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N ICO LAI (.JEAN)

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rejeté quelques-uns des articles de Rainier de Pise, avait ajouté de nombreux développements contre les jansénistes, en particulier aux articles : Dominium, t. i, p. 766 b à 783 b ; Gratia, t. ii, p. 280 b à 323 a ; I.iberum arbitrium, t. tt, p. 759 a à 768 a ; Passio Christi, t. iii, p. 170 b à 172 a. Dans la préface du t. ii, Nicolaï rapportant qu’on le nomme « jésuite » et « moliniste » ajoute : < Jésuite, ce n’est pas insultant pour moi : J’ai trop de vénération pour la société de Jésus… mais me voici donc disciple de Molina… moi qui n’ai pas lu un de ses livres depuis vingt-deux ans ! … » A l’article Grâce, il rejette la grâce de persuasion de Bellarmin pour une grâce suffisante de prémotion physique essentiellement interne, t. ii, p. 286-288. De telles grâces sont données même aux infidèles, p. 295-301, même pour la pratique des devoirs d’état, p. 316-323. D’ailleurs le libre arbitre, où Dieu a mis le principe du mérite, n’est jamais supprimé, et, par la grâce actuelle suffisante, avant de porter le décret du jugement pratique ultime, il se joue dans toute la délibération qui prépare l’acte humain, p. 763-769. Cette doctrine répond mieux aux divers stades psychologiques de l’évolution de la spontanéité humaine que l’autre théorie thomiste, plus ancienne et plus généralement connue, de la grâce suffisante : celle de Thomas de Lemos et Alvarez, apparentée à Capréolus, Cajétan, Silvestre de Ferrare. Lemos et Alvarez avaient considéré la grâce suffisante comme un simple pouvoir prochain par réaction contre la grâce statique des molinistes. Maintenant la théorie de Nicolaï qui répondait mieux à la nécessité de sauvegarder le libre arbitre, trop diminué par les jansénistes, était acceptée par ses contemporains thomistes, Massoulié, Sanctus Thomas sut interpres, t. i, p. 226, et Bancel. Cette théorie n’était pas absolument nouvelle, ayant déjà été à demi exposée dans un livre du dominicain espagnol Jean Gonzalès de Albeda paru en 1635, Commentaria in I » parte, disp. LXII, sect. n. Elle a été reprise depuis par Guillermin, De la grâce suffisante, dans Revue thomiste, 1901-1903.

2° Éditions critiques des textes de saint Thomas. — En 1657, peu de temps après la dispute de la grâce, Nicolaï publait à Paris, in-folio, Sancti Thomæ Aquinatis expositio continua super quatuor evangelistas, ex latinis et græcis auctoribus ac præserlim ex Patrum sententiis et glossis miro artifteio quasi uno tenore contextuque conflata, et catena aurea justissimo titulo nuncupala, mine vero tandem ab innumeris et enormibus menais aliarum editionum expurgata, locorum indicibus antea falsis vel imperfectis insignita, novis addimentis, marginibus et ornamenlis aucta ut singulis evangelistis præfala ac prsefixa plenius indicabit, ouvrage qui devait être réédité à Lyon, en 1670, également in-folio. La préface indique les raisons pour lesquelles Nicolaï se fixe pour tâche la réédition critique des œuvres de saint Thomas : « Je n’ai pu voir sans douleurdes ouvrages divins… jamais corrigés des fautes… Pour ce faire j’ai dû abandonner beaucoup de choses que je méditais et qui eussent été le fait de ma propre industrie… Je n’ai cherché que le plus utile. » Nicolaï indique expressément comment il s’est reporté aux anciens manuscrits, et s’est appliqué à compléter le système des références. Cette Catena, ainsi remaniée, a eu un succès remarquable. On la trouve par exemple réimprimée, in-8°, à Avignon, en 1851, 8 vol., puis à Tournai, 10 vol. in-8°, en 1853, puis à Paris, en 3 vol. in-8°, en 1869 et en 1881. Elle avait été traduite en français par E. Castan, Paris, Vives, 1854-1855, 8 vol. in-8°. Elle fut cependant pour Nicolaï l’occasion de nouvelles polémiques. En 1662, son célèbre confrère, l’érudit Combéfis, l’éditeur de saint Maxime

et de saint Basile, avait publié, parmi les huit in-8° de sa Bibliotheca Patrum concinatoria, une partie de la Catena aurea selon des principes critiques différents de ceux de Nicolaï. Les compléments apportés aux références n’étaient plus mélangés au texte de saint Thomas, mais indiqués en marge ainsi que les variantes des manuscrits. Vexé, Nicolaï écrivit sous le pseudonyme d’Honoré de Saint-Grégoire une In Catenam auream S. Thomiv P. Xicolai editionem novam apologetica prsefatio, Paris, in-12, 120 p. Combéfis répliqua : Prolusio ad priv/ationem apologeticam in P. Nicolaï editionem novam Catena’aurea D. Thomas, Paris, 1668, in-8°, 78 p. ; puis, à de nouvelles discussions verbales de Nicolaï, Combéfis répliqua encore : Discussiones ad prolusionem brevius excusa", ibid., -15 p. Nicolaï ne se tint pas pour battu et écrivit : In Catenam auream S. Thomæ opéra et studio F. Johannis Nicolaï Prædicatoris recognitam confixiones prœsumplitiæ per eumdem recognitorem ex pro/esso refixæ, seu verius discussæ fîxiones, Lyon, 1669 in-12, 186 p. La grosse affaire du débat était de savoir s’il faut faire dire à saint Hilaire que les apôtres sont des salores ou des salitores. Les manucrits consultés se partagent. — - La première étude parue sous le nom d’Honoré de Saint-Grégoire contenait un Appendix in dissertationem de fictitio S. Thomæ græcismo, réfutant doucement un autre dominicain de Saint-Jacques, lui aussi ami de la cour et ennemi des jansénistes, Bernard Guyard. Guyard avait écrit, en 1667, une Disserlatio utrum S. Thomas calluerit linguam græcam, Paris, in-8, 296 p., soutenant contre Launoi que saint Thomas était un helléniste. A la réprobation de Nicolaï, enveloppé sous un pseudonyme, Guyard répliqua par un écrit violent : Adversus métamorphoses Honorati a S. Gregorio, Paris, in-8°, 116 p., ouvrage qui dut causer quelque tort à Nicolaï, car, pour un passage de la Bruyère qui blâme les pseudonymes inutiles, une clef contemporaine indique : Nicolaï. Voir Les caractères, édit. Walckenær, 1852, t. ii, p. 739.

Nicolaï poursuivait cependant ses éditions d’écrits de saint Thomas. En 1659, quatre volumes in-folio paraissaient : Sancti Thomæ Aquinatis præclarissima commentaria in IV libros sententiarum Pétri I.ombardi. .. ab enormibus et innumeris mendis aliarum editionum expurgata, inlegritati suæ restituta, in meliorem stalum simul cum ipso primitivo Magislri textu reformato, locorum indicibus vel emendalis vel suppletis ac notis ubique marginalibus illustrala. Nicolaï fut moins bien inspiré l’année suivante en publiant un S. Thomæ Aquinatis commentarius posterior super libros sententiarum sive secundum scriptum vulgo diclum, cui præter præcedentium editionum et enormium supra modum corruplelarum correctiones, innumeras nonnullæ ad marginem notationes vel ad integriorem dogmaticarum rerum sensus, quantum licuit additæ sunt ut præfatio explicatius declarabit. La préface voulait prouver l’authenticité de ce second commentaire qui aurait été celui que signale Tolomée de Lucques. Nicolaï n’a pas pensé qu’il pouvait être un résumé du Commentaire classique des Sentences. C’est pourtant ce qui est. L’auteur est un disciple de saint Thomas, frère Hannibald. Cf. Mandonnet, Écrits authentiques de saint Thomas d’Aquin, p. 121-125, 131-132. La même année 1660, Nicolaï publiait : S. Thomæ Aquinatis quodlibetales quæstiones a priorum editionum corruplelis et mendis expurgatæ, in meliorem formam quoad seriem ac numerum articulorum reslitutæ, locorum indicibus qui deerant annotatis locupletatæ, acscholiisel notis ut licuit marginalibus illustralæ. Nicolaï se plaint de manquer de manuscrits anciens des quodtibet. Il y en avait pourtant à Paris aux collèges de Sorbonne et de Navarre.