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NICOLAITES — NICOLAS I « (SAINT)


reux prosélyte d’Antioche, tandis qu’il le charge, dépassant encore Hippolyte, des diverses absurdités théologiques qui s’enseignaient jadis en certaines loges d’initiés. Il va sans dire que tout ceci est pure construction de l’auteur du Panarion. qui n’a pu connaître, et pour cause, les nicola’Ues eux-mêmes.

Dans la même ligne qu’Épiphane se situe saint Jérôme, qui peut dépendre directement de l’auteur du Panurion. Saint Augustin utilise à la fois et la tradition orientale, telle que la donne Clément et la contamination que lui fournit Kpiphane. Bref l’histoire du nicolaïsme s’embrouille et se confond de plus en plus.

III. Conclusions.- — Éliminées toutes ces données postérieures, on se trouve ramené aux deux présentalions de l’affaire que fournissent Clément d’une pari, [renée de l’autre. Or, nous l’avons fait remarquer, l’une et l’autre se présentent comme des essais d’explication de l’Apocalypse tentés par des personnes qui n’avaient sur les nicolaïtes eux-mêmes aucun renseignement direct, et qui étaient, en définitive, logées à la même enseigne que nous. Leurs conjectures valent ce qu’elles valent, et ne nous lient en rien.

Or, tout ce que l’Apocalypse permet d’affirmer, c’est l’existence en certaines communautés asiates de certaines tendances qui menaçaient la vie morale des nouveaux chrétiens. Nous entendons bien ce que signifie la minducation des idolothytes. Sans doute l’apôtre Saint Paul s’était montré fort large sur ce point. I Cor., vin ; cf. Rom. xiv. Son libéralisme n’allait pas toutefois jusqu’à autoriser les chrétiens à prendre part aux banquets rituels, où figurait la chair des victimes immolées aux idoles. I Cor., x, 18-21. Il n’est pas impossible que, dans certaines communautés asiates, certaines personnes aient poussé la tolérance jusque-là. C’est contre ce scandale que réagirait l’auteur des petites lettres. Quant à la fornication qu’il associe dans une même réprobation, il n’est pas absolument certain qu’il faille prendre le mot au sens propre. Dans le langage de l’Ancien Testament, ie mot désignait fréquemment tout acte d’idolâtrie, violation de la foi jurée par la nation d’Israël à Jahvé son époux. L’Apocalypse connaît le même langage pour flétrir les crimes de la grande prostituée, qui a abreuvé le monde du vin fumeux de son impudicité ; et sous ces images se cache l’idée de Rome imposant à tout l’univers l’adoration de la puissance divine de l’empereur et de l’empire. Ne pourrait-on songer ici à quelque chose d’analogue, et l’auteur des petites lettres ne reprocherait-il pas simplement à certains chrétiens d’Ephèse, de Pergame, de Thyatire certaines complaisances à l’endroit du culte impérial ? L’hypothèse vaut ce qu’elle vaut ; elle ramène à d’assez modestes proportions les désordres des « nicolaïtes ». Le fait néanmoins qu’ils tentaient de justifier par certaines considérations théoriques, leur attitude pratique, ne laissait pas de présenter quelque danger. On comprend que l’apôtre ait parlé haut et fort, qu’il ait prononcé le mot de « profondeurs de Satan ». Mais il nous paraît difficile de chercher en ces derniers mots, expression toute faite, wç Xéyouaiv, une allusion à l’on ne sait quel enseignement mystérieux et secret, à base de dualisme. Qu’Irénée ait découvert tout cela en ces « profondeurs », cela nous paraît vraisemblable, niais que l’apôtre Jean y ait songé, c’est ce qui ne nous paraît aucunement démontré. Quant à la participation du diacre Nicolas, prosélyte d’Antioche, à la diffusion de ces pratiques laxistes, il demeure impossible de rien dire ni pour, ni contre.

Tous les commentaires de l’Apocalypse ot des Actes disent au moins un mot de la question ; voir en particulier, E.-B.Allo, L’Apocalypse, Paris, 1921, excursus xi, p. 46-48 ; E. Jacquier, Les Actes des Apôtres, Paris, 1926, p. 191-192.

De même les diverses histoires de l’Église primitive.

On trouvera la plus complète recension des textes patrisliqucs anciens et des opinions émises a leur sujet, dans (’.. W. F. Walcta, Entwurf einer vottsUtndigen Historié de r Kctzereien, t. i, Leipzig, 1762, p. 167-181 ; comme travail plus récent : Secsemann, Die Nikolaïlen, dans Theol. Studien mut Kritiken, 1893, t. i.xvi, p. 47-82 ; Wohlenberg, Nikolttos von Antiocliien und die Nlkolalten, dans Neue kirchtiche Leitschri/t, 1895, t. VI, p. 923-961 ; G. A. van den Hergh van Evsinga, Die in der Apokulypse bekUmpfte Gnosis, dans Zeltsch. fiir die N. T. Wissenschafi, 1912, t. Xin, p. 293-305. Voir aussi l’art Opiums.

É. Amann.

1. NICOLAS I" (Saint), élu pape en avril 858, mort le 13 novembre 8<>7. — I. Le pontifical. IL Principales idées politiques et ecclésiastiques (col.. r > 19).

I. Le pontificat.

Né au début du VIII’siècle, sans que l’on puisse préciser la date, Nicolas appartenait à une importante famille romaine ; son père Théodore était « régionaire ». Doué de belles qualités, le jeune homme fil quelques éludes qui lui donnèrent des connaissances générales supérieures à la moyenne de son temps. Remarqué par le pape Serge II (844847), il entra au patriarchtum, c’est-à-dire au service de la curie et fut fait sous-diacre ; diacre sous Léon IV (847-855), il gagne la confiance du pape ; sous Benoît III (855-858), il est devenu l’indispensable conseiller, et c’est lui qui gouverne en fait. Rien d’étonnant donc qu’à la mort de Benoît, 7 avril 858, il soit le candidat tout désigné pour le Siège apostolique. On ne signale pas qu’il ait eu de compétiteur ; le prêtre Anastase qui, en 855, avait essayé, grâce à la protection de l’empereur Louis II, de supplanter Benoît, se tint tranquille pour cette fois. D’ailleurs le choix de Nicolas n’était pas pour déplaire au parti impérial, et, s’il faut en croire un mot de Piudence de Troyes, l’élection de Nicolas aurait été due bien plus à la présence et à la faveur de Louis II et de ses grands qu’aux voix du clergé : Nicolaus prwsvnlia magis ac favore Hludowici régis et procerum ejus quam cleri eleclione siibslituitur (Benedicto). Ann. 858, Monum. Germ. hist., Script., t. i, p. 452. Le Liber pontiftcalis, sans insister sur l’action impériale, signale, lui aussi, le retour précipité à Rome de Louis qui venait de quitter la ville, sa présence à la consécration de Nicolas (24 avril), les cordiales relations entre les deux puissances au lendemain de ces cérémonies.

Mais l’empereur se serait lourdement trompé, s’il eût pensé que ces circonstances lui créaient un droit sur le pape. Comme le dit. L. Duchesne, « Nicolas était l’homme de Louis IL II mt concilier le respect scrupuleux des conditions extérieures que les circonstances et les conventions imposaient à la papauté, avec la plus haute idée de ses devoirs de pontife et le plus grand zèle à les remplir. Son passage sur le siège de saint Pierre marque une période d’excitation de l’activité et de l’autorité pontificales. Depuis saint Grégoire le Grand on ne trouve aucun pape de cetle taille. Et pourtant ce précurseur de Grégoire VII trouve moyen de vivre en bonne intelligence avec son empereur italien. » Les premiers temps de l’État pontifical, p. 115.

Ncus sommes, d’ailleurs, très inégalement renseignés sur les diverses années du pontificat de Nicolas. Sur quelques-unes des grandes « affaires » dont il eut à s’occuper, le Liber pontiftcalis (qui est dans la circonstance une source de premier ordre) et la correspondance du pape qui est partiellement conservée (voir la bibliographie) nous renseignent avec abondance et exactitude. D’autres périodes, et en particulier les premières années, restent dans la grisaille. Comme chacune de ces grandes affaires forme un tout, nous les exposerons successivement sans nous attacher toujours strictement à l’ordre chronologique ; il ne faudra donc pas oublier qu’elles chevauchent plus