguait pas trop les deux points de vue) les ordinations conférées par lui durant ce laps de temps.

Hincmar qui savait utiliser l’action du Saint-Siège quand il l’espérait favorable à ses vues, avait demandé au pape Léon IV († 855) la confirmation de la sentence rendue à Soissons ; de leur côté, les clercs frappés s’étaient pourvus à Rome, et le pape avait convoqué les deux parties à comparaître ; mais, Hincmar n’ayant pas bougé, les choses étaient restées en l’état. Benoît III, en 855, donnait une approbation générale aux Actes du concile de 853, mais sans rien préciser quant à la question même des clercs. Jaffé, n. 2664.

Au moment où fut soulevée l’affaire de Rothade, en 863, Hincmar crut rppor’un d’envoyer à Rome par